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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

En Syrie, les Occidentaux n’ont pas de plan B

Les Européens et les États-Unis n’ont d’autre choix que de négocier avec Moscou pour tenter de faire pression sur Damas.

Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov (d), et son homologue français, Jean-Yves Le Drian, lors de leur conférence de presse mardi 27 février à Moscou. Yuri Kadobnov / AFP

Malgré le vote à l’unanimité, samedi 24 février, d’une résolution de l’ONU réclamant une trêve humanitaire de 30 jours en Syrie, le régime Assad continue de bombarder la Ghouta orientale. Lors de ce vote, la Russie n’a pas posé son veto, ce qui a été interprété par certains observateurs comme un signe de bonne volonté. En tant que parrain du régime syrien, Moscou donnait ainsi l’impression d’être sérieux dans sa volonté d’établir les bases d’un processus de paix.

Comme un pied de nez à l’ONU, Moscou a au contraire, dès lundi, décrété ses propres conditions de trêve tout en multipliant les déclarations de soutien à l’égard de l’offensive du régime. À défaut d’un cessez-le-feu, l’ours russe a « ordonné une trêve quotidienne de cinq heures » pour permettre aux civils d’évacuer la zone. Pourquoi alors avoir joué le jeu à l’ONU pour ensuite décrédibiliser tout le processus ? « Les Russes ont choisi d’agir et de voter la résolution du Conseil de sécurité par souci d’image », affirme à L’Orient-Le Jour Michel Duclos, ancien ambassadeur de France en Syrie et conseiller spécial à l’Institut Montaigne. Autrement dit, la Russie a intérêt à continuer de se présenter comme le meilleur intermédiaire pour faire cesser les hostilités et peut se permettre ensuite de faire ce qu’elle veut sur le terrain compte tenu de l’impuissance des Occidentaux.

Ces derniers se refusent d’intervenir militairement contre les forces loyalistes, sauf en cas de nouvelles attaques chimiques, et ils ne peuvent utiliser que leurs leviers diplomatiques pour obtenir gain de cause. Or le Conseil de sécurité est bloqué par le veto russe. Et les seules résolutions adoptées sont systématiquement violées par les parties au conflit.


Paris semble pourtant convaincu que les discussions avec Moscou restent le meilleur moyen de faire entendre ses préoccupations. Lors d’une conférence de presse organisée mardi à Moscou entre Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, et Sergueï Lavrov, son homologue russe, la France a pris les devants. Durant cette rencontre, le chef de la diplomatie française a pu faire part de ses inquiétudes quant à l’application de la trêve ordonnée par la Russie. M. Le Drian a précisé que celle-ci n’est qu’ « une étape » et qu’ « il faut aller plus loin (…) notamment pour que les évacuations médicales dans les cas les plus critiques soient rendues possibles », a-t-il insisté. Sergueï Lavrov a admis, lors de cette conférence de presse, que les « corridors humanitaires » devaient fonctionner dans les deux sens. C’est-à-dire, à la fois pour l’évacuation des blessés et des civils qui le souhaitent, mais également pour l’entrée de convois d’aide humanitaire. Le ministre français a également invité la Russie à faire un geste pour que le texte onusien voté samedi soit respecté.


(Lire aussi : Ghouta : quatre contre-vérités de la propagande pro-Assad)


Quelle stratégie ?
Paris considère que Moscou est le seul acteur susceptible de faire pression sur Bachar el-Assad. Si les groupes rebelles présents dans la Ghouta ont adressé une lettre au Conseil de sécurité affirmant vouloir respecter la trêve, la France a appelé hier les alliés de Bachar el-Assad à exercer « une pression maximale » sur le régime syrien pour qu’il fasse de même. « Les groupes armés présents dans la Ghouta orientale se sont engagés auprès du Conseil de sécurité des Nations unies à respecter la résolution 2401 et à accepter la trêve », a souligné mardi la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Agnès von Der Mühll, lors d’un point de presse. « Nous demandons par conséquent aux soutiens du régime syrien d’exercer une pression maximale sur celui-ci pour qu’il mette en œuvre ses obligations », a-t-elle précisé, en pointant du doigt la Russie et l’Iran, soutiens indéfectibles de Bachar el-Assad.

Les Occidentaux se retrouvent ainsi dans une impasse : obliger de continuer à essayer d’activer le levier russe par absence de solution alternative. « Les Russes sont aujourd’hui les maîtres du terrain. On ne voit pas qui peut les contrecarrer », précise à L’OLJ Joseph Maïla, professeur en relations internationales à l’Essec, ancien directeur de la prospective au ministère des Affaires étrangères. « La France, à l’image de M. Le Drian à Moscou, doit continuer à insister et à avoir des proposions concrètes à mettre sur la table », poursuit Michel Duclos.

Pour Joseph Maïla, les Occidentaux doivent concentrer leurs efforts sur deux objectifs : « Le premier, c’est la pression à exercer sur le gouvernement syrien à travers le dialogue avec la Russie. Et le second vise, à moyen et à long terme, à une participation politique pour conforter une solution trouvée dans le cadre de la médiation onusienne. » Si Moscou ne joue pas le jeu, les Européens ne semblent pas avoir de plan B. Ils doivent se contenter d’assister, comme des spectateurs, à la poursuite de l’offensive des forces loyalistes contre l’enclave rebelle. Les Américains, quant à eux, bénéficient d’une autre carte, qu’ils ont toutefois décidé pour l’instant de ne pas utiliser. « Il y a une position européenne qui consiste en l’accompagnement d’une solution politique, une participation à la discussion et une pression faite sur le maître des lieux, à savoir la Russie. Mais il y a aussi une composante militaire dans la position occidentale qui complète la vision européenne qui est l’approche américaine. »

Washington a en effet des troupes dans sa zone d’influence, dans l’est de la Syrie, et a annoncé au mois de janvier, par la voix du secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, qu’il comptait maintenir leur présence à moyen terme. Les Américains semblent toutefois vouloir éviter toute escalade militaire avec la Russie en Syrie. Comme lors de l’offensive d’Alep en 2016, les Occidentaux sont victimes de l’illisibilité de leur stratégie en Syrie, principale cause de leur impuissance actuelle.



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Malgré le vote à l’unanimité, samedi 24 février, d’une résolution de l’ONU réclamant une trêve humanitaire de 30 jours en Syrie, le régime Assad continue de bombarder la Ghouta orientale. Lors de ce vote, la Russie n’a pas posé son veto, ce qui a été interprété par certains observateurs comme un signe de bonne volonté. En tant que parrain du régime syrien, Moscou donnait...

commentaires (5)

Après tout ce qui s'est passé ...depuis sept ans.. Les plans A,B ou C déjà usés depuis le "fabuleux Fabius" et ses déclarations à l'emporte-pièce qui n'ont fait qu'encourager les massacres et la progression de l'Etat islamique Daech, encourager la Turquie à mettre en place des milices avec des différentes appellations fantaisistes (tous émanations de Daech)...etc etc Merci pour d'autres plans! Maintenant essayons de donner corps à la Paix... Dans le respect des différentes communautés qui composent la Syrie, Kurdes, alaouis, sunnites ou chiites etc etc Il ne peut y avoir une paix sans respect de tous. Bachar n'est pas éternel comme personne d'ailleurs dans le monde. Espérons une région apaisée et harmonieuse.

Sarkis Serge Tateossian

16 h 30, le 01 mars 2018

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Commentaires (5)

  • Après tout ce qui s'est passé ...depuis sept ans.. Les plans A,B ou C déjà usés depuis le "fabuleux Fabius" et ses déclarations à l'emporte-pièce qui n'ont fait qu'encourager les massacres et la progression de l'Etat islamique Daech, encourager la Turquie à mettre en place des milices avec des différentes appellations fantaisistes (tous émanations de Daech)...etc etc Merci pour d'autres plans! Maintenant essayons de donner corps à la Paix... Dans le respect des différentes communautés qui composent la Syrie, Kurdes, alaouis, sunnites ou chiites etc etc Il ne peut y avoir une paix sans respect de tous. Bachar n'est pas éternel comme personne d'ailleurs dans le monde. Espérons une région apaisée et harmonieuse.

    Sarkis Serge Tateossian

    16 h 30, le 01 mars 2018

  • Merci Obama pour votre politique en Syrie et dans la region.

    LeRougeEtLeNoir

    15 h 22, le 01 mars 2018

  • Le seul plan que ces occicons influencés ont eu, c'était de faire partir BASHAR qui a opposé à leur boss une résistance sans pareille , en aidant en toile de fond le hezb resistant qui leur botté le cul en 2000 et 2006 . Avoir mis à feu et à sang un pays , un peuple , c'est le dernier de leur souci .

    FRIK-A-FRAK

    14 h 11, le 01 mars 2018

  • ILS N,ONT JAMAIS EU DES PLANS. SEULEMENT UN ENTENDEMENT DIT CONNIVENCE AVEC LE POUTIRIEN SUR LES PARTS DE CHACUN DANS LA REGION ! LA SYRIE A ETE SACRIFIEE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 53, le 01 mars 2018

  • est ce qu'ils avaient jamais eu un plan A , a l'origine ? pas du tout, ce fut un cafouillage inouï et C le peuple syrien qui en a payé le prix. obama, trump, hollande, macron,cameron,may, C la meme etoffe .des traitres qui doivent etre juges par un tribunal int'l , tout autant qu'assad ,putin et wali fakih !

    Gaby SIOUFI

    11 h 07, le 01 mars 2018

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