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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Comment la crise syrienne affaiblit l’ONU

Face aux veto russes et chinois, le Conseil de sécurité peine à faire appliquer ses résolutions en Syrie. 

La table du Conseil de sécurité au siège de l’Organisation des Nations unies, à New York. Kena Betancur/AFP

L’ONU ne ressortira probablement pas indemne de la crise syrienne. Malgré les multiples marathons diplomatiques pour tenter de faire avancer le processus de paix, l’organisation internationale a démontré l’étendue de ses limites depuis 2011. Entre les veto russes et chinois paralysant les textes votés et les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité pour des trêves humanitaires non respectées par les pays concernés, l’ONU se retrouve profondément affaiblie.  

Le samedi 24 février, le Conseil de sécurité est parvenu à adopter une résolution réclamant une trêve humanitaire « dans tout le pays », notamment dans la Ghouta orientale (dans la périphérie de Damas). Cette résolution semble toutefois mort-née. Le régime syrien a atténué ces bombardements, mais a lancé son offensive terrestre contre la région où 400 000 civils sont toujours assiégés depuis 2013. Cet échec s’inscrit dans la continuité de ceux rencontrés par l’ONU depuis le début du conflit syrien. Le Conseil de sécurité a adopté plus d’une dizaine de résolutions condamnant le régime syrien pour usage de violences, pour l’utilisation d’armes chimiques, et réclamant la cessation des hostilités. Mais, pour quasiment chaque vote au Conseil, un veto venait le sanctionner pour le rendre invalide, d’où le très petit nombre de trêves et de résolutions qui ont pu être adoptées.


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Un projet de résolution doit retenir 9 votes favorables sur 15 et ne faire l’objet d’aucun veto de la part d’un des membres permanents du Conseil de sécurité (Russie, Chine, États-Unis, Grande-Bretagne, France) qui annulerait de facto le vote en question. Mais, parmi les résolutions qui condamnent, sanctionnent ou réclament le départ du président syrien, et celles visant à trouver une solution au conflit, ce ne sont pas moins de 11 veto russes et 6 veto chinois qui ont été utilisés. Évolution notable : la Chine, qui était d’abord présente aux côtés des Russes lors des premiers votes, n’a pas posé son veto lors des derniers suffrages. Les rares résolutions concernant l’instauration de trêves qui ont été votées ont volé en éclats quelques heures ou quelques jours plus tard.

 Moscou est aujourd’hui plus isolé, mais paradoxalement aussi plus fort qu’il ne l’était en 2011 sur la scène internationale. Il a la capacité de dicter le jeu diplomatique, de bloquer le processus de paix tout entier et d’impacter, à long terme, les règles qui régissent les relations internationales. Bachar el-Assad peut faire fi de la trêve et continuer à bombarder la Ghouta grâce à la protection de son parrain russe. Comme si Damas et ses deux parrains adressaient une claque au principe même du multilatéralisme, en profitant du relatif retrait volontaire des Occidentaux. « La Russie a voulu tuer le multilatéralisme. S’il n’y a pas de volonté unilatérale d’action des puissances occidentales, on ne résoudra absolument pas la crise syrienne », dit à L’Orient-Le Jour Nicolas Tenzer, président du Cerap (Centre d’études et de recherches administratives et politiques) de Paris et enseignant à Sciences-Po.


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Autre problématique pour l’ONU : les puissances extérieures intervenant dans le conflit syrien (Russie, Turquie, Iran…) semblent toutes privilégier la logique de puissance, le rapport de force, plutôt que la culture du compromis et de la négociation. Non pas qu’elles agissent sans diplomatie, mais celle-ci est utilisée à des fins tactiques et non stratégiques. C’est un moyen de gagner du temps, mais pas une fin en soi. « Il y a une volonté de la Russie de se moquer de l’ONU et de saper les règles fondamentales de l’ordre libéral, que ce soit les organisations internationales mais aussi le droit international », insiste Nicolas Tenzer. « Avec les agissements de la Russie, il faut que les grandes puissances présentes au Conseil de sécurité puissent agir encore plus fort de manière à ne pas être humiliées », ajoute-t-il. Autrement dit, mettre davantage de pression sur Moscou pour l’obliger à respecter le droit international.

Au-delà de la crise syrienne, l’ONU est appelée à se réformer pour éviter ce type de blocages. La France, par le biais de François Hollande, avait déjà formulé en septembre 2015 devant l’Assemblée générale une mesure forte. Il s’agissait de renoncer volontairement et respectivement, pour tous les membres permanents du Conseil de sécurité, au droit de veto en cas de crimes de masse. Cela n’impliquait donc pas une révision de la Charte des Nations unies. « La crise syrienne a mis en lumière l’impasse dans laquelle se trouvait le Conseil de sécurité face à cet usage », résumait Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux Nations unies durant la réunion du 29 octobre 2013. Mais « la proposition de la France sur le droit de veto ne peut absolument pas aboutir », conclut Nicolas Tenzer.


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