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Moyen Orient et Monde - Syrie

Moscou offre un cadeau empoisonné à la Ghouta

Le président russe a ordonné hier à Damas la mise en place de « corridors humanitaires ».


Un Syrien marchant au milieu des décombres à Douma. Hamza al-Ajweh/AFP

Vladimir Poutine dicte le jeu diplomatique en Syrie. Il a tenu à le rappeler une nouvelle fois hier en faisant un geste à l’ONU qui ressemble en réalité à un pied de nez. « Sur ordre du président russe et dans le but d’éviter les pertes parmi les civils de la Ghouta orientale, une trêve humanitaire quotidienne sera instaurée à partir du 27 février de 9h00 à 14h00 », a déclaré dans un communiqué Sergueï Choïgou, le ministre russe de la Défense. À défaut du respect de la résolution de l’ONU demandant un cessez-le-feu en Syrie « sans délai » voté samedi, la Russie a offert la mise en place de « corridors humanitaires » afin que les civils puissent être évacués. « Leurs coordonnées sont prêtes et seront rendues publiques bientôt », a indiqué M. Choïgou. Le ministre russe de la Défense a également estimé que des mesures similaires devaient être appliquées dans les régions d’al-Tanf et de Rubkan, à la frontière jordanienne, « afin que les civils puissent retourner chez eux sans entrave et entamer une vie pacifique ».  

Pas de trêve dans la Ghouta donc, mais des corridors à sens unique pour permettre aux civils de sortir plutôt que pour leur faire parvenir de l’aide humanitaire : la proposition russe apparaît comme un cadeau empoisonné. Car ces « corridors humanitaires » permettent surtout au régime syrien de poursuivre son offensive terrestre en mettant en avant la possibilité pour les civils de quitter la zone assiégée. S’ils acceptent, le régime pourra pilonner la Ghouta à sa guise, en arguant du fait que les civils ont été évacués. S’ils refusent, il pourra faire la même chose, en arguant du fait qu’ils ont eu leur chance. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a accusé hier les rebelles de « tenir la population locale en otage ».


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Le régime avait utilisé la même tactique lors du siège d’Alep en 2016. De nombreux civils avaient cependant refusé de quitter la ville, malgré les bombardements incessants contre les rebelles, au motif que ceux-ci n’étaient que des « couloirs de la mort » aux mains de Damas. Les forces loyalistes profitent des ambiguïtés de la résolution de l’ONU selon laquelle différents groupes terroristes sont exclus de la trêve, pour continuer leur opération militaire. Ces derniers intègrent les rebelles dans la définition des « terroristes » au même titre qu’el-Qaëda et l’organisation État islamique.

Alors que les pilonnages sur la Ghouta orientale ont déjà fait plus de 550 morts et des centaines de blessés en une semaine, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), le président russe pousse son avantage face aux Occidentaux, impuissants face à cette situation. Comme une pique à l’attention de la communauté internationale, Moscou a affirmé hier que le cessez-le-feu exigé « sans délai » ne débutera que lorsque tous les belligérants seront d’accord sur ses modalités dans l’ensemble du pays en guerre.


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« Combats les plus violents »

Si les bombardements ont baissé en intensité selon l’OSDH, « les combats sont les plus violents depuis le début du mois », a souligné dimanche son directeur Rami Abdel Rahmane. Selon différents médias prorégime, des blindés de l’armée syrienne auraient réussi à pénétrer dans l’ouest de la ville de Harasta, située dans la banlieue nord-est de Damas, où se trouvent les groupes rebelles Hayat Tahrir al-Cham (ex- Front al-Nosra) et Faylak al-Rahmane. La ville de Nachabiyé serait également tombée sous l’égide des combattants pro-Damas, bien que le groupe salafiste Jaïch al-Islam qui contrôle la ville réfute cette version des faits.

Sur le terrain, « différentes unités sont impliquées » avec le régime syrien, explique Aron Lund, expert de la Syrie à la Century Foundation, contacté par L’Orient-Le Jour. Elles « comprennent celles de la garde républicaine et les Forces du tigre, une coalition de milices liées aux forces de l’intelligence aérienne », observe-t-il. « Les médias pro-opposition et progouvernement ont également noté la participation de l’armée de l’air russe », poursuit le spécialiste.

Damas aurait également eu recours à de nouvelles attaques au chlore dimanche, selon plusieurs témoignages qui faisaient état de symptômes chez de nombreuses personnes. Déjà utilisé au mois de janvier contre les habitants de la Ghouta, le chlore ne semble pas être considéré comme une ligne rouge par les puissances occidentales, au contraire du gaz sarin. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, s’est empressé pour sa part de monter au créneau hier afin de démentir ces accusations. « Il y a déjà de fausses informations dans les médias sur une utilisation de chlore hier (dimanche) et ce matin (lundi) dans la Ghouta orientale », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. « Les responsables russes avaient déjà averti hier que de telles provocations étaient en préparation », a-t-il ajouté.


(Lire aussi : La communauté internationale tragiquement impuissante face à Damas et ses parrains)


Ankara rappelé à l’ordre

Alors que tous les regards se tournent vers la Ghouta, Damas n’est pas le seul acteur impliqué dans le conflit à ne pas respecter le cessez-le-feu décidé par l’ONU. La Turquie, qui a lancé l’offensive en janvier sur la ville de Afrine contrôlée par les Kurdes, a également considéré que la trêve ne concernait pas « sa lutte contre le terrorisme ». Le chef de la diplomatie turc s’est contenté de « féliciter » le Conseil de sécurité pour sa résolution, avant d’ajouter qu’Ankara « reste résolue à combattre les organisations terroristes qui menacent l’intégrité territoriale et politique de la Syrie ». Les Turcs jouent ainsi de la même stratégie que Damas et ses parrains, puisqu’ils considèrent les Unités de protection du peuple (YPG) comme des « terroristes » affiliés au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Dans ce contexte, le président français Emmanuel Macron et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan se sont entretenus hier au téléphone. Le dirigeant français a « souligné que la trêve humanitaire s’appliquait à l’ensemble du territoire syrien, y compris à Afrine », précise un communiqué de l’Élysée. Le cessez-le-feu doit « être mis en œuvre partout et par tous sans délai pour enrayer l’engrenage de la violence en cours susceptible de mener à une déflagration régionale et d’éloigner toute perspective de règlement politique », a-t-il insisté. Difficile de savoir quelle attention a été accordée à ses propos alors que M. Erdogan avait déclaré dimanche que l’offensive « continuera jusqu’à ce que le dernier terroriste soit éliminé ».


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Vladimir Poutine dicte le jeu diplomatique en Syrie. Il a tenu à le rappeler une nouvelle fois hier en faisant un geste à l’ONU qui ressemble en réalité à un pied de nez. « Sur ordre du président russe et dans le but d’éviter les pertes parmi les civils de la Ghouta orientale, une trêve humanitaire quotidienne sera instaurée à partir du 27 février de 9h00 à 14h00 »,...

commentaires (4)

HONTEUX, VOILA CE QUE C'EST.

Gaby SIOUFI

15 h 42, le 27 février 2018

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Commentaires (4)

  • HONTEUX, VOILA CE QUE C'EST.

    Gaby SIOUFI

    15 h 42, le 27 février 2018

  • MOSCOU EST LA TETE DE LA VIPERE POUR LA GHOUTA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 18, le 27 février 2018

  • 2 constats à destination des ânes qui BRAIENT. 1- MOSCOU EST SEUL MAÎTRE À BORD EN SYRIE , DONC CONNIVENCE MON OEIL . 2- LES BACTERIES WAHABITES à denomination multiple ALLIÉES DES OCCIDENTAUX SOUS INFLUENCE DES SIONISTES DISRAEL SONT CELLES QUI EMPÊCHENT LES CIVILS DE FUIR LA ZONE DES COMBATS ET S'EN SERVENT COMME BOUCLIER HUMAIN . Et une autre , l'aviation des usurpateurs n'intervient toujours pas pour aider leurs mercenaires , pourquoi donc ? Parce que Poutine veille .

    FRIK-A-FRAK

    08 h 18, le 27 février 2018

  • A chacun ses terroristes....le gouvernement de Vichy et les nazis accusaient aussi les resistants de terroristes...

    HABIBI FRANCAIS

    07 h 03, le 27 février 2018

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