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Moyen Orient et Monde - Analyse

Ghouta : voilà à quoi ressemble la « paix de Poutine »

Moscou est un acteur beaucoup trop impliqué pour enfiler le costume d’arbitre.

La fumée au-dessus de Hammouria dans la Ghouta orientale, après des bombardements intensifs du régime syrien. Abdulmonam Eassa/AFP

Quel meilleur moyen de faire la paix que de mettre son ennemi à genoux? Aucun, semblent estimer le régime syrien et ses parrains russe et iranien, qui se livrent depuis quatre jours à une nouvelle démonstration de force contre la Ghouta orientale. L’existence du fief rebelle aux portes de Damas pose plusieurs inconvénients aux forces loyalistes. Outre sa position géographique, la Ghouta est « dangereuse » pour le régime, parce qu’elle est l’un des lieux les plus symboliques de la rébellion contre le pouvoir, parce qu’elle abrite aussi environ 400 000 personnes et, enfin, parce que les groupes islamistes qui y sont dominants sont fortement représentés au sein de l’opposition syrienne.

Le régime met donc les bouchées doubles pour en finir avec les derniers insurgés qui osent encore lui résister. En utilisant la même méthode de destruction totale, qui a fait ses preuves par le passé : bombardements intensifs tout au long de la journée avec notamment ciblage des infrastructures civiles et utilisation du chlore, avant de lancer l’opération terrestre.
Cette nouvelle offensive du régime était prévisible. Bachar el-Assad n’a jamais caché sa volonté de reconquérir toute la Syrie et continue de qualifier de terroristes tous ceux qui contestent son pouvoir. Le président syrien a démontré à de multiples reprises que tuer sa propre population, dont des femmes et des enfants, n’est pas pour lui un problème. Le bilan en est à plus de 300 morts en seulement quatre jours. Et il va très probablement continuer de s’alourdir.
Damas reste hermétique aux pressions diplomatiques de la communauté internationale. Il ne comprend que le langage de la force et il est persuadé que c’est son meilleur atout pour sortir grand vainqueur de cette guerre. C’est dans l’ADN d’un régime qui n’a accepté de faire des concessions diplomatiques qu’à une seule reprise en 40 ans, au moment des négociations pour la stabilisation du front du Golan sous l’égide de Henry Kissinger. Dans l’esprit du pouvoir, chaque concession est une preuve de faiblesse, qui peut entraîner l’écroulement de tout l’édifice.


(Repère : Avant la Ghouta, d'autres enclaves assiégées par le régime Assad)


Double jeu russe
Peu lui importe de raser des quartiers entiers, déplacer des populations, provoquer de nouvelles vagues de réfugiés. Peu lui importe même de gagner la paix, car pour ce faire il lui faudrait reconnaître une certaine légitimité politique à son ennemi. Seule la survie du régime, qu’elle qu’en soit le prix, compte au final.

Faire croire que ce régime était susceptible de faire la paix a été la supercherie des Russes. Encouragées en ce sens, les puissances occidentales espéraient que Moscou profiterait de son ascendant sur Damas pour l’obliger à entamer des négociations politiques. L’ours russe, qui a sauvé Bachar el-Assad en intervenant militairement en 2015 et qui n’a pas depuis manqué une occasion de lui rappeler qu’il lui devait sa tête, a soufflé le chaud et le froid, se présentant tantôt comme un parrain, tantôt comme un arbitre. La Russie a en effet cherché à imposer sa paix, tout en continuant de soutenir l’effort de guerre.

La terrible offensive contre la Ghouta est la résultante de ce double jeu russe, auquel les Occidentaux ont fait semblant, par commodité, de croire. La Ghouta faisait partie des zones de désescalade négociées par Moscou, Téhéran et Ankara à Astana, avec la présence des principaux groupes rebelles présents dans le fief. Ces mêmes groupes étaient également invités à Sotchi, pour participer à des négociations politiques sur l’avenir de la Syrie. C’est toute l’ambiguïté de Moscou : si ces groupes sont considérés comme terroristes, pourquoi négocier avec eux ? S’il négocie avec eux, pourquoi les bombarder ?
Les zones de désescalade répondaient à un intérêt tactique : profiter de l’accalmie pour pouvoir déplacer les forces loyalistes sur un autre front. Mais elle n’était en aucun cas la première étape d’un processus de paix. Vladimir Poutine ne veut pas faire la paix en Syrie, il veut l’imposer. Et malgré les humiliations infligées au président syrien, il n’a jamais fait pression sur le régime pour le pousser à entamer des négociations politiques.

Pieds et poings liés
En misant tout sur le président syrien, le maître du Kremlin est-il devenu l’otage de son obligé, qui ne lui laisse aucune autre alternative que de le soutenir en tout point pour protéger les intérêts russes en Syrie ? C’est possible. Si Vladimir Poutine pouvait se débarrasser de Bachar el-Assad, auquel il n’est pas personnellement attaché, pour le remplacer par un homme qui lui serait entièrement dévoué, il l’aurait peut-être déjà fait. La famille Assad est la clé du système, celle sans qui tout l’édifice s’effondre, et en ce sens le président russe est en quelque sorte piégé.
Mais que Vladimir Poutine ne veuille pas ou ne puisse pas faire pression sur le régime ne change finalement pas grand-chose. Au final, Moscou a appuyé toutes les opérations militaires menées par les forces loyalistes, sans jamais donner l’impression de sourciller.

Moscou a démenti hier avoir participé aux raids contre la Ghouta, malgré les informations rapportés par l’Observatoire syrien des droits de l’homme. Il a réclamé dans la soirée une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU sur la situation dans la Ghouta orientale, « pour proposer des moyens de sortir de la situation actuelle ». Comme s’il enfilait à nouveau le costume d’arbitre face à des événements qui lui échappent. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov se félicitait pourtant lundi de pouvoir « déployer l’expérience dans la libération d’Alep (...) dans la Ghouta orientale ».

La Russie veut se présenter comme un « honnête courtier », alors qu’elle est pieds et poings liés avec le régime. Israël, qui comptait sur la Russie pour limiter l’influence iranienne en Syrie, doit regarder la situation avec attention. Malgré ses bonnes relations avec l’État hébreu, malgré ses divergences stratégiques avec l’Iran, Moscou a besoin de Téhéran en Syrie. Comme il a besoin du régime syrien. Moscou est un acteur beaucoup trop impliqué pour enfiler le costume d’arbitre. La tragique situation que vit actuellement la Ghouta devrait, au moins, lever les derniers doutes à ce sujet.


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Quel meilleur moyen de faire la paix que de mettre son ennemi à genoux? Aucun, semblent estimer le régime syrien et ses parrains russe et iranien, qui se livrent depuis quatre jours à une nouvelle démonstration de force contre la Ghouta orientale. L’existence du fief rebelle aux portes de Damas pose plusieurs inconvénients aux forces loyalistes. Outre sa position géographique, la Ghouta...

commentaires (5)

On oublie également que son père et sa mère servaient déjà Staline. ce n'est pas un bobard

FAKHOURI

11 h 42, le 22 février 2018

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Commentaires (5)

  • On oublie également que son père et sa mère servaient déjà Staline. ce n'est pas un bobard

    FAKHOURI

    11 h 42, le 22 février 2018

  • on oublie tous que Poutine est fidèle produit du KGB. Il ne faut jamais le prendre au sérieux lorsqu'il parle de paix. Il ne sait pa s ce que "paix" veut dire. Offrant ses services à un criminel, il n'y aura jamais de paix en Syrie et en ajoutant les ambitions de Teheran dans la région il y a peu de chance que le peuple syrien trouve la paix avec le criminel qui prétend la gérer

    FAKHOURI

    11 h 40, le 22 février 2018

  • Bachar el-Assad, un magnifique "Héros" aidé par d'autres "Héros" de la liberté, très dévoués et pas du tout intéressés, venant de Moscou et de Téhéran ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 54, le 22 février 2018

  • A UNE SUCCESSION DE GENOCIDES PERPETRES CONTRE LE PEUPLE SYRIEN !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 53, le 22 février 2018

  • "Ubi solitudinem faciunt, pacem appelant"

    Yves Prevost

    07 h 35, le 22 février 2018

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