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À La Une - récit

Cessez-le-feu en Syrie: quatre jours de "folie onusienne"

La négociation ayant abouti à une demande de cessez-le-feu humanitaire en Syrie a donné lieu à quatre jours de soubresauts à l'ONU dont certains prêteraient à sourire si l'enjeu n'avait été si sanglant.

Le représentant syrien à l'ONU, Bachar Jaafari (centre) au Conseil de sécurité de l'Onu, le 24 février 2018. / AFP / Don EMMERT

Lenteurs, drames, cinéma, dîner russe somptueux... La négociation ayant abouti samedi à une demande de cessez-le-feu humanitaire en Syrie a donné lieu à quatre jours de soubresauts à l'ONU dont certains prêteraient à sourire si l'enjeu n'avait été si sanglant.

L'histoire débute le 6 février: les organisations humanitaires en Syrie exigent une trêve immédiate pour acheminer de l'aide, notamment aux 400.000 civils reclus dans la Ghouta orientale, cette enclave rebelle dans la banlieue de Damas assiégée depuis cinq ans.

Deux jours plus tard, une première réunion du Conseil de sécurité sur la question s'achève par des mines fermées d'ambassadeurs. Moscou juge "irréalisable" un cessez-le-feu.

Le lendemain, le 9 février, le Koweït --président en exercice du Conseil de sécurité-- et la Suède mettent un texte de résolution sur la table. Les négociations débutent.

"Au début, tout se passe bien, la Russie discute", raconte à l'AFP un diplomate. Dix jours plus tard, soit au début de cette semaine, le ton se durcit. Les bombardements, notamment sur les hôpitaux, dans la Ghouta redoublent et "ce n'est pas un hasard", ajoute-t-il.

Sous la pression d'images de plus en plus horribles --plus de 500 civils tués en sept jours--, le Koweït et la Suède finalisent mercredi un texte et appellent à un vote mais sans donner de date...


(Lire aussi : Siège, bombes : des habitants de la Ghouta orientale racontent leur calvaire)


'Tombeau de l'ONU'

Certains diplomates s'énervent. "Si on avait été les auteurs, y'a beau temps qu'on aurait demandé un vote avec une date", s'indigne l'un d'eux.

Jeudi: vote ou pas? Non, juste une réunion "d'échanges" voulue par la Russie qui cherche manifestement à gagner du temps.

Moscou propose de nouveaux amendements, dont certains sont jugés "inacceptables" par les Occidentaux, comme celui requérant l'aval de Damas pour tout convoi humanitaire.

L'ambassadeur français François Delattre s'insurge contre l'incurie: "Prenons garde que la tragédie syrienne ne soit pas aussi le tombeau des Nations unies!" Fin 2016, c'était la même chose pour Alep, se remémore une ancienne dans les couloirs surannés de l'ONU.

En fin d'après-midi jeudi, deux évènements prévus de longue date se percutent.

Avec le concours de la France, la mission diplomatique allemande à l'ONU projette "Les derniers hommes d'Alep", en lice pour l'Oscar du meilleur documentaire. A l'écran, des images d'enfants inertes et ensanglantés sortis de décombres par les Casques blancs, ces secouristes filmés sous les bombardements. Dans la salle, des exclamations étouffées d'horreur.

Simultanément, débute une vaste réception dans des locaux diplomatiques russes. Avec 150 à 200 invités, dont des diplomates chinois et des dix pays non permanents du Conseil de sécurité, selon des témoins.


(Lire aussi : Ghouta : l’étrange discrétion des parrains des rebelles) 


'Bout du monde'

Au menu, du Stroganina, ce saumon blanc sibérien givré, et du vin français du "Domaine Le Bout du Monde". Logique, c'est un dîner "Yakut" avec des danseurs et musiciens en costumes venus de Sibérie. La soirée est animée, des convives dansent.

Dans la nuit, retour aux affaires: un vote de la résolution réclamant un cessez-le-feu de trente jours est programmé vendredi à 16h00 GMT. Il est repoussé une première fois, puis une deuxième. Il n'aura pas lieu ce jour-là.

Les discussions s'intensifient entre Russie, Koweït et Suède. Elles se déroulent entre missions, par courriels, téléphone, SMS, entre capitales. Le bar de l'ONU est assailli de diplomates d'autres nations et de journalistes désoeuvrés. Conseillère la veille, la France devient facilitatrice entre les trois pays en négociations.

Dans la salle solennelle du Conseil de sécurité, constate l'AFP, seuls deux ou trois ambassadeurs sont à leur place, en attente.

Invisible, l'ambassadrice américaine Nikki Haley s'énerve sur Twitter. "Combien de gens vont mourir avant que le Conseil de sécurité ne soit d'accord pour un vote? Faisons cela ce soir. Le peuple syrien ne peut attendre". En 2017, elle avait fait adopter en une semaine à l'ONU des sanctions ultra-sévères contre une Corée du Nord jugée menaçante.

Pour la Syrie, ses sept ans de guerre et ses plus de 340.000 morts, il y aura eu une quinzaine de jours d'échanges sans initiative forte de membres du Conseil de sécurité contre le cycle infernal des violences infligées aux civils.

Dans le texte voté samedi à l'unanimité, l'ONU se borne à "réclamer" une trêve "sans délai". Les hostilités peuvent continuer contre les groupes jihadistes "et" leurs associés, laissant libre cours aux interprétations.

La "folie onusienne" de ces derniers jours est-elle fréquente? "Oui", répond à l'AFP un ambassadeur chevronné.



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L,ONU... UN BAZAR DES MARCHANDS DU TEMPLE !

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 27, le 25 février 2018

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  • L,ONU... UN BAZAR DES MARCHANDS DU TEMPLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 27, le 25 février 2018

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