« On ne peut pas pester toute la journée contre les embouteillages, les coupures de courant, la pollution et les déchets et ne rien faire. Moi j’ai décidé d’agir ! » C’est par ces mots que Paula Yacoubian explique sa décision de présenter sa candidature aux législatives pour l’un des trois sièges arméniens-orthodoxes de la première circonscription de Beyrouth. Journaliste de télévision connue, présentatrice pendant des années du talk-show le plus en vue de la chaîne Future TV, tout en s’engageant activement dans des causes sociales, comme la campagne Dafa, ou le respect de l’environnement avec l’initiative du recyclage des pneus en sacs pour dames, Paula Yacoubian n’a jamais été une figure des médias comme les autres, cherchant toujours à mettre sa notoriété au service d’une cause qu’elle estime juste.
Avec la nouvelle loi électorale et le climat qui règne actuellement dans le pays, elle a estimé que le moment était venu de s’engager encore plus dans la vie active à travers le fait de briguer un siège de député. Étant déjà une figure publique, elle s’attendait à ce que sa candidature suscite des grincements de dents. Mais elle ne pensait certes pas que la campagne de dénigrement serait aussi féroce. Avec une sorte de fatalisme, elle précise qu’on a beau se croire blindé, cela fait toujours mal. Elle n’en revient ainsi pas qu’on puisse mettre en doute ses origines et son identité arméniennes, elle dont le père Siragan est un survivant du génocide. Né en 1911, il s’est enfui avec sa tante à Alep avant de s’installer au Liban et de devenir libanais. Son grand-père avait été assassiné juste avant le génocide alors que son épouse, la grand-mère de Paula, avait été tuée devant son fils... Chaque année, à la commémoration du génocide arménien, Paula Yacoubian est d’ailleurs invitée pour parler des souffrances de sa famille qui résument celles des Arméniens. Mais les attaques contre elle ne se limitent pas à son identité. Elles touchent aussi le plan personnel, comme c’est souvent le cas des femmes qui osent entrer en politique au Liban. De plus, son entourage fait l’objet de menaces. Bref, rien ne lui est épargné depuis qu’elle a annoncé sa volonté de se présenter aux élections.
(Pour mémoire : Paula Yacoubian candidate aux législatives à Beyrouth)
Selon elle, il y a plusieurs raisons qui poussent ses adversaires à la combattre aussi férocement. D’abord, parce qu’elle est une femme qui ose défier les hommes sur leur propre terrain et ensuite parce qu’elle dénonce haut et fort la corruption devenue à ses yeux généralisée. « Je ne peux pas les laisser transformer le Liban en poubelle, dit-elle en parlant de la classe politique actuelle. Je ne peux plus accepter cette fatalité de l’échec. Mais je me dis aussi que si je n’avais pas de chances sérieuses, on ne me mènerait pas une guerre aussi féroce ! »
Elle qui a longtemps été une journaliste politique a choisi de se présenter sur une liste portant le label de la société civile. « Il s’agit d’une alliance nationale avec un projet complet qui sera annoncé dans les prochains jours et qui veut proposer aux Libanais une alternative à la classe politique actuelle, sans un zaïm. » Cette coalition est-elle appuyée par les ambassades occidentales, comme on le dit ? « On dit aussi que l’Iran nous finance. En fait, qui lance ces accusations ? Ceux qui sont eux-mêmes financés par l’étranger. »
Paula Yacoubian ne voit pas de contradiction entre sa longue carrière sur la Future TV (la chaîne du courant du Futur) et son ralliement à ce qu’on appelle la société civile. « Au contraire, c’est une évolution naturelle, d’autant que j’ai toujours été critique envers la classe politique dans mes émissions. Preuve en est qu’à la fin, j’avais du mal à trouver des invités ! Je voulais quitter la chaîne depuis un bon moment déjà, mais à cause de la crise avec l’Arabie saoudite, j’ai dû rester un peu plus longtemps que je ne l’avais prévu. D’ailleurs, j’ai été claire avec mon public et j’ai présenté ma démission en direct. »
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Sur l’interview réalisée avec le Premier ministre depuis Riyad, Paula Yacoubian se déclare satisfaite : « Ce qui compte pour moi, c’est qu’elle a été utile à Saad Hariri. » Pour Paula, l’homme est différent des autres. Mais cela ne l’empêche pas d’être très critique à l’égard de la classe politique en général qui aujourd’hui montre, selon elle, qu’elle est solidaire entre elle contre toute volonté de changement. Mais c’est justement parce qu’elle est convaincue que le changement est plus que nécessaire et qu’il est possible, qu’elle a choisi de se présenter aux élections. Elle reconnaît toutefois que seule, elle ne peut pas faire grand-chose. C’est pourquoi elle mise sur la société civile. Elle mise aussi sur les nouveaux électeurs, tous ceux qui ont eu 21 ans depuis 2009, ainsi que sur un minimum de bon sens chez les Libanais qui doivent savoir qu’en votant pour les mêmes, ils n’ont aucune chance de voir les choses changer. Pour elle, ce n’est pas seulement une question de nouveaux visages, c’est la méthode et l’approche de la gestion de la chose publique qui doit changer. Elle résume la liste dont elle est membre par la phrase suivante : « Nous sommes des gens ordinaires auxquels on demandera des comptes en tant qu’êtres humains et non en tant que demi-dieux, comme c’est le cas avec la classe politique actuelle ! »
En dépit des campagnes orchestrées contre la société civile et sa liste en particulier, Paula Yacoubian affirme que beaucoup de personnes se portent volontaires pour les aider. « Parfois, les campagnes de dénigrement ont un effet contraire ! » Elle affirme ne pas penser au jour d’après les élections. « Pour l’instant, il faut agir. Il y a urgence. Avant on nous tuait de mort lente. Maintenant, le processus est foudroyant. L’eau est polluée, le système d’irrigation est pourri et tous ceux qui ont des enfants ne songent qu’à les envoyer à l’étranger. Nous avons désormais le couteau à la gorge. Si tout cela ne suffit pas pour nous pousser à agir, quand donc le ferons-nous ? » Quelle que soit l’issue des élections, elle pense qu’elle ne regrettera pas d’avoir essayé. « Dans dix ou vingt ans, je me dirais que j’ai eu le mérite d’avoir agi, au lieu d’être restée en spectatrice. »
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« On ne peut pas pester toute la journée contre les embouteillages, les coupures de courant, la pollution et les déchets et ne rien faire. Moi j’ai décidé d’agir ! » C’est par ces mots que Paula Yacoubian explique sa décision de présenter sa candidature aux législatives pour l’un des trois sièges arméniens-orthodoxes de la première circonscription de Beyrouth....
Une fleur a aoun. Encore une. Lui qui encourage la femme si fortement a se liberer de leurs chaines. Ne les voila t il pas a suivre son conseil a la lettre?
18 h 24, le 08 mars 2018