Dès qu’il s’agit de tendre la main pour obtenir de nouveaux fonds, nos politiciens de service sont aux premières loges. Ils redoublent d’obséquiosité envers les grandes puissances, pays donateurs et organisations internationales… et multiplient les salamalecs. Tout en s’échinant à accélérer l’adoption du budget 2018, histoire de faire bonne figure. Que ne feraient-ils pour le succès des trois conférences d’assistance au Liban qui se préparent déjà !
D’abord Rome II, consacrée au soutien à l’armée et aux forces de sécurité, prévue le 15 mars, puis Cèdre, qui se tiendra à Paris le 6 avril prochain sous le titre ronflant de « Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises ». Et enfin Bruxelles, programmée les 24 et 25 avril, consacrée à la prise en charge des réfugiés sur le territoire libanais.
Ils se pourlèchent déjà les babines, nos chers leaders, et calculent en catimini les bénéfices qu’ils pourraient tirer de ce soutien international. Électoraux d’abord, en cette veille de législatives. Financiers aussi, bien sûr. Car il faut bien renflouer les caisses d’un État exsangue et paver la voie au développement. Sur le papier du moins. Dans la réalité, tout le monde sait bien que nombre de politiciens n’en ont rien à f… du développement. Qu’ils ont tendance à confondre les deniers publics et leurs propres poches, à utiliser souvent leur fonction à des fins personnelles. Y a qu’à voir les somptueuses villas qu’ils se paient, les coûteux voyages à l’étranger qu’ils se permettent, avec leurs familles et accompagnateurs, aux frais de la princesse…
Ce qui n’est pas du goût du citoyen : si le pays est exsangue, estime-t-il, c’est à force de mauvaise gestion et de corruption de cette même caste au pouvoir qui mendie d’une part, et mène la grande vie d’autre part, de la poche du contribuable. Et si elle ne parvient pas à régler de manière radicale certains dossiers pourtant pas si compliqués, comme ceux de l’électricité, de l’eau, des télécoms, des routes ou des déchets, c’est tout simplement que cela lui convient de laisser les choses en l’état, afin que ses sbires en tirent profit. Sans oublier que ces nouveaux fonds qui pourraient être accordés au Liban ne seront somme toute que des prêts, qui viendront encore plus gonfler une dette publique monumentale de 76,1 milliards de dollars.
(Lire aussi : Conférence du Cèdre : « Les préparatifs se passent bien », assure la France)
Il y a deux jours à peine, le député Hassan Fadlallah évoquait les milliards de dollars évaporés, non seulement les 11 milliards de dollars dépensés sur la période 2006-2009 « en dehors du budget », mais des dizaines de milliards « perdus », volatilisés, tout simplement. Des têtes risqueraient de tomber, et pas des moindres, autrement dit de « grosses pointures », si tous ces dossiers étaient divulgués, a promis dans une mise en garde le président de la commission parlementaire de l’Information et des Télécoms. Il dénonçait « la corruption » qui mine la classe politique, promettant par la même occasion « la transparence » dans la gestion du dossier. En cette période d’élections, le discours de ce député du Hezbollah est certes électoral. Mais il n’en témoigne pas moins de la situation dramatique du pays.
Mieux encore. Le dernier rapport de l’ONG Transparency International, basée à Berlin, montre du doigt le pays du Cèdre. Non seulement a-t-il toujours fait figure de mauvais élève en matière d’indice de perception de la corruption, mais il se permet aujourd’hui de régresser, pour occuper la 143e place sur 180 pays, au classement 2017. Le cancre de la classe, quoi, ou quasiment !
Alors, à moins d’enclencher des réformes en profondeur, au lieu du traditionnel replâtrage de façade, et d’avancer de solides preuves dans ce sens, qu’espère encore l’État des pays donateurs? Sa seule option est de relever le défi, de trouver donc des solutions radicales aux problèmes endémiques du pays qui plombent le budget du gouvernement, ceux de l’énergie, des fonctionnaires surnuméraires, de la dette publique, pour commencer. Mais aussi des routes, des télécoms, des transports publics, de l’eau, des déchets, de l’éducation… Bref, de tout ce qui touche à la vie quotidienne des citoyens.
Pour mémoire
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commentaires (5)
""..Sans oublier que ces nouveaux fonds qui pourraient être accordés au Liban ne seront somme toute que des prêts, qui viendront encore plus gonfler une dette publique monumentale de 76,1 milliards de dollars."" La dette de 76,1 milliard que les revenus de la manne d’hydrocarbure ne pourra éponger...
L'ARCHIPEL LIBANAIS
16 h 29, le 23 février 2018