Rarement congrès aura fait tant parler de lui, pour des raisons totalement indépendantes de son importance intrinsèque et de son programme. La Lebanese Diaspora Energy (LDE) qui se tient hier et aujourd’hui à Abidjan a déjà fait les frais des nombreux différends entre Gebran Bassil, ministre des Affaires étrangères et président du Courant patriotique libre (CPL), et Nabih Berry, président du Parlement et chef du mouvement Amal, notamment en raison de la dernière crise en date, après la fuite, dimanche, d’une vidéo dans laquelle M. Bassil traitait M. Berry de « voyou ». C’est donc sur fond de crise, de colère des partisans d’Amal (à Beyrouth comme à Abidjan) – tempérée par une réconciliation à l’initiative du président de la République Michel Aoun – que s’est ouvert hier ce congrès.
Et voilà que le coup de théâtre est créé par M. Bassil lui-même qui, bien qu’ayant effectivement pris l’avion pour Abidjan jeudi, s’est adressé aux participants, entre 500 et 600 personnes, selon une source du ministère des AE présente à Abidjan, dans un discours enregistré et diffusé sur grand écran. Pourquoi ce revirement, après que les choses ont semblé être revenues à la normale ? On pourrait être tenté de croire que les explosions de colère des partisans d’Amal à Abidjan y sont pour quelque chose. Mais la réalité semble infiniment plus complexe, selon les informations obtenues par notre correspondant auprès du palais Bustros, Khalil Fleyhane. D’après lui, le ministre Bassil a enregistré son mot à partir de Paris (aucune précision n’a été donnée par les organisateurs eux-mêmes), préférant ne pas poursuivre son trajet jusqu’à Abidjan. M. Bassil a lui-même évoqué, dans son discours, son « souci de ne pas exposer les participants à la LDE à un risque d’agression physique ». Toujours selon la même source, ces menaces ont été révélées au ministre par les services de renseignements d’une grande puissance. Il ne s’agirait pas de menaces qui viendraient d’une quelconque partie libanaise, encore moins de partisans d’Amal, malgré leur opposition à la venue du ministre exprimée très clairement ces derniers jours. Ce serait en fait une cinquième colonne qui chercherait, par une tentative d’agression contre le ministre, à faire éclater une discorde – bien réelle cette fois – entre Libanais.
Quoi qu’il en soit, le premier jour du congrès s’est déroulé normalement hier, avec des mesures de sécurité renforcées de la part des autorités ivoiriennes. Le congrès s’est tenu malgré l’absence d’un certain nombre de membres de la communauté libanaise, sur décision personnelle, semble-t-il. Parmi les participants se trouvait le ministre de l’Économie Raëd Khoury. Selon la chaîne al-Jadeed, présente sur place à Abidjan, une réunion à l’intention des émigrés libanais devait se tenir hier dans la soirée à l’ambassade du Liban, mais l’incertitude planait sur la possibilité que le ministre Bassil fasse le déplacement en dernière minute pour y assister.
(Pour mémoire : Le congrès d’Abidjan maintenu contre vents et marées)
« Que personne ne s’essaie à une nouvelle domination… »
Dans son mot enregistré, M. Bassil a évoqué les raisons de son absence tout en faisant plusieurs fois allusion au dernier épisode de sa querelle avec le chef d’Amal, sans le nommer. « Mon absence à ce congrès s’explique par la crainte qu’il vous soit porté préjudice, et non par crainte pour ma sécurité personnelle », a déclaré M. Bassil, sans plus de précisions. « Je refuse qu’un expatrié soit visé », a-t-il ajouté, estimant que « l’essentiel est que le congrès ait lieu et que personne n’ait pu empêcher sa tenue ». Et d’ajouter : « Je suis avec vous en esprit, et à travers mon discours, et par le biais de tout participant qui a tenu à être là, faisant passer son identité libanaise avant toute autre considération. »
Le ministre a beaucoup insisté sur ses efforts pour unifier les communautés libanaises à l’étranger. « Nous sommes un peuple qui ne veut que la paix, qui n’accepte la guerre que quand elle lui est imposée, a lancé M. Bassil. Notre libanité s’exprime par notre capacité unique à vivre ensemble, en tant que partenaires égaux. Et que personne ne tente de faire prévaloir une nouvelle domination unilatérale, à laquelle nous nous sommes tous essayés sans résultat, parce que son entreprise sera vouée à l’échec. » Il a ajouté : « Notre libanité nous pousse à construire un État garant de l’égalité des chances, ménageant la dignité de tous, avec de véritables institutions au service des Libanais de l’intérieur et de la diaspora, peuplé de citoyens et non de sujets. »
(Pour mémoire : Le congrès LDE à Abidjan devrait bénéficier de la détente interne)
Concernant les élections, M. Bassil s’est félicité que cette échéance verra les premiers votes d’émigrés (en vertu de la nouvelle loi), s’excusant toutefois de n’avoir pu « prolonger le délai d’inscription des émigrés dans leurs pays d’origine ». « Je m’excuse auprès de vous pour tout ce que nous n’avons pas encore pu réaliser, mais qui s’excusera pour toutes les années passées ? » a-t-il martelé.
Le ministre a souligné le succès des Libanais en Afrique, évoquant « les agressions sionistes qui nous suivent jusqu’ici (en Afrique), et auxquelles nous ferons face avec l’aide des pays d’accueil ».
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Suite de ma réaction Qu'elle est la solution rester chrétien sunnite chiite ou drue ou bien devenir enfin libanais ? Comment transformer le communautaire en libanais ? Si la laïcité politique et sociale n'est pas la solution. Trouvez nous donc une solution de rechange ! Car l'ennemi lui n'attendra pas notre entente pour nous attaquer et nous anéantir.
14 h 30, le 04 février 2018