Rechercher
Rechercher

Liban - Témoignages à Hadeth

« Si nous, chrétiens, ne nous défendons pas, nous n’existerons plus »

« Le Christ est né... Alléluia », peut-on lire sur une pancarte posée à Hadeth. Photo Hassan Assal

Alors que la situation semblait se calmer hier après-midi, après un appel téléphonique entre le président de la République, Michel Aoun, et le chef du Parlement, Nabih Berry, les habitants de Hadeth, eux, étaient encore sous le choc des heurts entre partisans des deux bords survenus la veille dans la localité.

Dans la soirée de mercredi, des dizaines de voitures et de motos brandissant des drapeaux du mouvement Amal ont sillonné les rues de Hadeth, tirant des coups de feu en l’air. Des partisans du Courant patriotique libre sont alors descendus dans la rue, les armes à la main, ce qui a nécessité l’intervention de l’armée.

Le mouvement Amal s’est empressé de se dédouaner des fauteurs de troubles, après que les démons de la guerre civile eurent été ravivés à la vue d’éléments armés dans la rue, que ce soit dans le camp Amal ou celui du CPL. Prévu hier soir devant la municipalité de Hadeth, un sit-in de solidarité avec les habitants de la ville, qui devait réunir les députés Ali Ammar (Hezbollah) et Ali Bazzi (Amal), a été reporté à aujourd’hui, 11h.


(Lire aussi : Après le coup de fil « magique » de Aoun à Berry, une détente en vue)


Interrogé par L’Orient-Le Jour, le président de la municipalité de Hadeth, Georges Aoun, met l’accent sur le vivre-ensemble qui caractérise, selon lui, la ville. « J’ai reçu beaucoup d’appels de la part de nos frères chiites qui condamnaient ce qui s’était passé. Hadeth est une ville de cohabitation entre musulmans et chrétiens. Nous vivons en paix côte à côte depuis 12 ans (date à laquelle le “document d’entente de Mar Mikhaël” a été signé entre Michel Aoun et le Hezbollah, en 2006) », dit-il. « Nous avons entrepris des contacts avec les responsables d’Amal mercredi soir et ils ont condamné ce qui était en train de se passer, imputant ces actions à des éléments “indisciplinés”. Ils ont eux-mêmes appelé l’armée à intervenir », ajoute M. Aoun.


(Lire aussi : Le congrès LDE à Abidjan devrait bénéficier de la détente interne)



Colère et appels au calme
Les habitants de Hadeth sont, quant à eux, partagés entre colère et indignation pour certains, et appels au calme pour d’autres qui redoutent de sombrer à nouveau dans la guerre civile.
« Honnêtement, nous sommes fatigués de tous ces accrochages. En tant que mère, j’ai eu peur pour ma fille qui était à l’extérieur de la maison au moment des faits », déclare une habitante de Hadeth. « Les fauteurs de troubles sont des jeunes écervelés, mais il y a beaucoup de gens conscients du fait qu’il ne faut pas jeter de l’huile sur le feu. Je ne pense pas qu’on va revenir au temps de la guerre. Le Liban est le pays du vivre-ensemble, et personne ne peut évincer l’autre », souligne la quinquagénaire qui ne souhaite pas donner son nom. « J’ai quand même peur que les choses ne dérapent », ajoute-t-elle.

Antoine, un habitant de 75 ans qui, comme la majorité des personnes interviewées, ne souhaite pas donner son nom de famille, semble pour sa part appuyer les jeunes du CPL qui ont sorti leurs armes. « Ce qui s’est passé est ridicule et incroyable, mais nous n’avons pas peur. Les jeunes (de Hadeth) se sont mobilisés en catimini et ont pris leurs précautions. On dirait qu’ils (Amal) veulent la reprise de la guerre », indique-t-il. Et de tempérer : « Il faut calmer les jeunes, on paie encore le prix de la guerre civile. Si l’armée n’était pas intervenue, il y aurait eu plus de problèmes. » Un homme de cinquante ans s’approche en criant, visiblement remonté : « Il est interdit qu’ils entrent à Hadeth, seule l’armée peut entrer ici ! »


(Lire aussi : Têtes de cultes, le billet de Gaby NASR)


Dans un magasin de portables, un client, Antoine, et le vendeur, Tony, tiennent un discours assez dur. « J’ai été le premier à descendre hier (avant-hier), avec mon pistolet. Eux nous ont attaqués et ils étaient armés », lance Antoine, 30 ans, actuellement à la recherche d’un emploi.
 « En tant que chrétiens, si nous ne nous défendons pas, nous n’existerons plus dans le pays, estime cet homme, arborant sur le cou un tatouage représentant une croix. L’État n’a plus d’autorité, et c’est de notre faute à nous chrétiens car nous avons renforcé les chiites et les sunnites. »

Antoine, qui se dit « aouniste » sans être membre du CPL, déplore par ailleurs le fait que « les chiites et les sunnites ont des milices alors que les partis chrétiens n’en ont pas ». Dans un autre registre, il appelle également les leaders à « assurer des opportunités d’emploi aux chrétiens ».
Tony, 40 ans, renchérit : « Qu’est-ce qu’ils sont venus faire chez nous ? Nous ne les avons jamais provoqués ! Ils n’ont rien à faire ici. Que les deux politiciens en question (Nabih Berry et Gebran Bassil) règlent le problème entre eux. » Refusant de dire s’il possède ou non une arme, Tony fait remarquer qu’« au besoin, il n’est pas difficile d’en trouver ».
Hadi, 18 ans, employé dans un des commerces de la localité, considère pour sa part que ceux qui ont porté les armes face aux jeunes d’Amal l’ont fait « pour défendre les habitants de la ville, mais ils n’ont fait de mal à personne ». « Je voudrais qu’il n’y ait d’armes qu’aux mains de l’État », ajoute-t-il.

Assis au soleil avec son épouse dans la grande place de Hadeth, Issam, 75 ans, incarne la voix de la raison et met en garde contre le danger de replonger dans les années sombres qu’a connues le pays. « On a eu peur, ça nous a rappelé la guerre. Nous avons vécu tellement de jours difficiles et avons dû fuir au Kesrouan. Nous ne voulons pas que cela recommence. Je suis contre le port d’armes parmi la population. C’est dangereux. Je suis contre tous ces partis, je veux juste de la stabilité dans le pays », lance-t-il. « Moi, je réfléchis à comment faire pour subsister au quotidien, mais les jeunes pensent différemment, ils sont excités. Je dis aux jeunes qu’il faut avant tout protéger le Liban et arriver à construire un État fort », souligne-t-il.


Lire aussi

Dérapages incontrôlés, le billet d'Anne-Marie EL-HAGE

Amal, Hezbollah, FL, PSP, Marada et PSNS : Bassil distribue les mauvais points

Raï : Ce n’est pas comme cela que l’on bâtit un État qui se respecte

L’Oscar du gâchis, l'édito de Issa GORAIEB

Alors que la situation semblait se calmer hier après-midi, après un appel téléphonique entre le président de la République, Michel Aoun, et le chef du Parlement, Nabih Berry, les habitants de Hadeth, eux, étaient encore sous le choc des heurts entre partisans des deux bords survenus la veille dans la localité.Dans la soirée de mercredi, des dizaines de voitures et de motos brandissant...

commentaires (6)

L'erreur est de confondre hezb libanais résistant et amal de berry. ILS n'ont pas les mêmes principes ni la même qualité de leader. Après s'il faut que les chrétiens se défendent en se battant avec des armes s'il le faut pourquoi pas, qui les en empeche, c'est en général un droit qui se prend et ne se demande pas. Seulement ils auraient dû y penser depuis 2011, ceux qui les ont massacré en Syrie et au Liban en irak en Égypte etc...c'est pas les chiites.

FRIK-A-FRAK

20 h 48, le 02 février 2018

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • L'erreur est de confondre hezb libanais résistant et amal de berry. ILS n'ont pas les mêmes principes ni la même qualité de leader. Après s'il faut que les chrétiens se défendent en se battant avec des armes s'il le faut pourquoi pas, qui les en empeche, c'est en général un droit qui se prend et ne se demande pas. Seulement ils auraient dû y penser depuis 2011, ceux qui les ont massacré en Syrie et au Liban en irak en Égypte etc...c'est pas les chiites.

    FRIK-A-FRAK

    20 h 48, le 02 février 2018

  • La photo illustrant cet article aurai dû être en noir et blanc... Datant des événements des années 70 ou même des 1860... Ont fait du moonwalking à la Michael Jackson...plus on avance plus on recule...

    Wlek Sanferlou

    17 h 14, le 02 février 2018

  • Il ne faut pas voir forcément des divisions dans la pluralité des chrétiens. Cela peut constituer aussi, une force. Les musulmans sont également pluriels, sunnites, chiites, voir des druzes (si je peux les classer ainsi). Alors, acceptons que certains chrétiens puissent trouver plus d'affinités ou d'intérêts avec les sunnites ou les chiites ...ou autres! N'est ce pas la finalité et la règle de la démocratie ?

    Sarkis Serge Tateossian

    12 h 47, le 02 février 2018

  • La ruée vers Hadeth, c'est la version moderne d'Attila et les Huns au Vème siècle. Nous sommes aujourd'hui au XXIème siècle.

    Un Libanais

    12 h 27, le 02 février 2018

  • Etre aouniste, comme cet Antoine et déplorer l'existence de milice chiite me semble contradictoire. N'est-ce pas le CPL qui soutient contre vents et marées le "droit" du Hezbollah à posséder sa milice?

    Yves Prevost

    07 h 34, le 02 février 2018

  • SE DEFENDRE... OUI ! PROVOQUER... NON ! LA SEULE COMMUNAUTE ENCORE DESUNIE DANS LE PAYS EST LA CHRETIENNE... LA FORCE VIENT UNIQUEMENT DE L,UNION ! VOYONS SI CETTE CRISE VA SERVIR AUX CHRETIENS DE LECON !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 34, le 02 février 2018

Retour en haut