C'est en tenue de prisonnier que l'humoriste libanais Hicham Haddad a choisi de présenter son émission "Lahon w Bass", mardi soir, près d'une semaine après les poursuites engagées à son encontre pour trois sketchs télévisés tournant en dérision le prince héritier saoudien, Mohammad Ben Salmane, le Premier ministre libanais, Saad Hariri, et le secrétaire général du courant du Futur Ahmad Hariri.
"Je suis venu ainsi vêtu pour vous dire, chers téléspectateurs, que la liberté de la presse est en danger. Ils m'ont interpellé pour trois vidéos : en somme je ne dois pas dire à Mohammad ben Salmane de réduire sa consommation de fast food, je ne dois pas dire que le Premier ministre Saad Hariri ressemble à un DJ sur une de ses photos et je ne peux pas dire que la meilleure chanson de l’année est celle chantée par Ahmad Hariri....", a lancé l'humoriste avec ironie.
Hicham Haddad a, par la suite, demandé quelle partie politique se tenait derrière ces poursuites. "Si ce n'est pas l'Arabie saoudite, ni Saad Hariri, ni Ahmad Hariri, alors c'est qui?" a-t-il lancé, faisant semblant d'avoir peur alors qu'une personne en tenue de fantôme faisait son entrée en scène.
RSF "inquiète"...
Lors d'une de ses émission, M. Haddad avait tourné en dérision les prévisions pour 2018 du voyant Michel Hayek, lui faisant dire qu'il conseillait au prince de "manger moins de fast food" avant de commenter: "Avec tout ce qui passe dans la région, il lui conseille de manger moins de hamburgers? Je lui conseille de mettre un terme aux campagnes, aux arrestations, aux frappes militaires...."
La semaine dernière, le ministre de la Justice, Salim Jreissati, s’était empressé de démentir avoir lui-même demandé au parquet de se mobiliser contre l’humoriste. Il avait affirmé que cette affaire était du ressort du parquet."C’est le parquet général qui a engagé des poursuites contre Hicham Haddad car certains propos qu’il a tenus constituent une offense et une diffamation (à l’encontre du prince héritier saoudien) et portent atteinte aux relations du Liban avec un autre pays", avait affirmé de son côté le procureur général près la Cour de cassation, le juge Samir Hammoud, à la chaîne LBCI.
Des sources proches de l’ambassade d’Arabie avaient pour leur part assuré à la LBCI que le royaume n’était pas à l’origine de ces poursuites. Une autre source proche du Premier ministre avait également affirmé à la même chaîne que ni Saad Hariri ni son entourage n’avaient réclamé de telles poursuites.
Hicham Haddad avait été radié en août 2016 du Courant patriotique libre, rapporte le quotidien an-Nahar sur son site web. Cette mesure était motivée par des commentaires effectués sur sa page personnelle sur Facebook, et en raison d'une émission de son programme durant laquelle l'humoriste avait tourné en dérision Gebran Bassil, qu'il avait affublé du sobriquet de "Joujou".
Mercredi, l'ONG Reporters sans frontières (RSF) s'est dite "inquiète de la recrudescence des procédures judiciaires engagées contre les médias critiques des autorités libanaises ou de leurs alliés". "Reporters sans frontières dénonce ces poursuites disproportionnées. Les journalistes ne devraient pas être traduits devant la justice militaire ni poursuivis en diffamation pour des propos informatifs recueillis ou tenus dans le cadre de l’exercice de leur profession et ce, quel que soit le contexte politique", peut-on lire dans un communiqué publié par l'ONG qui rappelle "l’importance du pluralisme pour le bon fonctionnement d’une société démocratique."
En effet, ces dernières semaines, plusieurs affaires, dont les poursuites judiciaires contre le journaliste vedette de la chaîne LBCI Marcel Ghanem, ont défrayé la chronique, faisant craindre aux yeux de nombre de Libanais un contrôle abusif par le pouvoir exécutif des libertés publiques. Au cours de son émission Kalam el-Nass , M. Ghanem avait fait parler deux journalistes saoudiens, Ibrahim el-Merhi et Adwan el-Ahmari, qui se sont livrés en direct à une critique virulente des plus hautes autorités libanaises. Au lendemain de cet épisode télévisé, le ministre de la Justice, Salim Jreissati, avait saisi le parquet, lui demandant d'enquêter sur ce qui s'était passé durant l'émission.
Quant à la journaliste et analyste politique libanaise Hanine Ghaddar, qui travaille actuellement au Washington Institute for Near East Policy aux États-Unis et qui est connue pour son opposition à la ligne politique du Hezbollah, elle a été condamnée la semaine dernière par contumace à six mois de prison par le tribunal militaire pour "atteinte à l’armée libanaise" lors d’un discours prononcé en mai 2014, dans le cadre d’une conférence internationale organisée par le Washington Institute dans la capitale américaine.
Et dimanche, le quotidien libanais ad-Diyar a affirmé sur son site internet qu'il faisait l'objet de poursuites par la justice libanaise pour "insulte à l'Arabie saoudite".
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commentaires (6)
L,EXAGERATION EST MALSAINE !
LA LIBRE EXPRESSION
19 h 48, le 31 janvier 2018