Alors même que le Conseil des ministres débattait de l'agrandissement des deux décharges côtières à Costa Brava et Bourj Hammoud et reportait la décision à la semaine prochaine, une nouvelle coalition formée de plusieurs associations, portant le nom de « coalition pour la gestion des déchets », a annoncé hier son entrée en activité. Durant une conférence de presse tenue au bureau de Greenpeace à Beyrouth, ces associations et autres regroupements civils ont affiché leur volonté de former un groupe de pression en vue de la mise en application d'une stratégie durable pour la gestion des déchets, par « tous les moyens disponibles ». Première annonce : une lettre de mise en garde adressée, le 17 novembre, au mohafez et au conseil municipal de Beyrouth contre l'adoption de l'incinération comme solution pour la capitale, sous peine de poursuites judiciaires.
Ces associations et regroupements sont connus pour leur action dans le domaine de l'environnement et des droits civils : Beyrouth Madinati, le Centre de conservation de la nature de l'AUB, Green Area, Terre Liban, Recycle Lebanon, Choueifate Madinatouna, les collectifs « Vous puez! » et « Nous demandons des comptes », le groupe « la Santé de nos enfants est une ligne rouge », Cedar Environmental, Mountada Insan ainsi que Greenpeace Méditerranée. Tous ceux qui désirent s'informer ou faire partie de cette coalition peuvent consulter son site : wmclebanon.org.
Les concepts qui seront à la base de l'activité de cette coalition ont été énoncés par l'expert Naji Kodeih (Green Area),* et se résument en des revendications de longue date des ONG, mais dont les autorités ont tenu si peu compte jusque-là, selon les membres du groupe : la réduction du volume des déchets générés à la base, la récupération et la revalorisation des matières quand cela est possible, le recyclage en tant que domaine créateur d'emplois et important pour l'économie, le tri et le recyclage qui sont des responsabilités partagées, la création de taxes ciblées qui aident à créer des motivations pour une consommation moins polluante, le développement des infrastructures pour une meilleure gestion des déchets, la mise en place d'une stratégie nationale complète, la conformité des projets de gestion aux lois libanaises, notamment le code de l'environnement n°444/2002, et les conventions internationales...
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D'une seule voix...
Soulaïma Chamat, professeure à la faculté de médecine de l'Université libanaise (UL), a affirmé que « la coalition utilisera tous les moyens disponibles pour faire pression sur le gouvernement et les administrations concernées, afin d'adopter et de mettre en application une stratégie efficace de gestion des déchets, et un plan exécutif pour des solutions environnementales au problème des déchets ». La spécialiste a insisté sur l'effet de la crise interminable des déchets sur la santé, ce qui se constate par un taux de cancer très élevé, au Liban notamment, comparé au taux régional. Elle a également insisté sur l'aspect de sensibilisation du futur travail de cette coalition.
De toute évidence, la coalition doit encore faire ses preuves de par un lobbying effectif, et un nombre de questions lui ont été posées dans ce sens : les mesures qu'elle compte prendre, les solutions alternatives qu'elle compte proposer, les appréhensions par rapport à la justice qui, jusque-là, s'illustre surtout par ses atermoiements dans les affaires contre les deux décharges... Les membres de la coalition ont précisé que les activités seront dévoilées en temps dû et qu'elles consisteront surtout en mesures juridiques et activités de sensibilisation. Ils soulignent que l'importance d'un tel regroupement est d'unifier les efforts pour obtenir de meilleurs résultats, insistant sur l'importance de la mobilisation populaire contre cette question qui menace leur vie par tant d'aspects.
Les risques que peut représenter l'incinération, avec la composition des déchets libanais riches en matières organiques et les points d'interrogation autour des capacités de contrôle du gouvernement notamment, ont été mis en avant. L'un des membres de la coalition, Ziad Abi Chaker, devrait d'ailleurs lancer prochainement un documentaire sur l'incinération dans les pays où elle est pratiquée de longue date, en posant au passage la problématique de son implantation au Liban. Toutefois, l'incinération ne sera pas seule dans la ligne de mire de cette coalition, qui constate les dégâts causés par les décharges côtières depuis leur création, ce que Naji Kodeih n'a pas hésité à qualifier « d'acte criminel envers le littoral ».
D'après la conférence de presse, il est clair que les objectifs de cette coalition sont ceux que ces organisations ont toujours défendus. Les clamer d'une seule voix fera-t-il passer le message plus efficacement ?
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Pour mémoire
Nous n'arrivons pas à croire que nos responsables politiques, en premier le chef de notre Etat, le premier ministre et tous les autres qui voyagent dans le monde entier et rencontrent d'autres responsables pour plaider des causes qui ne nous concernent pas directement, puissent continuer à ne rien faire de valable pour gérer...tout simplement nos déchets ménagers ! Que font les ministres, directeurs etc. concernés par ce problème ? Comment peuvent-ils encore tolérer que de telles images soient prises partout dans "leur pays" qui est devenu une gigantesque poubelle à ciel ouvert ? Comment font les autres pays pour gérer leurs déchets et leurs responsables...sont-ils plus capables et intelligents que les nôtres ? Irène Saïd
16 h 26, le 15 décembre 2017