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Liban - Rapport

L’incinération des déchets, qui fait suffoquer les Libanais, est une atteinte aux droits humains, dénonce HRW

L'on compte plus de 600 décharges sauvages dont plus de 150 brûlent régulièrement, notamment dans les régions les plus pauvres du pays.

« Un grand nombre de recherches scientifiques ont identifié les dangers de l’exposition aux émissions dues à l’incinération sauvage des déchets municipaux sur la santé humaine », note Human Rights Watch, dans un rapport publié hier, dénonçant l’incinération sauvage des déchets au Liban. Archives « L’Orient-Le Jour »

« Nous toussons tout le temps, nous ne pouvons plus respirer, et parfois, au réveil, nous crachons de la cendre. » Ce témoignage poignant de la vie quotidienne d'un habitant de Kfarzabad (Békaa), ajouté à de nombreux autres, étaye un rapport publié hier par l'organisation de défense des droits de l'homme « Human Rights Watch » (HRW), qui traite des conséquences désastreuses, sur la santé comme sur la qualité de vie, de l'incinération des déchets en plein air au Liban. Ce n'est pas la première fois que cette pratique, très commune depuis des dizaines d'années dans les régions, et particulièrement intensive au Mont-Liban et à Beyrouth durant la crise des déchets de 2015, est dénoncée pour ses effets néfastes sur les riverains.

La nouveauté, cependant, c'est que pareil rapport est publié cette fois par une organisation internationale de défense des droits de l'homme, ce qui consacre le fait que le droit à la santé et à un environnement propre est un droit humain par excellence. Le rapport cite en effet plusieurs fois le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pidesc), un traité international multilatéral adopté le 16 décembre 1966 par l'Assemblée générale des Nations unies et auquel le Liban est partie. Ce pacte requiert des États parties qu'ils agissent en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au travail, le droit à la santé, le droit à l'éducation et le droit à un niveau de vie suffisant. L'exposition d'une grande partie de la population à l'inhalation de poisons dus à l'incapacité étatique à régler le problème des ordures, mais aussi l'inaccessibilité de l'information autour de tels risques sont clairement en violation de ces droits, comme le souligne ce rapport.

 

 

Une atteinte aux droits
Le document a été présenté hier lors d'une conférence de presse tenue conjointement par Nadim Houry, représentant régional de HRW, et Bassam Khawaja, expert pour le Liban et auteur du rapport. M. Houry explique que ce rapport était une nécessité étant donné que ce sujet est souvent méconnu, d'autant plus que l'incinération touche surtout des régions défavorisées (qui abritent près de la moitié de la population) n'ayant pas toujours accès aux informations. Pourquoi HRW ? « L'impact sur la santé est une atteinte aux droits les plus élémentaires, notamment le droit à la santé, dit-il. Le Liban est signataire de conventions internationales, et il a voté des lois qui l'obligent à assurer ce droit à sa population, à la protéger de l'exposition aux matières toxiques et à l'informer sur les risques et les mesures de prévention. C'est le devoir de l'État. »

Tout en soulignant les nombreuses lacunes dans les politiques étatiques, notamment au niveau des prestations des municipalités, elles-mêmes victimes de retards dans les paiements de leurs dus, Nadim Houry rappelle que les atteintes aux droits ouvrent la voie à une revendication d'indemnisation, notamment pour d'éventuels traitements de problèmes liés à une exposition aux polluants dans la durée. À une question sur le rôle que peuvent jouer ce rapport et l'organisation elle-même, dans d'éventuelles plaintes déposées par des personnes lésées, il insiste sur le fait que l'un des objectifs de ce rapport est de bien spécifier que les habitants ont des droits en la matière et d'offrir le background légal nécessaire en vue d'éventuelles plaintes devant la justice. L'organisation elle-même ne compte pas se diriger vers les tribunaux, mais des avocats pourraient être intéressés de suivre de telles affaires, en vue d'obtenir des jurisprudences, comme cela a été le cas dans d'autres pays.
Pour ce qui est de l'autre grand objectif du rapport, celui du droit à l'information, HRW compte, dans une étape prochaine, lancer une campagne publicitaire d'envergure en vue de faire la lumière sur ce problème, a ajouté M. Houry.

 

Les enfants et les personnes âgées, principales victimes
Le rapport de HRW, intitulé « Comme si vous inhaliez votre propre mort » (une citation tirée d'un témoignage), se fonde sur de nombreuses interviews de riverains, mais aussi d'experts et de responsables municipaux et étatiques. Il repose sur les impacts à court et long terme sur la santé des riverains, indiquant que « tous les interviewés, dans des zones proches de décharges souvent en feu, assurent en souffrir ». « Un grand nombre de recherches scientifiques ont identifié les dangers de l'exposition aux émissions dues à l'incinération sauvage des déchets municipaux sur la santé humaine, dit le rapport. Ceux-ci incluent l'exposition aux particules fines, aux dioxines, aux composés organiques volatils, aux hydrocarbures... des polluants liés aux maladies cardiaques, aux cancers, aux maladies de peau, à l'asthme et aux troubles respiratoires. »

Parmi les interviewés, certains assurent que les symptômes disparaissent quand ils s'éloignent de la zone touchée, d'autres qu'ils persistent. Des médecins interrogés par HRW confirment le danger, soulignant que la fréquence de cas de maladies liées à la pollution est montée en flèche à Beyrouth et au Mont-Liban, au cours de la crise des déchets de 2015-2016, lorsque cette pratique s'était généralisée : une augmentation de 330 % en 2015 par rapport à la période précédente et de 250 % supplémentaires en 2016.

D'autres chiffres frappants sont mis en valeur dans le rapport : selon les données du ministère de l'Environnement et du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), il existait, en 2017, 941 décharges sauvages sur l'ensemble du territoire, dont 617 pour des déchets municipaux. Sur plus de 150, les déchets sont régulièrement brûlés, comme a pu le constater HRW par des photos prises de certaines d'entre elles à l'aide de drones. Certaines se trouvent à côté d'écoles, voire à proximité d'hôpitaux.
L'incinération sauvage n'a pas qu'une incidence sur la santé des riverains, affectant tout particulièrement les plus vulnérables, c'est-à-dire les enfants et les personnes âgées. Elle affecte également la qualité de vie des habitants, souvent obligés de déménager, incapables de sortir de chez eux ou d'ouvrir simplement les fenêtres, suffoquant toutes les nuits. De plus, note le rapport, nous ne sommes pas égaux devant ce fléau : la région de Beyrouth et du Mont-Liban, où un système de gestion des déchets est mis en place bien qu'imparfait, a le plus souvent été relativement épargnée (sauf durant ce qui est connu comme la crise des déchets). Ce n'est pas le cas des régions les plus défavorisées du pays. Le rapport donne plusieurs exemples comme la Békaa-Ouest et Rachaya, où près de 73 % des habitants sont à revenus limités et où une moyenne de 89 incidents d'incinération en plein air ont lieu chaque semaine. Même scénario à Baalbeck-Hermel et ailleurs. Or les résidents dans ces régions sont davantage touchés que d'autres, en l'absence, souvent, de couverture médicale ou de moyens pour déménager.

 

Absence de plan pour tout le territoire
Le rapport dénonce également l'absence d'un plan de gestion des déchets municipaux sur l'intégralité du territoire, notant les insuffisances du plan concernant Beyrouth et le Mont-Liban, et découlant de la crise de 2015, qui a résulté en deux décharges qui font l'objet de multiples procès. Il note aussi que les interviewés se plaignent souvent de l'inaction des municipalités, du manque de sensibilisation aux risques liés à l'incinération sauvage des déchets et de la faiblesse des redditions de comptes dans ces cas-là. Les municipalités, de leur côté, mettent en avant le manque de moyens alloués par l'État, et l'absence de soutien technique et financier de la part des autorités centrales. Certaines ont réussi à renverser la tendance et limiter l'incinération, en mettant en place des projets de traitement. Mais ces derniers dépendent, toutefois, de donateurs étrangers ou d'organisations internationales.

Le rapport contient des recommandations aux ministères de l'Environnement et de la Santé, le premier devant surveiller les affaires d'incinération sauvage, et le second devant superviser et documenter les cas de maladies liées à ces phénomènes. Quant au Parlement, il est appelé à voter la loi sur la gestion des déchets ménagers, qui est dans ses tiroirs depuis 2012, ainsi qu'une loi qui encouragerait à la réduction des déchets à la base.

 


Le rapport est disponible dans son intégralité ici : https://www.hrw.org/node/311168/

 

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commentaires (2)

OUI... MAIS... OU SONT LES SOLUTIONS ?

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 00, le 02 décembre 2017

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Commentaires (2)

  • OUI... MAIS... OU SONT LES SOLUTIONS ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 00, le 02 décembre 2017

  • il faudra imperativement avoir recours a l'expertise de wiaam wahhab ! lui avait excelle dans son ministere, nous en recoltons encore les ....... BENEFICES ?

    Gaby SIOUFI

    10 h 54, le 02 décembre 2017

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