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Le point d’inflexion de Hariri

À défaut d'être « dans le secret des princes » (pour reprendre le titre d'un livre de Christine Ockrent), il faut se contenter, pour l'heure, de la partie visible de l'iceberg pour tenter de cerner les tenants et les aboutissants du mystérieux séisme politique provoqué samedi dernier, lorsque Saad Hariri a annoncé (à défaut de présenter) sa démission.

Il apparaît évident, d'emblée, que la démarche – effectuée à Riyad – et la teneur de la déclaration du chef du gouvernement ne reflètent pas exactement le style de Saad Hariri. Ce serait répéter une lapalissade que de rappeler, une fois de plus, que l'expansionnisme agressif des gardiens de la révolution islamique iranienne est contre nature et ne saurait être toléré davantage par l'Arabie saoudite et la plupart des pays du Golfe (place forte, avec l'Égypte, du sunnisme régional). Il est tout aussi évident que le « statut » que s'est forgé le Hezbollah manu militari sur la scène libanaise est également, par essence, contre nature, et ne saurait perdurer trop longtemps, d'abord parce qu'il représente l'antithèse de la spécificité du Liban et des équilibres locaux, et ensuite parce qu'il sape de manière pernicieuse et en profondeur tous les rouages du fonctionnement de l'État central et du jeu politique démocratique.

Tout cela n'est pas nouveau, et il faut reconnaître à Saad Hariri qu'il n'a à aucun moment cédé sur ces fondamentaux. Sauf que sa position officielle a toujours été de cohabiter – bon gré, mal gré – avec le Hezbollah, et de composer avec lui afin de préserver, autant que faire se peut, la stabilité interne. Nombreux sont ceux qui, au sein du courant du Futur et du 14 Mars, critiquaient l'attitude un peu trop conciliante de M. Hariri à l'encontre du parti chiite, car ce dernier profite de cette trêve politique pour poursuivre, lentement et sûrement, son entreprise de grignotage et de noyautage des structures du pouvoir central. Cette politique de conciliation, poussée parfois à l'extrême (il faut aussi le reconnaître), se poursuit depuis plus de dix ans. Le ton et la teneur du communiqué lu par le Premier ministre à Riyad sont aux antipodes de cette politique. Ils constituent, subitement, une véritable déclaration de guerre à l'Iran et au Hezbollah, et, de ce fait, un point d'inflexion inattendu dans la ligne de conduite de M. Hariri.

Toujours dans la partie visible de l'iceberg, force est de relever que cette déclaration de guerre s'inscrit dans le sillage d'une vaste opération de build up entreprise à l'échelle régionale et internationale – et dont le président américain Donald Trump est l'élément moteur – contre l'expansionnisme iranien et le « trop-plein de forces » du Hezbollah. La démission fracassante du Premier ministre serait-elle le point de départ d'une nouvelle phase décisive de cette grande bataille dont l'Arabie saoudite se fait le porte-étendard dans la région ? Auquel cas, une question angoissante se pose : les tenants de cette ligne dure et de la méthode forte face à Téhéran et son allié libanais ont-ils les moyens de leur politique ?

Une campagne médiatique et politique est, certes, une phase nécessaire, mais si elle ne débouche pas sur des actes concrets s'inscrivant dans le cadre d'une stratégie bien réfléchie tenant compte des forces en présence, cela aura un effet boomerang dévastateur, dont le seul bénéficiaire serait l'adversaire que l'on cherche à combattre. Et en tout état de cause, même si cette stratégie existe, annoncer une démission – présentée comme une étape de la grande bataille – à Riyad, de la manière avec laquelle cela s'est fait, est (pour le moins qu'on puisse dire) maladroit et contre-productif. Le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah – qui reconnaît lui-même qu'il est tributaire de la décision iranienne pour les questions stratégiques –, a eu beau jeu de souligner avec insistance que la démission a été imposée à M. Hariri et que le communiqué lu par le Premier ministre est l'œuvre des Saoudiens.

Il reste que l'une des thèses qui a circulé au cours des dernières quarante-huit heures est que la bombe Hariri est liée d'une certaine façon (avec pour toile de fond Saudi Oger) aux mesures drastiques prises samedi par le prince héritier, Mohammad ben Salman, à l'encontre d'un grand nombre de personnalités et de dignitaires du royaume. Mais est-il possible que Riyad s'emploie à affaiblir de la sorte le leadership sunnite au Liban – ce qui ferait le jeu de Téhéran – alors même que son objectif à l'échelle régionale est de combattre l'influence de l'Iran et du Hezbollah ? Ou alors l'objectif serait-il de mettre en place, précisément, un leadership plus radical ? Mais même dans ce cas de figure, les dommages collatéraux ne sont pas difficiles à prévoir. Car nous sommes au Liban, et ce qui est peut-être valable ailleurs ne l'est certainement pas au pays du Cèdre...

À défaut d'être « dans le secret des princes » (pour reprendre le titre d'un livre de Christine Ockrent), il faut se contenter, pour l'heure, de la partie visible de l'iceberg pour tenter de cerner les tenants et les aboutissants du mystérieux séisme politique provoqué samedi dernier, lorsque Saad Hariri a annoncé (à défaut de présenter) sa démission.
Il apparaît évident,...

commentaires (4)

Le Chef de l'Etat a déclaré récemment au "Figaro" que : 1 - Le Hezbollah n'utilise pas ses armes dans la politique intérieur. 2 - On ne peut pas priver le Hezbollah de ses armes tant qu'Israël ne respecte pas les résolutions du Conseil de Sécurité. 3 - L'Arabie saoudite est revenue sur sa signature et elle n'applique pas le contrat pour la livraison d'armes à l'armée libanaise. Quel Chef du gouvernement accepterait telles contre-vérités ? Saad Hariri n'est pas un laquais.

Un Libanais

15 h 12, le 07 novembre 2017

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Commentaires (4)

  • Le Chef de l'Etat a déclaré récemment au "Figaro" que : 1 - Le Hezbollah n'utilise pas ses armes dans la politique intérieur. 2 - On ne peut pas priver le Hezbollah de ses armes tant qu'Israël ne respecte pas les résolutions du Conseil de Sécurité. 3 - L'Arabie saoudite est revenue sur sa signature et elle n'applique pas le contrat pour la livraison d'armes à l'armée libanaise. Quel Chef du gouvernement accepterait telles contre-vérités ? Saad Hariri n'est pas un laquais.

    Un Libanais

    15 h 12, le 07 novembre 2017

  • Oui, mais le jeune prince héritier Ben Salman va vite en besogne, semble impulsif, agressif et pauvre stratège. En effet, ne connaît-il pas l’histoire du Royaume qui n’est qu’ Équilibre délicat de partage du pouvoir et influences entre différentes tribus antagonistes jusqu’à nos jours avec même assasinat du roi Faisal par son neveu, la révolte du Hijaz et de la Mecque il n y’a pas longtemps... S’attaquer à autant de grands noms, si vite, pourra se retourner contre lui, et, une révolte de Palais ou un assasinat ramènerait le pays au chaos et ferait le jeu de Téhéran! Et, de plus, a-t-il les moyens de sa politique au Liban, et que compte-t-il faire en démissionnant Hariri? Y’a -t-il autre dialogue avec le Hezbollah que par la force des armes? Triste constat, malheureusement!

    Saliba Nouhad

    14 h 46, le 07 novembre 2017

  • Comment expliquer le silence observé dans la rue sunnite à Beyrouth et ailleurs , partout où saad hariri a pied ferme et grand soutien .? C est ahurissant de ne voir aucune révolte ,aucune protestation concernant le sort de leur leader . Du côté des journalistes pis encore . Personne n' a relevé ce point ou ne s est interrogé sur les raisons pour lesquelles les sunnites ont gardé la bouche cousue..

    Hitti arlette

    09 h 15, le 07 novembre 2017

  • UNE ANALYSE SANS PARTI PRIS DE LA LOGIQUE DES CHOSES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 11, le 07 novembre 2017

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