Pour l'instant et officiellement, l'offensive saoudienne contre l'Iran à l'échelle régionale s'exprimerait au Liban par une tactique plus souple, mais non moins ciblée. Évoquant sur les réseaux sociaux sa rencontre avec le prince héritier, Mohammad ben Salman, à Riyad, le Premier ministre Saad Hariri avait fait part d'un souci partagé de préserver la stabilité du pays.
Cette déclaration d'apaisement n'a pas été sans trouver un écho favorable auprès du président de la Chambre, Nabih Berry. Dans une interview à al-Intichar, rapportée par l'agence d'information al-Markaziya, il s'est dit rassuré de la situation en général, en précisant que l'essentiel de la visite dont l'a informé M. Hariri était « bon ». Il a surtout constaté que l'attachement du Premier ministre à la stabilité du Liban n'était pas étranger au prince héritier lui-même. Selon des sources citées par la même agence, M. Berry aurait annoncé qu'il allait faire le nécessaire auprès du Hezbollah pour trouver une issue à cette crise. La stabilité étant en effet « une ligne rouge » pour l'Arabie, celle-ci ne souhaiterait pas provoquer un affrontement interne, ni compromettre la cohésion du cabinet. Néanmoins, selon les sources précitées, le prince héritier aurait exprimé clairement à son interlocuteur la nécessité que le Hezbollah cesse ses campagnes contre le royaume.
Le but immédiat serait donc de restaurer l'équilibre exigé par le compromis présidentiel. Un équilibre que le Hezbollah est seul à se permettre d'entraver – grâce notamment à la couverture du chef de l'État, dont la récente prestation télévisée a d'ailleurs été saluée hier aussi bien par le Hezbollah que par le président de la Chambre.
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Le ministre Marwan Hamadé a jugé hier, dans un entretien à la radio, que « la visite de Saad Hariri en Arabie se résume en une seule phrase : l'attachement à la stabilité du Liban et à son arabité. Ce qui signifie d'abord que le président Hariri a pu s'entendre avec ses interlocuteurs saoudiens sur l'équation du maintien de la stabilité ». Et ensuite, qu'il faudrait « rectifier le tir, d'abord en prenant des positions à caractère arabe, plus claires, mais aussi plus neutres ».
Le rééquilibrage consisterait au moins à ne plus se cacher des transgressions flagrantes de la distanciation, qui sont en l'occurrence celles du Hezbollah. « Le mutisme observé sur les propos du président iranien, mais aussi sur l'intervention du Hezbollah en Syrie ont porté à croire que le compromis présidentiel et la politique de distanciation étaient tombés dans les oubliettes », selon M. Hamadé.
Déjà, dans certains propos politiques hier, les références aux principes souverainistes ont réapparu avec plus d'emphase que d'habitude, mais sans jamais se dissocier de l'impératif de maintenir la paix civile. Le député Amine Wehbé, membre du bloc du Futur, a ainsi estimé que « la visite du président Hariri en Arabie est importante en ce qu'elle confirme nos positions de principe dont nous, Libanais, et surtout Premier ministre, courant du Futur et 14 Mars, ne nous départirons pas ». En même temps, a-t-il poursuivi, « nous sommes soucieux de garder dans les limites du politique notre conflit avec le camp opposé ». Et d'ajouter : Les Saoudiens « savent que notre position à l'égard des armes du Hezbollah est constante, mais qu'elle se heurte à la nécessité de prendre des positions qui préservent la paix civile ». Coupant court à toute spéculation sur une démarche saoudienne déstabilisatrice, il a dit : « Le royaume n'a aucune ambition de mener une confrontation directe avec le Hezbollah à l'intérieur du Liban. »
Implicitement, cela n'exclut pas une confrontation sur un terrain autre que le Liban.
Pour l'instant, le Hezbollah semble prudent, à l'heure où la visite du président Vladimir Poutine à Téhéran révèle d'ores et déjà une volonté russe de rationaliser la position iranienne. C'est-à-dire de forcer la main de Téhéran pour des solutions politiques aux différentes crises régionales.
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« L'arabité de Aoun » saluée par le Hezbollah
Les représentants du Hezbollah qui se sont exprimés hier se sont retenus de mentionner nommément l'Arabie ou la famille royale. Ils maintiennent toutefois la même rhétorique de la « résistance » contre l'ennemi sioniste à laquelle les Arabes auraient fini par se rallier. Recevant une délégation de la Fédération démocratique des jeunes, le ministre Mohammad Fneich a félicité ses interlocuteurs d'avoir fait comprendre à tous ceux qui cherchent à abattre les obstacles intellectuels, psychologiques et culturels avec l'ennemi que ces obstacles resteront plus élevés que jamais (...). « Je pense d'ailleurs que le refus de tous les projets de normalisation des rapports avec l'ennemi sioniste est en parfaite adéquation avec la position du président de la République », a-t-il ajouté, saluant « l'arabité du président, qui est plus arabe que tous ceux qui se prévalent de leur arabité tout en œuvrant pour la normalisation ». Parce que « l'arabité se mesure à la défense invétérée et juste de la cause palestinienne ». « Le Liban et la région restent menacés tant que la Palestine est occupée par Israël », a veillé à souligner le député Mohammad Raad, lors d'une cérémonie dans son village de Yehmor el-Chekif (Nabatiyé). Ses propos hypertrophiés ne sont pas sans rappeler le lien fait par Michel Aoun entre les armes du Hezbollah et la résolution du conflit du Moyen-Orient.
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Retour à la vieille guerre ?
À l'ouverture du colloque de la Fédération mondiale des ulémas de la résistance, au palais de l'Unesco, où était attendu un discours du secrétaire général du Hezbollah, c'est son adjoint, le cheikh Naïm Kassem qui a fini par s'exprimer. Seulement pour raviver une rhétorique de guerre que le Hezbollah avait relégué au second plan. « Nous faisons face au crime sioniste, qui est l'occupation d'Israël et l'expulsion d'un peuple tout entier de son territoire (...). Nous avons deux choix : soit la capitulation, soit la résistance. Il n'y a pas de troisième choix (...). La libération de la Palestine est une libération de toute la région, et des choix de ses peuples. » Ces propos semblent annoncer la phase de l'après-Daech, voire l'après-Syrie, qui, pour le Hezbollah, pourrait renouveler sa vieille guerre avec Israël. Tard en soirée, hier, de forts bruits d'explosions ont retenti dans le jurd de Ras Baalbeck, Fekhé et al-Ayn (Békaa-Nord) alors que des avions israéliens volaient bas dans l'espace aérien libanais, selon l'ANI. L'agence précise toutefois que ces explosions ont résulté de raids israéliens dans les rifs de Damas et Homs, suivis de ripostes par l'armée syrienne régulière. Selon l'activiste Nabil Halabi sur sa page Facebook « l'armée de l'air israélienne a visé une colonie iranienne dans le village occupé de Hasyaa dans le rif de Damas ».
Ces bruits de bottes restent comme inaudibles au Liban, les interlocuteurs de l'Arabie préférant garder un discours pacificateur. Seul l'ancien ministre Achraf Rifi a fait état hier d'une position saoudienne radicale qui aurait été transmise à Saad Hariri : « Les Libanais ne peuvent plus fuir le choix entre l'axe arabe et l'axe perse (...). La situation ne supporte plus de gris (...). »
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11 h 08, le 02 novembre 2017