Le président de la République Michel Aoun (c), le commandant en chef de l'armée Joseph Aoun (d) et le ministre de la Défense Yaacoub Sarraf (g) lors d'une conférence de presse, 30 août 2017, au palais de Baabda. Photo Dalati e Nohra.
Le président libanais, Michel Aoun, a annoncé mardi, entouré du commandant en chef de l'armée libanaise, Joseph Aoun, et du ministre de la Défense, Yaacoub Sarraf, "la victoire du Liban contre le terrorisme". Cette annonce intervient alors que l'armée libanaise a chassé les jihadistes du groupe État islamique (EI) de la frontière libano-syrienne dans le cadre de l'opération "L'aube des jurds" et a récupéré les corps présumés des militaires qui avaient été enlevés par l'EI en août 2014.
"Aujourd'hui, nous annonçons la victoire du Liban contre le terrorisme et j'offre cette victoire à tous les Libanais", a déclaré M. Aoun. "Je félicite le commandement de l'armée pour cette réussite", a-t-il ajouté, en rendant hommage aux martyrs de l'armée tombés au cours de la bataille. "Nous aurions souhaité célébrer (la victoire) avec vos camarades qui avaient été retenus otages. Notre seul réconfort est que nous les avons trouvés et connaître leur sort était un des objectifs de la bataille", a dit M. Aoun en s'adressant aux militaires. "Le Liban restera fidèle à ses martyrs", a encore assuré le président.
Le chef de l’État libanais a aussi salué "les habitants des régions frontalières qui ont tenu bon sur leur terres", leur promettant de s'occuper d'eux et du développement de la région. "Le Liban a gagné contre le terrorisme et sa victoire a été grande et honorable. La frontière est revenue dans le giron de la patrie grâce à l'armée qui a prouvé qu'elle est une armée forte, la seule qui a réussi à faire tomber l'EI", a encore dit M. Aoun.
"Protéger la victoire"
Alors qu'elle s'apprêtait à lancer l'ultime phase de sa bataille contre les jihadistes de l'EI retranchés dans les jurds (hauteurs) de Qaa et Ras Baalbeck, l'armée avait annoncé dimanche matin un cessez-le-feu pour laisser place aux négociations sur le sort des otages militaires. Cet accord a été scellé par le Hezbollah, qui combattait l'EI avec l'armée syrienne à partir de la Syrie. Dans le cadre de cet accord, les quelque centaines des combattants de l'EI présents dans "la région du Qalamoun (ouest de la Syrie) et dans ses environs au Liban doivent être transférés dans la ville de Mayadine dans la province de Deir ez-Zor" toujours tenue par l'EI. En échange, le groupe jihadiste a révélé des informations concernant les dépouilles mortelles des militaires libanais. Il doit aussi libérer des combattants du Hezbollah détenus en Syrie. Mais une frappe de la coalition antijihadiste dirigée par Washington a bloqué le convoi aux portes de Deir ez-Zor, près de 48 heures après son départ de la zone frontalière.
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"Sachez que votre armée a réussi à faire ce que d'autres États n'ont pas réussi à faire, a insisté M. Aoun en s'adressant aux Libanais. "Ne laissez pas les tensions politiques et les accusations de ces derniers jours vous faire oublier la victoire, a-t-il dit. Il est de notre devoir à tous de protéger cette victoire par notre solidarité nationale et en nous lançant dans des projets de développement économique pour accompagner les aspirations des libanais et leurs espoirs".
Ces derniers jours, les conditions de la transaction entre le Hezbollah et l'EI, plus précisément la clause du transfert des jihadistes vers Deir ez-Zor ont suscité une grande indignation dans les milieux politiques, mais aussi au sein d'une large partie de l'opinion publique qui, à travers les réseaux sociaux, a dénoncé le fait que les jihadistes aient pu bénéficier d'impunité après avoir exécuté des soldats libanais et soient partis à bord de "bus climatisés".
Onze militaires avaient été enlevés en août 2014 par l'EI à Ersal. Deux (Ali Sayyed et Abbas Medlej) avaient été décapités la même année, et un troisième avait fait défection. Le corps de Ali Sayyed avait été restitué à sa famille. Celui de Abbas Medlej fait probablement partie des dix dépouilles retrouvées et qui sont en cours d'identification.
Huit de ces dépouilles appartiendraient aux soldats qui étaient toujours détenus par le groupe jihadiste. La neuvième serait celle d'un soldat porté disparu depuis les combats. Six des dix dépouilles retrouvées ont été formellement identifiées suites à des tests ADN, a annoncé l'armée mercredi. A l'annonce des résultats de ces tests, une journée de deuil national sera décrétée, ont promis les responsables militaires et politiques.
(Reportage : Martbaya est tombée, il reste à nettoyer la zone »)
Retour "dans le giron de l'État"
Prenant ensuite la parole, le commandant en chef de l'armée a déclaré : "Au nom du Liban et des militaires, j'annonce la fin de l'opération "L'aube des jurds" qui avait débuté le 19 août et qui a rempli ses objectifs : chasser les terroristes et connaître le sort des otages militaires". "J'ai entendu beaucoup demander 'pourquoi l'armée n'a pas continué la bataille' (...) mais j'avais des responsabilités à assumer", a affirmé le commandant en chef de l'armée.
Détaillant l'opération, il a indiqué que "certains terroristes ont choisi de se battre et ont été tués et d'autres ont fui vers la Syrie". "Nous avons rencontré des difficultés dans la dernière poche jihadiste en raison de la présence de civils, proches des combattants, a-t-il ajouté, précisant que l'armée a tout fait pour éviter de porter atteinte aux civils. "L'armé est entrée à Kherbat Daoud et Wadi Martbaya et s'est assurée qu'il n'y a plus de jihadistes dans la région", a assuré le général Aoun. Il a également précisé que l'armée n'a arrêté aucun jihadiste de l'EI et que sept militaires ont été tués lors de l'opération.
La dernière victime est Aref Dib, décédé le 29 août 2017 des suites de ses blessures provoquées par l'explosion d'une mine dans le jurd de Ersal neuf jours auparavant. Il avait 34 ans, était père d'un enfant et originaire de Denniyé. Il avait rejoint les rangs de l'armée à l'âge de 23 ans.
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— الجيش اللبناني (@LebarmyOfficial) August 30, 2017
Avant de se rendre à Baabda, le commandant en chef de l'armée avait, lui aussi, officiellement annoncé que la région des jurds de Ras Baalbeck et de Qaa "est retournée dans le giron de l’État". "Ce qui nous fait mal dans cette victoire, c'est le douloureux sort de nos camarades martyrs qui avaient été otages (de l'EI) et qui ont souffert de la brutalité du terrorisme (...)", a-t-il dit en présentant ses condoléances aux familles de "ces héros". "Nous ne vous oublierons jamais", a-t-il ajouté.
Et de poursuivre : "Cette réalisation remarquable dans le parcours de l'armée que vous avez accomplie grâce à votre compétence, votre esprit héroïque et votre courage, tourne une page douloureuse de notre vie nationale. "Il y aura toujours devant vous des difficultés et des défis", a-t-il dit en évoquant "l'ennemi israélien qui se trouve toujours à la frontière-sud", ainsi que les cellules terroristes. "Soyez toujours en état d'alerte pour faire ce que vous dicte le devoir militaire, afin de défendre la frontière et chaque parcelle de la patrie", a conclu le commandant en chef de l'armée.
En fin d'après-midi, un accueil populaire a été organisé dans plusieurs villes libanaises pour les militaires rentrant des jurds. Des rassemblements ont ainsi eu lieu à Ras Baalbeck et Qaa, dans la Békaa, et à Batroun au nord de Beyrouth, de même qu'à Chekka et Kobeyate. Une cérémonie symbolique s'est également déroulée au siège du ministère de la Défense à Yarzé, dans la banlieue sud-est de la capitale.
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10 h 23, le 31 août 2017