Le Liban est dans l'attente des résultats des tests ADN des corps exhumés dans les jurds de Qaa et de Ras Baalbeck pour prendre les dispositions qu'imposent les développements des derniers jours. Deux cérémonies sont prévues à cet effet. La première aura lieu au ministère de la Défense où des funérailles nationales seront organisées en présence du président de la République Michel Aoun. Le commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, prononcera un discours et le chef de l'État accrochera les décorations posthumes accordées aux martyrs de l'armée. La seconde sera une cérémonie populaire, une sorte de rassemblement gigantesque au cours duquel des orateurs prendront la parole. Cette dernière cérémonie est destinée à permettre à la population d'exprimer son appui à l'armée et de participer à la victoire qui vient d'être remportée. Entre les deux manifestations, le chef de l'État prononcera une allocution télévisée, dans laquelle il expliquera aux Libanais l'importance de ce qui a été réalisé et donnera les grandes lignes de l'étape future.
En effet, Michel Aoun se considère personnellement et directement impliqué dans la bataille qui vient d'avoir lieu. Depuis son élection à la plus haute investiture du pays, il y a dix mois, il a voulu marquer la différence avec les précédents mandats. Pour lui, le titre de chef des forces armées n'est pas une mention honorifique, mais une mission et une responsabilité. D'ailleurs, son premier souci de président a été de procéder aux nominations militaires et sécuritaires qui permettent de dynamiser l'action de ces institutions. La décision de la bataille du jurd, il l'avait prise depuis le début, d'abord pour protéger le Liban et les Libanais de la menace terroriste, et ensuite pour redonner à l'armée son prestige et son honneur bafoués par les hésitations et les tiraillements politiques qui ont paralysé les institutions pendant une longue période.
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Selon une source militaire, la décision a donc été tranchée au cours d'une réunion du Haut Conseil de défense qui s'était tenu à Baabda en présence du Premier ministre et des responsables concernés. Le chef de l'État a expliqué les raisons qui le poussent à vouloir libérer le jurd libanais le long de la frontière avec la Syrie, et les différents responsables ont exposé les plans et les moyens disponibles. Depuis le début, le président Aoun a insisté sur la nécessité de mener « une opération propre », d'abord parce que l'armée respecte les conventions de Genève sur la guerre et ensuite pour faire taire d'éventuelles critiques occidentales, sachant que les États-Unis et la Grande-Bretagne sont actuellement les principaux pourvoyeurs d'équipements à l'armée et qu'ils sont très pointilleux sur leur utilisation. Le président a aussi développé son concept de « guerre préventive », qui avait figuré dans son discours d'investiture et qui s'applique dans ce domaine par une offensive » rapide et propre », visant à neutraliser les facteurs qui pourraient affaiblir l'armée dans son action, notamment la proximité des camps de déplacés syriens et la présence de civils. C'est d'ailleurs dans ce but qu'avait été menée l'opération préventive de l'armée dans deux camps de déplacés syriens Qariyé et al-Nour, entre Ersal et son jurd. En dépit de toutes les précautions de l'armée, des critiques lui avaient été adressées en raison de la mort de quatre combattants après avoir été arrêtés.
Ce soudain tollé, selon la source militaire précitée, ressemblait un peu à une campagne orchestrée et semblait imposer des limites à une opération de plus grande envergure. C'est sans doute ces considérations qui ont poussé le Hezbollah à devancer l'armée et à mener la bataille de la libération du jurd de Ersal, assumant la responsabilité des camps de réfugiés et même celle des habitants de Ersal qui ont finalement bien accueilli l'initiative, étant les premières victimes de la présence des combattants à la limite de leur bourgade. En même temps, cette opération du Hezbollah ne pouvait que faciliter la bataille à laquelle se préparait l'armée, en réduisant les fronts à ouvrir qui se limitaient désormais aux jurds de Qaa et de Ras Baalbeck. Les parties occidentales et les parties locales avaient toutefois réclamé qu'il n'y ait pas de coordination ouverte entre l'armée libanaise d'un côté, l'armée syrienne et le Hezbollah de l'autre, et l'armée a respecté cette demande tout au long de la bataille. Si, entre-temps, le Hezbollah et l'armée syrienne ont décidé de mener une offensive parallèle du côté syrien du jurd, l'armée libanaise ne pouvait pas les en empêcher. Au contraire, elle ne pouvait qu'en bénéficier. D'abord parce que les terroristes étaient soumis à une plus grande pression, de tous les côtés, et ensuite parce qu'ils étaient obligés de diviser leurs forces sur plusieurs fronts. Mais cela ne signifie pas qu'il y avait une coordination au vrai sens du terme, entre les trois parties qui combattaient le même groupe de terroristes dans un même espace géographique.
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La coordination était élémentaire. Elle est devenue plus précise à mesure que se réduisait l'espace géographique dans lequel se battaient les terroristes, car il fallait alors éviter d'atteindre des cibles non ennemies dans une superficie plus réduite. Mais selon la source militaire précitée, cette coordination n'a jamais été au-delà de ces considérations techniques. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle lorsque les combattants se sont retrouvés coincés dans un espace de 20 km² en territoire libanais, avec un nombre de civils estimé à 300 (des femmes et des enfants vivant avec les jihadistes pour la plupart) et qu'ils ont décidé de s'enfuir en direction du côté syrien, l'armée n'a pas pu les en empêcher. S'il y avait une coordination avec les forces qui se battaient de l'autre côté de la frontière, l'armée aurait pu leur demander de les refouler pour capturer les combattants ou les neutraliser, comme le réclament aujourd'hui certains. Mais en raison des conditions politiques imposées à la bataille, l'armée n'a pas pu le faire, tout comme elle n'a pas pu les poursuivre en territoire syrien. Finalement, c'est peut-être mieux, estime la source militaire, à cause de la présence avec eux de civils. Mais au Liban, certaines parties cherchent à susciter des polémiques à n'importe quel prix, alors que la population, elle, est fière de son armée.
Pour le président Aoun, c'est en tout cas une page « lumineuse » qui s'est écrite avec cette bataille. Ses proches considèrent qu'il a tenu la promesse faite aux Libanais de leur assurer la sécurité et une armée digne de confiance. En fait, celle-ci – avec les autres services de sécurité et les forces armées en général – n'avait besoin que d'une couverture politique qu'avec le Premier ministre, il lui a assurée. Toute la différence est là...
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commentaires (7)
Le KHENERAL Aoun brille par son absence ces derniers temps. Il a abdique son role au profit de Hassan NasrAllah qui tient le haut du pave a coup de conference de presse. Ou est notre President? Pourquoi laisse-t-il le champs libre au Hezb? Il n'a pas droit de parole? Quelle honte...
IMB a SPO
23 h 09, le 29 août 2017