Les propos tenus jeudi par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, intégrant l'armée syrienne au fameux triptyque « armée-peuple-résistance » et incitant le gouvernement libanais à coordonner avec le régime de Bachar el-Assad pour libérer le Liban et la Syrie des terroristes du groupe État islamique, ont suscité hier de vives réactions dans les milieux politiques, notamment chez les protagonistes hostiles à l'axe syro-iranien.
Dans ces milieux, on y a même décelé une tentative de mettre la présidence Aoun ainsi que le gouvernement dirigé par Saad Hariri au pied du mur. D'autres, plus pessimistes encore, ont lu entre les lignes du discours « une gifle » aux forces « souverainistes » présentes au sein de l'équipe ministérielle. D'autant que le dignitaire chiite a ouvertement appelé le gouvernement à coordonner avec le régime syrien pour trancher la question des militaires otages de l'EI, à l'heure où l'armée libanaise refuse de mettre fin à son offensive dans les jurds de Qaa et de Ras Baalbeck avant de régler la question des otages.
Si le courant du Futur a accusé le numéro un du Hezbollah d'exercer « un chantage » à l'encontre des parents des soldats kidnappés, Moustapha Allouche, coordinateur de la formation haririenne à Tripoli, va beaucoup plus loin. Dans une déclaration à L'Orient-Le Jour, il estime que Hassan Nasrallah a « laissé entendre que Bachar el-Assad collabore avec l'EI, qui lui aurait remis les militaires », soulignant que « le Liban n'a aucun intérêt à coordonner avec la Syrie ». M. Allouche met l'accent sur le timing du discours du secrétaire général du parti chiite, qui coïncide avec la fin (prochaine) de l'opération « Aube du jurd ». « Le plus grand ennemi du Hezbollah est une armée forte, dans la mesure où elle torpillerait les raisons d'être du parti doté d'un arsenal illégal », estime-t-il, assurant que « les tentatives de mettre Saad Hariri et son équipe ministérielle au pied du mur échoueront ». Selon lui, « ce n'est pas le Premier ministre, mais le chef de l'État, Michel Aoun – grand allié chrétien du Hezb –, qui est ciblé par cette atteinte au prestige de l'État, qui menace l'entité libanaise ».
(Lire aussi : Geagea à Nasrallah : "Pourquoi vous obstinez-vous à porter préjudice à l'armée libanaise" ?)
Rifi : Le mutisme « humiliant » du pouvoir
Même son de cloche chez l'ancien ministre Achraf Rifi, farouche opposant à la politique iranienne dans la région. « Le discours de Nasrallah est un mot d'ordre iranien pour mener l'État libanais vers la normalisation avec le régime Assad, ce que nous refusons catégoriquement », assure M. Rifi à L'OLJ, avant de poursuivre : « Le chef du Hezbollah tente d'intégrer le régime syrien dans des équations étranges au Liban. » Mais Achraf Rifi déplore aussi « le mutisme douteux et humiliant » du pouvoir face à Hassan Nasrallah, « comme s'il n'y avait ni président ni gouvernement ». Pour l'ancien ministre, « cela montre l'incapacité du pouvoir qui devrait démissionner s'il continue à faire la politique de l'autruche devant les Iraniens ».
À l'heure où d'aucuns estiment que le mutisme officiel face à la nouvelle équation est un nouveau camouflet porté au prestige de l'État, Boutros Harb, député de Batroun, se dit « désolé » de voir le gouvernement incapable de prendre une position claire quant à un sujet aussi important que cela.
Toujours du côté de l'opposition, les Kataëb semblent déterminés à ne pas alimenter les nombreuses polémiques les opposant à l'écrasante majorité des formations représentées au sein du cabinet. Pour Alain Hakim, ancien ministre de l'Économie, il s'agit de « la plus forte gifle administrée aux forces souverainistes du cabinet Hariri ». « Je préfère laisser aux protagonistes au sein du pouvoir le soin de régler ce grave problème », dit-il à L'OLJ.
Mais dans le camp loyaliste, on ne perçoit aucunement les choses sous cet angle. Bien au contraire, les aounistes, dont Simon Abi Ramia (député de Jbeil), nient être mis au pied du mur entre leurs deux alliés sunnite et chiite, et rappellent avec fierté leur longue lutte historique contre la mainmise syrienne sur le pays.
Pour M. Abi Ramia, interrogé par L'OLJ, « il ne faut pas intégrer l'armée syrienne au triptyque, mais on ne peut nier le fait que la coordination entre les deux troupes a épargné au Liban et à la Syrie des affrontements encore plus atroces contre l'EI ».
Le vif débat déclenché au lendemain du discours de Hassan Nasrallah rappelle de loin les réactions des milieux proches du Hezbollah à un discours de l'ancien chef d'État Michel Sleiman, dans lequel il avait déclaré sans détour que « la formule (en or) armée-peuple-résistance était devenue en bois ». Joint par L'OLJ, M. Sleiman est aujourd'hui encore confiant qu'une équation ne peut exister si l'un de ses éléments est négligé. « Le Hezbollah prend le peuple et l'armée avec lui en Syrie, au lieu d'appeler ses propres combattants à rentrer au Liban », dit-il.
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Rien de nouveau dans le discours de Sayyed Nasrallah, juste un tapage médiatique puéril un peu plus important. L'armée aurait dû attaquer les terroristes la minute apres l'humiliation subie en 2015 qui amena au martyr des militaires, ou alors donner le feu vert à la Résistance dont les capacités à faire le grand nettoyage sans commettre de bavure ne sont plus à prouver. Ceux qui disent qu'on ne doit pas coopérer avec le régime syrien pour quoique se soit manquent de respect aux parents des militaires kidnappés et aux martyrs. N'est-ce pas l'intérêt nationale que vous recherchez? Un peu de pragmatisme ne serait pas de trop. Aucune gifle dans les propos du Sayyed, seulement des faits, l'armée syrienne bombarde les terroristes dans le jurd de ersal depuis des mois, et sans l'offensive lancée de l'autre côté de la frontière on aurait pas pu vaincre les terroristes, et c'est pas une chose difficile à comprendre ça, il n'y a pas à le nier. Cela n'enleve en rien le crédit à accorder aux héros de la Troupe. Mais pour les libanais il faut toujours qu'il y ait un gagnant et un perdant, on ne peut pas gagner tous ensemble tout simplement. Vive le Liban, vive la République et vive la Résistance
18 h 46, le 28 août 2017