Alors que le Liban se prépare à une semaine active, avec une réunion du Conseil des ministres et une autre du Parlement prévue sur deux jours au rythme de deux séances quotidiennes, les préoccupations internes portent surtout sur le bras de fer entre les partisans de l'armée libanaise et les défenseurs des droits des déplacés syriens. Si le ministère de l'Intérieur ne prend pas aujourd'hui une décision ferme sur ce sujet, les deux camps pourraient s'affronter dans deux manifestations prévues mardi presque simultanément et presque au même endroit. En principe, les deux causes sont justes et devraient pouvoir être défendues de pair. Mais depuis l'opération militaire préventive de l'armée dans deux camps de déplacés aux alentours de Ersal, un climat malsain règne dans le pays.
Profitant de la mort de quatre des personnes arrêtées par l'armée dans le cadre de cette opération, des associations humanitaires appuyées par des courants politiques mettent en cause l'armée et réclament le châtiment des coupables présumés. Dans un communiqué, l'armée a expliqué les circonstances de la mort des quatre détenus, après avoir effectué une enquête interne sur ce dossier. Mais les voix continuent à s'élever mettant en cause l'armée, qui pourtant bénéficie d'un large appui populaire. Les critiques étaient si violentes que le Premier ministre a dû convoquer le commandant en chef de l'armée au Sérail pour lui demander des précisions sur la question. Saad Hariri a aussi profité de cette réunion pour déclarer son appui à l'armée, en lui donnant en principe « une couverture politique totale ».
Mais les associations humanitaires précitées ont maintenu leurs critiques, allant même jusqu'à lancer un appel à manifester, mardi, en faveur des déplacés syriens « malmenés » par l'armée, provoquant immédiatement une réaction chez les partisans de la troupe, notamment chez les familles des soldats enlevés par les éléments armés syriens dans le jurd de Ersal, qui ont à leur tour appelé à une manifestation. Le ministère de l'Intérieur pourrait bien aujourd'hui décider d'interdire les deux rassemblements, mais il s'agira d'une solution en demi-teinte comme d'habitude et le feu continuera à couver sous la cendre.
Selon des politiciens chevronnés, cette situation commencerait à ressembler à celle qui prévalait dans les années 70 avec les réfugiés palestiniens. Après le coup de force du président Sleiman Frangié contre les camps palestiniens, qui lui a valu d'ailleurs les critiques violentes du monde arabe, l'État libanais a petit à petit commencé à céder du terrain face aux fedayine. Ce qui avait abouti à la guerre de 1975.
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Aujourd'hui, il est clair que le Liban politique est divisé au sujet du dossier des déplacés syriens, ouvrant ainsi une brèche dans laquelle s'empressent de se faufiler certaines parties régionales et locales ayant des objectifs qui dépassent le Liban.
Selon des sources proches du 8 Mars, cette soudaine campagne contre l'armée vise à l'empêcher de mener la bataille du jurd de Ersal, Ras Baalbeck et Qaa, devenue pourtant imminente. En effet, depuis la prise du contrôle de la région séparant la Syrie de la frontière libanaise (notamment Zabadani et Madaya), cette poche du jurd libano-syrien, qui regroupe près d'un millier de combattants appartenant à trois formations, Daech, Fateh al-Cham (ex-Front al-Nosra) et Ahrar al-Cham, ne peut plus constituer une menace pour le régime syrien et sa capitale, comme c'était le cas au cours des années précédentes. La poche ne représente plus une menace que pour l'intérieur libanais en raison de la facilité de circulation des combattants entre le jurd syrien et les camps de déplacés installés entre la frontière et Ersal. Selon les experts militaires, il serait plus efficace, pour mettre ainsi un terme à la menace qu'ils représentent pour le Liban, de lancer une vaste offensive contre les combattants dans leur fief, plutôt que de multiplier les opérations à l'intérieur des camps à la recherche des terroristes qui s'y cachent.
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C'est dans cette logique que le secrétaire général du Hezbollah a appelé dans ses derniers discours à régler la question du jurd de Ersal et de ses environs. En principe, c'est à l'armée libanaise que devrait revenir cette mission et le Hezbollah a remis aux soldats libanais ses positions dans ce secteur. Mais avec la soudaine campagne menée au sujet de prétendus sévices contre les détenus syriens, il semble que des parties internes et externes veulent empêcher l'armée de mener cette opération. Les sources du 8 Mars précitées précisent que l'objectif de ce refus est de maintenir la pression sur le Hezbollah et sur le Liban en général pour garder cette carte au cas où le Liban déciderait unilatéralement de renouer ses relations avec le régime syrien. Les mêmes sources ajoutent que la prestation télévisée du député membre du courant du Futur, Okab Sakr, et ses critiques à l'encontre de l'armée suite à l'opération menée dans deux camps de déplacés syriens, est un message clair non seulement aux Libanais en général, mais aussi à l'armée et au Premier ministre. Pacifier la poche du jurd couperait donc tout lien physique entre les combattants dans cette zone et l'intérieur libanais. Ce qui faciliterait par la suite le démantèlement des réseaux cachés en territoire libanais. Ce serait donc un grand pas vers plus de stabilité... dont certains semblent ne pas vouloir. À moins qu'il ne s'agisse de pousser le Hezbollah à agir pour ensuite le montrer du doigt.
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commentaires (7)
toujours pareil, les terroristes , il faut les protéger ! surtout lorsque ils sont d'une religion, soutenu par les pays du golfe
Talaat Dominique
20 h 01, le 17 juillet 2017