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Liban - Polémique

Aïn Dara : Chehayeb demande que le conflit soit soulevé en Conseil des ministres

La municipalité et les opposants au projet de mégacimenterie ont appelé à un nouveau rassemblement hier.

Officiels et habitants réunis au siège de la municipalité de Aïn Dara.

Solidarité. Ce mot était sur toutes les lèvres hier lors d'un rassemblement auquel la municipalité avait convié les forces politiques et les habitants de Aïn Dara et des environs (Aley), pour affirmer une nouvelle fois leur refus de la construction d'un projet de mégacimenterie dans la région. Ce nouveau meeting intervient quelques jours seulement après une rixe qui a été provoquée, lors d'une conférence de presse de la municipalité organisée samedi, par des partisans de l'ancien ministre Wi'am Wahhab, favorable au projet (voir L'OLJ du 7 février). Un élu municipal de Ighmid-Machkiti (village voisin), Samir Bou Ghader, avait été particulièrement pris à partie.
Au siège de la municipalité de Aïn Dara, la solidarité s'exprimait donc hier à deux niveaux : contre la violence et contre le projet lui-même. Et la panoplie des présents était impressionnante, représentant un vaste éventail de partis et de municipalités : le ministre de l'Énergie, César Abou Khalil (CPL), l'ancien ministre Akram Chehayeb (PSP), le député Fadi Habre (Kataëb), Pierre Nassar, représentant les Forces libanaises (FL), Nassib Jawhari du Parti démocratique (du député Talal Arslane), des élus des villages environnants, des religieux...

Ce projet de mégacimenterie, conçu par Pierre Fattouche, était initialement prévu à Zahlé, mais il a été transféré vers Aïn Dara après le refus opposé par les habitants et les partis politiques du chef-lieu de la Békaa. Les propriétaires ont obtenu un permis délivré par le ministère de l'Industrie, mais n'ont jamais eu un permis de construire du conseil municipal de Aïn Dara, qui s'oppose à leur projet, ainsi que la population du village. La municipalité a d'ailleurs présenté un recours en Conseil d'État contre l'octroi de ce permis par le ministère de l'Industrie et attend toujours la décision de justice.

 

(Pour mémoire : Rixe à Aïn Dara, le projet de mégacimenterie se politise)

 

Une position très nette a été exprimée notamment par M. Chehayeb hier, à la tribune. Il a demandé au Conseil des ministres de « se saisir de cette affaire et de la discuter demain (aujourd'hui) lors de sa réunion hebdomadaire ». Il a très spécifiquement demandé au ministre Abou Khalil de s'en charger, l'assurant que « tous les honnêtes hommes du Conseil des ministres seront de son côté ». À L'OLJ, M. Chehayeb explique qu'il espère que cette affaire sera discutée aujourd'hui en Conseil des ministres, que ce soit en ce qui concerne l'agression perpétrée il y a quelques jours ou le projet controversé lui-même. Il estime que le permis d'établissement de l'usine est « entaché d'irrégularités », et espère que « le droit prévaudra dans cette affaire, et que les autorités seront du côté du droit et de la protection de l'environnement ».

Interrogé par L'OLJ sur cette demande formulée par le ministre Chehayeb, Fouad Haydamous, président du conseil municipal de Aïn Dara, affirme qu'il ne s'y attendait pas du tout. « C'est un point très important et une excellente mesure parce que nous avons besoin de ramener ce sujet au sein des institutions, dit-il. Il ne faut plus nous laisser seuls, avec la population, dans ce combat face à ce projet d'usine. Nous sommes nous aussi une institution publique après tout. J'espère que ce sera discuté demain en Conseil des ministres, et qu'une décision d'annuler purement et simplement ce projet sera prise. »

M. Haydamous rappelle que le propriétaire n'a pas de permis de construire. « Nous avons d'énormes points d'interrogation sur l'étude soi-disant environnementale qu'il a produite pour obtenir son permis du ministère de l'Industrie, ajoute-t-il. Qu'une telle étude soit faite en un mois pour un complexe industriel de cette ampleur invite au très grand scepticisme. » Il précise aussi avoir porté plainte personnellement et au niveau de la municipalité contre l'agression de samedi. « J'espère que la justice tranchera vite cette affaire parce qu'il s'agit d'une tentative de nous faire taire », dit-il.

 

(Pour mémoire : Aïn Dara toujours sur le qui-vive)

 

Un recours qui mène aux ministères
Les détails du recours présenté auprès du Conseil d'État ont été fournis hier par Antoine Haddad, vice-président du Renouveau démocratique et lui-même originaire de Aïn Dara. M. Haddad a noté « un développement positif dans ce recours, puisque le Conseil d'État a renvoyé le dossier, avec les arguments présentés par les plaignants, aux différents ministères concernés ».
Il a appelé ces derniers, notamment ceux qui sont aux mains des forces politiques présentes comme le CPL, les FL, les Kataëb, le PSP ou le Parti démocratique, « à profiter de cette occasion pour réétudier le dossier à la lumière des critiques et à dire non à cette usine ».

M. Haddad a évoqué plus spécifiquement le ministère des Ressources dont le ministre était présent – rappelant que l'une des grandes craintes est de voir les nappes phréatiques particulièrement riches de cette région se polluer du fait de cette usine –, ainsi que celui de la Santé, des Travaux, etc. À L'OLJ, M. Haddad indique également que l'avis du ministère de l'Environnement sera très important en la matière. Il s'étonne d'ailleurs « que cette fameuse étude environnementale qu'on dit avoir envoyé au ministère de l'Environnement soit gardée très secrète malgré de nombreuses requêtes de la consulter ».

Par ailleurs, Fadi Habre, Pierre Nassar, Nassib Jawhari (Parti démocratique), ainsi que les différents présidents de municipalités ont tous insisté sur leur appui à Aïn Dara, dans un objectif de protection de l'environnement.

Les habitants présents sur place ont eux aussi évoqué leur droit à un environnement propre, balayant tous les arguments présentés par les initiateurs du projet. « C'est notre terre et notre environnement, la propriété privée s'arrête là où commencent les atteintes à la santé publique, dit Anwar Haddad, l'un d'eux, à L'OLJ. Ils nous parlent de mille offres d'emploi ? Nous avons déjà l'expérience des Fattouche. Combien d'habitants de Aïn Dara travaillent dans leurs carrières ? D'ailleurs vont-ils seulement employer des Libanais ? » Pour lui et d'autres habitants qui l'entourent, Aïn Dara doit avoir principalement une vocation touristique, qui est la seule option de développement devant être retenue pour cette région, d'autant plus que, font-ils remarquer, cette localité compte 12 000 habitants qui, presque tous, viennent y résider en été, et certains en hiver. Selon Milad Yammine, les carrières ont régulièrement décimé les saisons dans les champs, et affecté les ressources d'eau sous-marines, asséchant et polluant des puits.
Pour ces habitants, c'est un niet définitif qu'ils opposent à cette usine. « C'est notre droit et nous allons nous battre. Si le droit prévaut, nous devrions l'emporter », dit Anwar Haddad.

 

 

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