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Liban - Analyse

Loi électorale : ambiguïtés et faux-semblants

Vue de la réunion hier à Saïfi entre les représentants du bloc Joumblatt et des Kataëb. Photo Marwan Assaf

Plusieurs ambiguïtés entourent la genèse de la nouvelle loi électorale. Elles résultent avant tout de l'opacité des concertations, restreintes au comité quadripartie (courant du Futur-Amal-Hezbollah-Courant patriotique libre). Des éléments disparates d'un projet de scrutin mixte défendu par le CPL sont les seuls à avoir filtré. Une fuite qui a suffi à mécontenter les parties non représentées dans le comité (comme le Parti socialiste progressiste), ou d'autres qui, comme les indépendants ou les partis restés à l'écart du compromis Aoun, réclament un droit de regard et de décision sur la réforme électorale en vue. Ces réactions de tous bords contre un projet dont la plupart affirment, pour l'heure, ignorer les contours révèlent le paradoxe de la situation actuelle : une situation où priment les postures de négociations sur les positions effectives.

Cela vaut d'abord pour les parties prenantes directement aux négociations, et ensuite pour les autres. Ainsi, le fait que le Hezbollah s'exprime à nouveau, comme il l'a fait dimanche par la voix de Naïm Kassem, en faveur de la proportionnelle intégrale, laisse entrevoir la possibilité qu'il s'oppose au scrutin mixte, notamment avec l'aide d'Amal. Ses velléités sont soutenues indirectement par des personnalités indépendantes de Tripoli, comme Fayçal Karamé et Nagib Mikati. Mais leurs réserves, comme celles du Hezbollah, semblent à première vue injustifiées au regard de ce que l'on sait du projet en circulation, lequel prévoit l'élection de la majorité des députés musulmans à la proportionnelle (ce qui risque de faire perdre au bloc du Futur « près de dix sièges » au prochain scrutin, selon les calculs d'un député centriste, démonstration à l'appui).

 

(Lire aussi : Les projets de loi électorale du CPL et les amendements qui changent tout, le décryptage de Scarlett Haddad)

 

L'autre position, elle aussi ambiguë, est celle du courant du Futur, dont les acteurs formulent d'ailleurs des avis divergents dans les médias. Le ministre-député Jean Oghassabian a déclaré hier à la radio que « l'on est revenu à la case départ au niveau de la loi électorale ». En revanche, son collègue Ammar Houry a révélé que « le débat actuel porte sur les découpages régionaux et le nombre de circonscriptions » et dit espérer la finalisation prochaine d'un projet sur la base du mode de scrutin mixte. Ses propos ont fait écho à ceux du ministre Ghattas Khoury au quotidien al-Liwaa dans son édition d'hier. Celui-ci a estimé qu'un « brouillon » a été fait sur la base d'un « projet de loi mixte à moitié proportionnelle et à moitié majoritaire » – rejoignant ainsi la formule mixte préconisée par le CPL. Une source proche de la maison du centre rectifie quelque peu le tir à L'OLJ : cette source confirme que « le principe du scrutin mixte dicte le débat actuel », mais elle veille à rappeler, en réponse à une question, que le courant du Futur avait été « le premier à défendre ce principe » en présentant conjointement avec les Forces libanaises et le Parti socialiste progressiste une proposition de loi selon la formule de 60 % au scrutin majoritaire, et 40 % sur base de la proportionnelle.

C'est donc sur le terrain du scrutin mixte que l'on doit pouvoir cerner l'ébauche d'un compromis possible entre le courant du Futur et le CPL sur la loi électorale. Le camp de Baabda contribue d'ailleurs à renforcer cette impression de compromis en gestation. En effet, c'est précisément depuis que le président de la République a déclaré il y a un peu plus d'une semaine, au ministre de l'Intérieur, son refus de signer le décret de convocation des instances électorales, que l'option de scrutin mixte a intégré le discours du CPL. Le député Alain Aoun est allé même jusqu'à dire hier que « si cette formule ne réussit pas, ce serait un retour à la case départ. Et il nous faudra alors examiner une nouvelle loi ».

 

(Lire aussi : Loi électorale : ce que serait un scrutin conforme à la volonté de Bassil...)

 

Les questions qui se posent dès lors sont les suivantes : ce prétendu compromis autour du scrutin mixte a-t-il des chances d'aboutir, ou sert-il uniquement à sauver la face du régime actuel en anticipant un nouveau report du scrutin – ce qui expliquerait peut-être la volonté de Gebran Bassil de marquer le coup en divulguant une formule mixte qui a fini par lui être associée ? Cela suffira-t-il pour autant à justifier un nouveau report du scrutin, sans que Baabda ne cille ? Ou bien est-ce que la divulgation d'un texte qui consacre, d'une manière presque caricaturale, les monopoles identitaires (notamment chrétiens) et sabote, au nom du partenariat, la représentativité du Parti socialiste progressiste, a-t-elle un autre objectif que celui de feindre une volonté d'élaborer une nouvelle loi ?
L'on retiendra deux objectifs sur lesquels spéculent des milieux politiques : celui de hausser les enchères dans le cadre des négociations pour inciter le courant du Futur à plus de compromis ; ou celui – plus dangereux – d'attiser les tensions communautaires au point d'imposer les options les plus controversées, qui seraient non plus le report des législatives, mais carrément une révision de tous les mécanismes constitutionnels.
Et c'est à travers cette seconde lecture que pourraient se justifier les tentatives flagrantes de marginaliser le Parti socialiste progressiste. Des tentatives qui, si elles aboutissent, risquent de « provoquer une nouvelle guerre », n'a-t-on de cesse de répéter.

 

(Lire aussi : Les petits pas des FL en direction du Hezbollah...Le décryptage de Scarlett Haddad)

 

Ne cédant pas à la provocation, le parti joumblattiste multiplie ses concertations, dans une perspective qui semble aller en dépassement du dossier électoral pour toucher à l'équilibre des forces dans le pays.
Une délégation du Rassemblement démocratique, emmenée par le député Akram Chehayeb, et composée notamment des députés Waël Bou Faour et Henri Hélou, a ainsi été reçue hier à Saïfi par le chef des Kataëb, le député Samy Gemayel. « Qui a donné le droit au comité quadripartite de décider du sort des autres parties du pays ? » s'est interrogé M. Chehayeb, dénonçant « le ton hautain et la volonté d'éliminer les autres s'ils le peuvent, apparus dans ce qui nous est parvenu du projet de loi électorale ». « Ce projet condamnable n'a rien à voir avec l'équilibre, ni la juste représentation, ni l'uniformisation des critères (...). Il ne correspond à aucun égard à notre code politique », a-t-il ajouté, tout en préconisant « le dialogue et le travail commun pour une loi qui convienne à tous ».

Parallèlement à la rencontre de Saïfi, le ministre Youssef Fenianos, délégué par le député Sleiman Frangié, a été reçu hier par le député Michel Murr. « Notre position est une : nous refusons la formule mixte proposée par le tandem chrétien (CPL-FL) », a déclaré M. Fenianos à notre correspondante Hoda Chédid. Sachant que les Marada ont pourtant été avantagés par le projet en question (qui prévoit le scrutin majoritaire intégral au niveau de Zghorta), leur hostilité à son égard ne peut se justifier que sur un terrain autre que celui de la loi électorale stricto sensu. C'est ce que confirmera indirectement M. Fenianos en révélant les craintes que « le tandem chrétien ne veuille, par ses deux poids, deux mesures resserrer l'étau sur les autres en vue de la prochaine présidentielle ».
C'est dire en somme tout ce qui se joue sous le couvert d'une prétendue réforme électorale...

 

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Plusieurs ambiguïtés entourent la genèse de la nouvelle loi électorale. Elles résultent avant tout de l'opacité des concertations, restreintes au comité quadripartie (courant du Futur-Amal-Hezbollah-Courant patriotique libre). Des éléments disparates d'un projet de scrutin mixte défendu par le CPL sont les seuls à avoir filtré. Une fuite qui a suffi à mécontenter les parties non...

commentaires (4)

FAUT BEAUCOUP D,EXPERTS TAILLEURS POUR COUDRE CE COSTUME MULTI DIMENSIONNEL... OU LES JAMBES ET LES BRAS S,ENCHEVETRENT...

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 10, le 01 février 2017

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Commentaires (4)

  • FAUT BEAUCOUP D,EXPERTS TAILLEURS POUR COUDRE CE COSTUME MULTI DIMENSIONNEL... OU LES JAMBES ET LES BRAS S,ENCHEVETRENT...

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 10, le 01 février 2017

  • C'est la Jungle c'est des tailleurs demodes decident de notre pays...des points d'interrogatios s'imposent ?????

    Soeur Yvette

    17 h 48, le 31 janvier 2017

  • LES QUELQUES MILLIONS DE LIBANAIS DE L ÉTRANGER AURONT ILS LEURS PLACES ET LE DROIT DE REPRÉSENTATION DANS LES NOUVELLES LOIS ÉLECTORALES DE LEUR MÈRE PATRIE AJUSTÉES PAR CERTAINS TAILLEURS DÉMODÉS OU NE RESTERONT ILS CONSIDÉRÉS QU UNE SIMPLE TIRELIRE OU MACHINE A FRIC POUR LEUR PAYS D ORIGINE ......

    Menassa Antoine

    13 h 39, le 31 janvier 2017

  • Impératif et VITAL pour l avenir Du Pays que les dates des élections législatives aient lieu à Échéance et sans report .... Avec le respect que je leur dois , Que ceux qui Tentent aujourd'hui de modeler ou moderniser le système Électoral qui convienne à leur taille,sachent,qu ils auront Bon Jongler et Tailler ... Le peuple s exprimera librement a sa manière , ce qu aucun système ne pourra influencer.Scrutins proportionels ou majoritaires , 60 ou 2017 .... Le RAS LE BOL L emportera et ce Sera le Raz De Maree (TSUNAMI) tant Attendu ... Certains oublient que lors des dernières élections législatives d il y a dix ans environs Communication Réseaux Sociaux Internet n étaient pas encore de Mise..A bon entendeur Salut...

    Menassa Antoine

    13 h 34, le 31 janvier 2017

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