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Liban - La situation

Loi électorale : le projet des inégalités ?

Le ministre Gebran Bassil, accompagné notamment par le ministre César Abi Khalil (à gauche) et le député Alain Aoun (à droite), reçu au siège de la communauté chaldéenne par l’évêque Michel Kassargi (au centre). Photo ANI

Aucune entente formelle sur une nouvelle loi n'a résulté de la réunion au siège du ministère des Finances, vendredi dernier, entre les représentants respectifs du mouvement Amal (Ali Hassan Khalil), du Hezbollah (Ali Fayad), du courant du Futur (Nader Hariri) et du Courant patriotique libre (Gebran Bassil). « Les parties ont convenu de faire preuve d'ouverture en faveur d'une entente potentielle. Néanmoins, aucun projet n'est convenu pour l'heure, et tout l'enjeu actuel est de parvenir à concilier les besoins de toutes les parties et de toutes les régions. Tous les projets sont encore de mise », affirme à L'Orient-Le Jour une source qui a suivi de près cette réunion, qui dénonce les « spéculations médiatiques provoquées par la fuite d'un projet de loi qui aurait été prétendument approuvé, alors qu'il n'en est rien ».

La source faisait ainsi référence à un projet dont des éléments constitutifs ont filtré en fin de semaine, probablement à l'initiative du chef du CPL, Gebran Bassil, qui l'aurait d'ailleurs défendu lors de la réunion. Ce projet prévoit une répartition égalitaire entre scrutin majoritaire et scrutin proportionnel (64 députés élus à la majoritaire, au niveau du caza, 64 à la proportionnelle, au niveau des mohafazats). Néanmoins, cette répartition entre les deux modes de scrutin paraît pour le moins inégalitaire.

Le scrutin majoritaire serait en effet prédominant dans les cazas à majorité chrétienne, et la proportionnelle dans les cazas mixtes ou à majorité musulmane, rapportent des sources informées des contours du projet en question. Ainsi, le scrutin majoritaire s'appliquerait aux huit sièges du Metn dans leur intégralité, mais aussi à quatre des cinq sièges du Kesrouan et aux deux sièges chrétiens de Jbeil (c'est-à-dire à l'exception du siège chiite). En revanche, le caza de Baabda, à caractère mixte chiite-chrétien, verrait l'ensemble de ses députés élus à la proportionnelle. Ce serait le cas aussi de Zahlé.

(Lire aussi : Geagea : une nouvelle loi électorale mixte pour bientôt)

D'un point de vue strictement juridique, se pose la question – que soulève d'ailleurs l'ancien ministre Ziyad Baroud à L'OLJ – de savoir « quels paramètres objectifs » dictent la répartition faite entre proportionnelle et majoritaire à l'échelle des cazas et des mohafazats. Il donne ainsi l'exemple du mohafazat du Mont-Liban, qui inclut les cazas de Baabda, du Metn, du Kesrouan et de Jbeil. L'ensemble des citoyens de ce mohafazat éliraient à la proportionnelle les six députés de Baabda, un député du Metn et un du Kesrouan (sur base de listes communes) : pourquoi est-ce que Baabda, par exemple, devrait être privée d'élire un député élu au scrutin majoritaire à l'échelle du caza ? s'interroge M. Baroud, pourtant favorable à la proportionnelle intégrale, mais qui rappelle que la loi mixte élaborée par la comité Fouad Boutros obéissait à des paramètres objectifs techniques.

Pour l'instant, le seul critère évoqué par les milieux du CPL est celui « de l'élection au scrutin majoritaire de tout député issu d'une communauté représentée à plus de 66 % dans le caza en question ». Un critère dont l'origine laisse plus d'une source politique perplexe.

Pour une source indépendante, ce paramètre accompagne le projet du tandem CPL-FL de « consacrer son hégémonie sur l'électorat chrétien à deux niveaux : d'abord en mettant à l'écart les autres partis politiques et les indépendants dans les régions à majorité chrétienne ; ensuite, en phagocytant les leaderships des autres communautés chrétiennes, comme si celles-ci ne faisaient qu'une avec les maronites ». Une velléité dont ne se cache pas d'ailleurs le ministre Gebran Bassil. Il aurait donc divulgué le projet en question. « Tout ce que nous entreprenons aujourd'hui au niveau de la loi électorale (...) vise à abolir la pluralité des communautés chrétiennes : les chrétiens doivent former une seule communauté, sans distinction aucune, sauf au niveau de la fonction publique, l'enjeu étant d'éviter que les chrétiens ne paient le prix de leur pluralité et de leur disparité territoriale », a-t-il déclaré hier, lors de sa visite au siège de la communauté chaldéenne, où il a été reçu par l'évêque Michel Kassargi, en présence du ministre César Abi Khalil et des députés Nagy Gharios, Hikmat Dib et Alain Aoun.

Comme si la pluralité, source vive de la démocratie dont les chrétiens étaient pionniers, devenait condamnable, comme le constate une source indépendante proche du courant du Futur. « Désormais, c'est au modèle hégémonique qu'ils semblent aspirer », ajoute-t-elle. Ainsi revêt toute sa portée le précepte formulé hier par le chef de l'État sur la chaîne française LCI : « Si le président le fait, il faut que le reste obéisse. »

Le projet ayant filtré indique en tout cas qu'une uniformisation de la scène chrétienne irait de pair avec la monochromie chiite, assortie d'une volonté d'affaiblir en contrepartie le Parti socialiste progressiste (PSP), le courant du Futur – et peut-être aussi le mouvement Amal au niveau de certains sièges. Selon des informations du site al-Modon, le scrutin majoritaire ne serait maintenu qu'au niveau d'un siège druze aussi bien dans le Chouf (huit sièges) qu'à Aley (cinq). De plus, c'est une mixité égalitaire entre majoritaire et proportionnelle qui serait envisagée aussi bien dans Beyrouth I (fondamentale pour Saad Hariri) que pour les six sièges chiites dans la Békaa (zone d'influence du Hezbollah) : la proportionnelle menacerait le courant du Futur sur son terrain, sans risquer d'égratigner le parti chiite dans ses régions. En outre, même si le scrutin majoritaire serait maintenu à Saïda (trois sièges) et à Minyé-Denniyé (deux sièges), il ne le serait à Tripoli que pour trois des cinq sièges sunnites, les deux autres, les sièges alaouite et orthodoxe, et les trois maronites seraient laissés à la proportionnelle.

(Pour mémoire : La formule mixte de plus en plus probable...)

 

La réponse d'Ahmad Hariri
Ce projet de loi n'a pas provoqué de réaction frontale de la part du PSP. Sur Twitter, le député Walid Joumblatt a appelé au « calme et au dialogue, au lieu (des attitudes) de mise à l'écart et de marginalisation (en vue d'une) nouvelle loi électorale conforme à Taëf ». Selon nos informations, une délégation du Rassemblement démocratique doit se rendre aujourd'hui à Saïfi et prévoit de se rendre à Bnechii. Le but en serait de tempérer « la voracité » du camp CPL-FL, selon le terme d'une source indépendante.

C'est en revanche à des échanges à fleurets mouchetés que s'est livré le secrétaire général du courant du Futur, Ahmad Hariri, avec Gebran Bassil. Convié samedi à déjeuner par Ali Tleiss, membre du Conseil supérieur chiite, M. Hariri a estimé que « le paramètre de la loi électorale doit être unifié à tous, sans quoi il n'y aurait pas de nouvelle loi électorale ». Le lendemain, Gebran Bassil a affirmé à l'église Mar Mikhaël, devant un parterre de personnalités du CPL et du Hezbollah, que le CPL entend « abattre les murs » avec le courant du Futur comme il l'avait fait avec les FL et le Hezbollah. Il a néanmoins souligné, sur un ton de défiance, que « le partenariat pour nous ne se limite pas à la présidentielle, et ceux qui pensent avoir acheté notre silence en nous donnant la présidentielle ont tort ». Cela ne lui vaudra qu'une réponse implicite de M. Hariri en marge des élections internes du courant du Futur au Biel : « Le courant qui a mis un terme à la vacance présidentielle n'acceptera pas qu'un nouveau vide s'instaure. »
Des propos plutôt défensifs qu'offensifs, qui alimentent les craintes de certains d'une nouvelle « compromission de Saad Hariri » sur la loi électorale, en dépit des risques en jeu.

Entre-temps, le courant du Futur continue d'être ménagé par Baabda. Des sources citées par notre correspondante Hoda Chedid dirigent leurs foudres sur le PSP en épargnant le courant du Futur. « Ce n'est pas le président Aoun, mais Walid Joumblatt qui exerce une unilatéralité » au niveau de la loi électorale, affirment ces sources. Confiants que la mouture véhiculée par Gebran Bassil définira la nouvelle loi, elles n'écartent pas l'option d'un léger remaniement en faveur de M. Joumblatt. Des propos que les milieux du PSP préfèrent s'abstenir de commenter.

 

Lire aussi

Les petits pas des FL en direction du Hezbollah..., le décryptage de Scarlett Haddad

Michel Sleiman : La formule mixte est un camouflet au principe de l'égalité

 

Focus loi électorale

Loi électorale (I) : Une réforme pour quoi faire ?

Loi électorale (II) : La proportionnelle est-elle le remède ?

Loi électorale (III) : Uninominale, mode hybride et autres mixtures...

Loi électorale (IV) : Le découpage, clé de la représentation chrétienne

Aucune entente formelle sur une nouvelle loi n'a résulté de la réunion au siège du ministère des Finances, vendredi dernier, entre les représentants respectifs du mouvement Amal (Ali Hassan Khalil), du Hezbollah (Ali Fayad), du courant du Futur (Nader Hariri) et du Courant patriotique libre (Gebran Bassil). « Les parties ont convenu de faire preuve d'ouverture en faveur d'une entente...

commentaires (1)

A quoi servent tous ces bavardages et ses babillages électoraux puisqu'on nomme ministres des recalés aux élections, des antiques parlementaires et des individus de la société civile qui n'avaient jamais affronté le suffrage universel ?

Un Libanais

16 h 11, le 30 janvier 2017

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Commentaires (1)

  • A quoi servent tous ces bavardages et ses babillages électoraux puisqu'on nomme ministres des recalés aux élections, des antiques parlementaires et des individus de la société civile qui n'avaient jamais affronté le suffrage universel ?

    Un Libanais

    16 h 11, le 30 janvier 2017

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