Douze millions d'euros, c'est la somme que l'Union européenne vient de verser pour poursuivre la reconstruction de Nahr el-Bared. Cette somme vient s'ajouter aux 44 millions d'euros que l'Europe a déjà versés depuis la fin de la guerre qui avait opposé dans ce camp, lors de l'été 2007, l'armée libanaise au groupe jihadiste Fateh el-islam.
La chef de délégation de la Commission de l'Union européenne au Liban, Christina Lassen, a effectué, hier, une tournée au Liban-Nord, qui a englobé le camp palestinien de Nahr el-Bared, toujours en construction neuf ans après la fin du conflit, ainsi qu'un site à Beddaoui qui abrite des conteneurs renfermant les derniers résidus de carburant qui avait pollué le littoral durant la guerre de juillet 2006.
Dans un entretien avec L'Orient-Le Jour, Mme Lassen, qui rend pour la première fois visite au camp de Nahr el-Bared, a rappelé que « l'Europe, qui tient à la stabilité de la région, est l'un des plus grands donateurs de l'Unrwa. Si le camp de Nahr el-Bared a pris autant de temps pour être reconstruit, c'est parce que nous sommes en train de rebâtir toute une ville. Ce n'est pas uniquement une maison ou deux qu'on reconstruit mais des quartiers entiers avec des immeubles, des magasins, des épiceries, des restaurants et des écoles », a-t-elle dit en réponse à une question. « Il faut aussi noter que les dons n'arrivent plus comme avant. Les crises dans le monde, avec leurs lots de réfugiés, mobilisent actuellement la communauté internationale (beaucoup plus que le dossier des réfugiés palestiniens) », a-t-elle poursuivi, appelant les pays riches de la région à verser les fonds nécessaires à la reconstruction de Nahr el-Bared.
Interrogée sur le projet visant à débarrasser le Liban de ses derniers résidus de fuel provoqués par la marée noire de 2006, elle a indiqué qu'avec « ce projet, qui s'achèvera en mars 2017, l'un des chapitres relatifs aux séquelles de la guerre de 2006 est clos ».
Mme Lassen a rappelé enfin que « l'Europe tient à la sécurité et à la stabilité du Liban. Nous soutenons le pays et ses institutions, notamment ses forces armées déployées aux frontières », a-t-elle dit.
La tournée d'hier a commencé donc par une visite de Nahr el-Bared. La délégation conjointe de l'Union européenne et de l'Unrwa a été accueillie à l'entrée du camp par des réfugiés mécontents, vivant toujours dans des logements provisoires en attendant le retour dans leurs quartiers.
« Le camp a été divisé en plusieurs parcelles. Trois d'entre elles ont été reconstruites. Aujourd'hui, uniquement 2 200 des 5 000 familles qui résidaient dans le camp sont rentrées chez elles », explique Abel Piqueras Candela, responsable des programmes relatifs aux secteurs éducatifs et sociaux au sein de l'Union européenne.
La reconstruction de Nahr el-Bared a été estimée à 345 millions de dollars, dont 239,4 millions de dollars ont été dépensés, a-t-il précisé.
(Pour mémoire : Ban au chevet des réfugiés palestiniens et syriens dans le Nord et la Békaa)
Des logements plus petits
À la demande de l'armée libanaise et pour des raisons de sécurité, les rues ont été agrandies et les immeubles ont été construits sans balcons et cela pour que la troupe puisse intervenir rapidement et facilement en cas de conflit. Ce sont des habitations moins spacieuses qui ont été donc remises aux réfugiés palestiniens, qui avaient également construit illicitement au fil des années ayant suivi leur arrivée au Liban et cela dans le but de loger leurs familles qui s'élargissaient.
Et pourtant, ces habitations plus petites ne déplaisent pas à certains. « Nous habitions dans des taudis. Là tout est neuf. Les rues sont plus spacieuses. À certains endroits avant 2007, il nous était impossible d'avoir un cortège funèbre quand une personne décédait ; les rues ne nous permettaient pas de marcher avec une civière ou un cercueil. Et on transportait le mort sur une chaise, plus facile à manier dans les ruelles étroites », note une femme. « Tout a changé pour nous », lance une autre, ajoutant que « ce sont nos voisins, les mêmes qui étaient là avant la guerre, qui nous rendent la vie supportable dans ce camp nouvellement construit ».
En octobre dernier, l'Union européenne a versé donc 12 millions d'euros, l'Allemagne 15 millions et l'Italie 1,2 million pour construire une partie d'une parcelle du camp. Les habitations devraient être livrées en 2018. En 2019, 70 % des habitants de Nahr el-Bared devraient être rentrés chez eux.
C'est donc une foule furieuse qui a accueilli à Nahr el-Bared la délégation conjointe de l'Union européenne et de l'Unrwa. L'agence onusienne mise en place pour venir en aide aux réfugiés palestiniens a eu droit à un lot d'insultes. Créée en 1949, l'Unrwa manque de plus en plus de fonds.
Dans un entretien avec L'Orient-Le Jour, Hicham Chehwan, le directeur par intérim de l'Unrwa au Liban, a expliqué que « l'aide est plus réduite parce que le nombre de réfugiés est en croissance. Au Liban, on procède à un nouveau recensement actuellement mais le nombre de réfugiés enregistrés auprès de l'Unrwa s'élève à 450 000 personnes ».
(Pour mémoire : Journée ludique pour des petits orphelins à l’initiative du contingent italien de la Finul)
Les séquelles de 2006
Cap ensuite sur Beddaoui, sur des terrains appartenant à la raffinerie de l'IPC. C'est ici que des conteneurs renfermant des déchets imbibés de fioul, depuis la guerre de 2006, sont stockés.
« Le gouvernement libanais a estimé à deux millions de dollars la dernière opération relative aux séquelles de la marée noire de 2006. L'Union européenne a versé 1,2 million d'euros pour cette opération. Les conteneurs renfermant des déchets solides, notamment du sable, des galets et du plastique imbibés de fioul ont été stockés dans trois endroits au Liban, à savoir Tripoli, Jiyé et Zahrani. Des conteneurs renfermant du fioul liquide en provenance de la marée noire sont stockés à la centrale d'EDL à Zouk. C'est une entreprise grecque qui a remporté l'appel d'offres ; elle se chargera de sécuriser les conteneurs afin d'éviter une pollution du sol, de les transporter en mer afin que ces déchets soient traités et recyclés dans des usines en Grèce et à Chypre. Ils seront utilisés dans la fabrication de ciment », a expliqué de son côté à L'OLJ Cyril Dewaleyne, responsable des programmes relatifs au développement durable au sein de la Commission européenne au Liban.
À Beddaoui, la délégation européenne a été accueillie par le ministre de l'Environnement, Mohammad Machnouk.
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