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Liban - Tribune

Le président fort

Le président fort est celui qui sera élu de manière constitutionnelle et démocratique à la majorité absolue des membres de la Chambre, et non celui qui sera nommé, dans les sphères opaques, de manière autoritaire et occulte, quoi que tentent de nous faire croire ceux qui s'y proposent.

Afin d'empêcher que le processus électoral établi par la Constitution n'aboutisse à l'élection d'un président fort, ils évitent à tout prix d'accepter le quorum que celle-ci fixe à la majorité absolue des membres de la Chambre (65 députés minimum).
Que peut donc apporter ce quorum de la majorité absolue à l'élection présidentielle, ainsi qu'à la vie politique, pour qu'ils veuillent tant le passer sous silence ?
En premier, il va sortir le siège de la présidence du marasme et de l'opacité d'un consensus annoncé et perverti par la compromission qui permet à tout un chacun de mettre une main polluante à la pâte, de poser des conditions rédhibitoires et des veto insurmontables, afin qu'à bout de souffle, l'usure finisse par rejeter sur le siège en question une personne de son cru.
Il va aussi arrêter cette comédie de mauvais goût qui porte en elle les germes de la suspicion, à l'instar de toute nomination massive, déguisée en vote, qui n'émane pas d'une volonté et d'une pratique démocratiques. Par contre, il placera l'échéance présidentielle dans son contexte constitutionnel, celui d'une élection réelle du chef de l'État.
Ce quorum de la majorité absolue des membres va ainsi créer une dynamique électorale faite de tractations, de négociations, d'alliances, de coalitions et d'émulation démocratiques qui vont aboutir à une élection non seulement générée par une volonté libanaise, mais qui va surtout permettre à une majorité parlementaire de s'exprimer par le vote et de faire aboutir son candidat.
Cette élection démocratique à la majorité absolue des membres de la Chambre sera la base et l'essence même des prérogatives présidentielles. Il est vrai qu'un candidat élu devient le président de tous les Libanais ; mais il est tout aussi vrai qu'un président bénéficiant d'une majorité parlementaire aura le soutien nécessaire pour véhiculer sa vision nationale à travers des projets de loi qui auront droit de cité.
Par contre, en insistant sur le quorum des deux tiers, on accorde à une petite minorité d'un tiers des députés plus un (43 députés) non seulement le droit de bloquer l'élection présidentielle durant deux ans, déjà, mais surtout la (quasi-)certitude d'amener un président faible en bout de course. Un président qui serait probablement élu par plus de 120 députés, mais dont ces derniers feraient fi, hormis les nécessités de la parade.
Contrairement à ce qu'on nous fait miroiter, le quorum des deux tiers ne fait que prendre les Libanais en otages, pour les livrer en fin de compte à une triste mascarade mise en scène a l'étranger, par des étrangers. Alors le président, neutralisé, privé du parcours qui détermine son action, n'aura que le privilège d'avoir son nom gauchement proclamé en séance plénière.
Toutefois, il serait intéressant de noter les prouesses exercées par les uns et les autres pour se convaincre eux-mêmes de la branlante théorie des deux tiers.
Prenons par exemple la (fausse) logique sur laquelle on a fondé le quorum des deux tiers des membres de la Chambre pour faire élire le chef de l'État. Afin d'étayer cette théorie, on a rattaché le quorum à la condition de vote au premier tour, fixée aux deux tiers dans l'article 49 de la Constitution. Vu qu'on a établi cette relation de cause à effet entre quorum et condition de vote, pourquoi alors ne l'a-t-on pas maintenue aux tours suivants où le vote doit avoir lieu à la majorité absolue des membres (65 députés minimum) ?
Qu'en est-il aussi de la pernicieuse interprétation de l'article 49 ? Celui-ci préconise que le chef de l'État est élu à la majorité des deux tiers de l'Assemblée parlementaire au premier tour et se suffit de la majorité absolue (de cette Assemblée) aux suffrages suivants.
Il est cependant clair que la majorité des deux tiers au premier tour est une condition de vote (nombre de votants nécessaires pour qu'une élection soit valable) et non une exigence de quorum (nombre de membres qu'une assemblée doit réunir pour que sa tenue soit valide).
Quant au quorum, la Constitution l'a établi, dans son article 34, à la majorité des membres qui composent l'Assemblée.
Dans une seule et unique situation la Constitution exige le quorum des deux tiers et elle l'énonce clairement : quand il s'agit d'amendement de la Constitution, l'article 79 exige les deux tiers « aussi bien pour le vote que pour le quorum ».
Aurait-il souhaité le quorum des deux tiers pour l'élection présidentielle, le législateur aurait pu recourir à la même formulation que celle utilisée dans l'article 79.
Par ailleurs, la première version de l'article 49, modifiée en 1927, nous éclaire concernant la volonté du législateur. Elle stipulait que « le président de la République est élu à la majorité des deux tiers des suffrages au premier tour ». Il est par conséquent évident qu'il s'agissait d'une condition de vote et rien que cela.
Que devrait-on donc faire ?
L'Assemblée s'est transformée, depuis qu'elle s'est réunie pour élire le chef de l'État le 23 avril 2014, en un collège électoral, une sorte de « conclave ». Par conséquent, non seulement elle n'est plus autorisée à légiférer sous n'importe quel prétexte, mais aucune délibération ou autre action ne lui est permise à part celle d'élire le chef de l'État.
Par contre, les commissions parlementaires peuvent être convoquées pour délibérer en commissions conjointes afin de voter une recommandation, celle d'adopter le quorum requis de la majorité absolue des membres pour l'élection présidentielle, qui sera dûment communiquée au bureau de la Chambre.
Aurait-il fallu, à l'origine, insérer dans l'article 49 une clause incitative ou même punitive prônant la dissolution de plein droit de la Chambre en cas de non-élection du président dans les délais ?
Aurait-on pu le prévoir ?
D'autres temps. D'autres mœurs.

*Salah Honein est avocat, constitutionnaliste et ancien député.

 

 

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Le président fort est celui qui sera élu de manière constitutionnelle et démocratique à la majorité absolue des membres de la Chambre, et non celui qui sera nommé, dans les sphères opaques, de manière autoritaire et occulte, quoi que tentent de nous faire croire ceux qui s'y proposent.
Afin d'empêcher que le processus électoral établi par la Constitution n'aboutisse à l'élection...

commentaires (2)

MONSIEUR SALAH HONEIN VOUS DISEZ TRES BIEN LES CHOSES... MAIS A -QUI- LES DISEZ-VOUS ? LE CARNAVAL SE DEROULERA COMME D,HABITUDE...

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 23, le 27 avril 2016

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Commentaires (2)

  • MONSIEUR SALAH HONEIN VOUS DISEZ TRES BIEN LES CHOSES... MAIS A -QUI- LES DISEZ-VOUS ? LE CARNAVAL SE DEROULERA COMME D,HABITUDE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 23, le 27 avril 2016

  • Salah Honein est le digne fils de son père Edouard Honein, l'un des hommes politiques les plus honnêtes et les plus compétents que le Liban ait connus.

    Un Libanais

    12 h 09, le 27 avril 2016

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