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Liban - Tribune

Politique, autorité et éthique pour faire naître l’espoir

La politique, c'est la gestion d'un territoire, la direction de son peuple et de ses institutions, ce que nous appelons aujourd'hui un État. Elle est aussi l'influence que l'on exerce sur la gestion de l'État.
La politique représente donc un aspect fondamental de la vie humaine. Elle s'organise en un ensemble de procédés du pouvoir destinés à éliminer, résorber ou résoudre les conflits intérieurs et extérieurs, assurer une gestion saine des affaires publiques, garantir une bonne gouvernance à tous les niveaux des institutions et assumer un développement fiable dans la durée.


Les fondements de la légitimité des groupements politiques, qui avaient historiquement précédé l'État, reposaient sur le pouvoir traditionnel que les seigneurs terriens exerçaient, ou sur le dévouement des sujets à une personne à laquelle on attribuait des qualités prodigieuses. Ces fondements ont été graduellement remplacés par un autre mieux adapté aux nouvelles aspirations, sous forme d'une autorité qui s'impose par la validité de son statut légal, ainsi que celle de la compétence rationnelle des membres qui la constituent. Cette autorité devra s'acquitter des obligations qui lui sont conférées selon le statut établi.
Ainsi, on aura remplacé l'obéissance en vertu de la foi par l'obéissance en fonction de la loi.


Par ailleurs, l'évolution humaine n'accepte plus le conditionnement de l'obéissance par la violence, la peur ou la domination. Cette évolution est désireuse de voir l'obéissance non seulement commandée par la loi, mais aussi gouvernée par l'espoir, afin qu'elle devienne un acte volontaire qui s'inscrit dans l'épanouissement des femmes et des hommes et dans la prospérité de leurs sociétés.
Toute personne qui fait de la politique aspire au pouvoir ; soit qu'elle le considère comme une voie nécessaire pour réaliser des objectifs nobles, soit qu'elle le veut pour assouvir des désirs personnels égoïstes et bénéficier des privilèges qu'il confère.
La société politique libanaise actuelle a vite fait d'écarter le travail responsable consistant à élaborer la loi, l'appliquer et susciter l'espoir par le biais d'une gouvernance éclairée, d'une gestion méthodique et d'une direction assidue.
En effet, la société politique a vite découvert les formes multiples dans lesquelles s'exerce le pouvoir, sans pour autant s'intéresser à la finalité de son usage, bonne ou mauvaise. À la place, elle a consacré la lutte pour le pouvoir : chacun désire les avantages que son détenteur en retire ; richesses, considération et toutes sortes de satisfactions médiocres et mercantiles.


Résultat, ce qui est généralement offert par la classe politique est une technique pour la conquête d'un pouvoir désacralisé. On en revient à la question jadis posée par Socrate : « La simple volonté de conquérir le pouvoir en vue de la satisfaction des désirs, définit-elle un but à l'action politique ? »
Elle en est parfaitement incapable ! Car les désirs des individus sont, par essence, contradictoires et ne peuvent que conduire à des luttes intestines et la destruction de l'unité. Alors que le principal bien de l'État est son unité, qui ne saurait être préservée qu'en plaçant l'intérêt général au-dessus de tout intérêt particulier, ou même de groupe. L'unité est aussi préservée par un débat serein et structuré, qui révèle et écarte les préjugés dogmatiques des uns et des autres, ce faux savoir qui tend vers le radicalisme et exacerbe tensions et divisions.


D'ailleurs, le radicalisme ne s'oppose pas seulement à l'unité, mais aussi à la culture libérale. Plus grave encore, il détruit l'humain en nous. Il en est même la négation. Car, en politique, il ne faut jamais perdre de vue que l'objectif ultime demeure la personne humaine. Ainsi, c'est l'humanité de toute action ou décision politique qui en détermine la justesse. Rabelais prévenait déjà que « science sans conscience n'est que ruine de l'âme ».
Peut-on transposer et affirmer que politique sans éthique n'est que ruine de l'État ? Sans aucun doute. Car elle se transforme en opportunisme et affairisme, qui ne sont que matière à décomposition de toute structure étatique.
Aussi, faire de la politique ne peut se réduire à exercer un pouvoir par la force. Rousseau avait bien constaté : « Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours le maître, s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en devoir. »


D'où l'aspect moral de la politique qui exige, pour atteindre ses objectifs, des valeurs dont la propagation est bien plus utile et durable que l'expansion d'une force brutale et éphémère.
En effet, l'exercice de la politique nécessite une autorité qui ait l'aptitude à se faire respecter et obéir, par opposition à la domination qui ne peut faire appliquer ses décisions que par la force.
Or, pour avoir cette autorité politique, des règles de conduite doivent être respectées. Elles doivent se ramener à un souci permanent de liberté, de justice, de probité, de transparence, de démocratie, de droits de l'homme, de dialogue, de tolérance et d'obligation de résultats.


Par ailleurs, l'éthique en politique est indispensable pour mettre en évidence le fait qu'il est possible d'avoir de meilleurs liens entre gouvernants et gouvernés, que ce soit par la qualité des discours politiques, par la volonté de faire participer plus activement la société civile à l'entreprise politique et, aussi, par un rendement politique meilleur qui se répercute positivement sur les résultats escomptés.
Car l'éthique concerne, justement, les pratiques politiques quant à la qualité du travail rendu. Un député, par exemple, se doit de remplir pleinement son rôle au Parlement : assister et participer aux commissions parlementaires et aux assemblées plénières, légiférer, étudier le budget et y apporter les modifications nécessaires, contrôler l'action du gouvernement, et, faut-il bien le rappeler, accomplir le devoir éthique et moral d'élire un président de la République selon le mécanisme clairement établi par la Constitution ; ce qui aurait dû être fait dans les délais prévus à cet égard, au lieu de s'autoproroger de manière totalement illégale et illégitime !
Aussi, une personne publique doit réaliser que la responsabilité politique n'est pas d'acquérir des privilèges, mais de privilégier le devoir. Elle doit elle-même appliquer la loi et se comporter, dans l'exercice de sa mission, d'une manière qui démontre le respect de l'ordre établi. Les Anglais n'avaient-ils pas affirmé, depuis des siècles, que la loi est l'héritage le plus précieux du roi, car lui-même ainsi que tous ses sujets y sont soumis ? N'aurait-elle pas existé, il n'y aurait eu ni de roi ni d'héritage.


La classe politique doit aussi accepter et comprendre qu'autrui n'est pas soi-même. Autrui n'est pas une « chose » que l'on peut posséder, non plus. Mais encore, il ne faut pas définir autrui par une quelconque caractéristique ou image. Dès l'instant où l'on qualifie autrui par un attribut, qu'on le fait entrer sous un concept, il se dénude de sa personne de citoyen et devient porteur d'étiquette, au contenu qualifié, à laquelle il est confiné et qui le positionne en cible idéale pour des attaques gratuites.


Par ailleurs, serait-il éthique de réduire toute une action politique, tout un projet politique et toute une ambition citoyenne au label d'une seule personne ? Idéalisée, mystifiée ou même divinisée par une propagande systématique qui nous rappelle, sous d'autres cieux et en d'autres temps, ce qu'écrivait le philosophe allemand Martin Heidegger : « Que non pas des thèses et des idées soient les règles de votre être. Le Führer lui-même et lui seul est le présent et l'avenir du peuple allemand. »


Aussi, l'usage de la raison dans les prises de décision politiques est essentiel ; tout comme la prise en compte réfléchie du tissu social, de ses modes de vie, de son patrimoine, de son rôle et de ses aspirations. Ceci en vue de trouver l'harmonie nécessaire et même vitale sur la scène politique afin d'éviter excès, souffrances et injustices.


Tout compte fait, les Libanais sont sujets à une grave crise de confiance quant à la capacité des institutions et des politiciens de comprendre leurs préoccupations, d'incarner leurs ambitions et d'agir sur le réel.
La politique s'estompe si elle n'est pas porteuse d'espérances, de rêves, d'utopies, mais aussi et surtout de résultats concrets. Par conséquent, on constate cet évident désintérêt des Libanais de la « chose publique ». Ils reprochent aux politiciens, à raison, le déclin du discours politique qui devient agressif, improductif et même nocif, l'absence de débat démocratique constructif, ainsi que l'évaporation des normes éthiques restantes, avec laquelle les Libanais voient leur avenir s'éclipser.


Là, une question s'impose. Nos politiciens se rendent-ils compte qu'ils sont élus pour servir les citoyens et non les asservir ?
Mais encore, les citoyens ne sont-ils pas responsables de leurs choix ?
Il faut bien citer ce que disait George Orwell à ce propos, en affirmant que le peuple qui choisit un corrompu, un imposteur ou quelqu'un sans principes n'est pas victime, mais devient complice.
Ce n'est qu'à partir de cette vitale double prise de conscience que le chemin de l'éthique politique saura être entamé, puis pratiqué.

 

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