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Liban - Diplomatie

Mogherini à Beyrouth : L’UE n’a pas demandé au Liban d’intégrer les Syriens à son marché du travail

Mme Mogherini, hier, au cours de sa conférence de presse. Photo Nasser Trabulsi

La visite officielle hier de la haute représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, et vice-présidente de la Commission européenne, Federica Mogherini, a permis de préciser la lecture européenne de la situation au Liban : en dehors du dossier des réfugiés, la crise institutionnelle au Liban pourrait et devrait être réglée indépendamment de la situation en Syrie. Cette visite, la seconde en quelques semaines, a servi surtout à élaborer un plan d'action commune entre le Liban et l'Union européenne autour de trois thèmes : la résolution du conflit syrien, comme prélude au dénouement de la crise des réfugiés aussi bien au Liban qu'en Europe ; le dialogue interreligieux et interculturel, dont le Liban serait un modèle dans la région et pour l'Occident ; et la lutte contre le terrorisme, pris dans le sens des actes de violence perpétrés par des fondamentalistes.

Au Grand Sérail, la diplomate a étudié avec le Premier ministre, Tammam Salam, « une structure commune visant à renforcer la coopération de l'UE et du Liban dans la lutte contre le terrorisme », a-t-elle expliqué. Ce partenariat serait toujours en phase de négociation. D'une manière générale, les échanges ont inclus « tous les moyens par lesquels l'Europe peut aider le Liban à miser sur les facteurs de stabilité en ces circonstances difficiles qu'il traverse ». Dans ce cadre, l'UE envisagerait d'accroître son aide à l'armée libanaise. Les modalités d'appui européen au Liban ont également fait l'objet d'un entretien entre Mme Mogherini et le président de la Chambre, Nabih Berry, à Aïn el-Tiné.
La chef de la diplomatie européenne en a annoncé les contours lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue libanais, Gebran Bassil, au palais Bustros. Les deux responsables ont valorisé l'aide européenne pour la gestion de la crise. S'élevant à 1,5 milliard d'euros et profitant à près de 665 000 réfugiés syriens, il s'agit de l'aide internationale la plus importante versée au Liban.

« L'UE entend renforcer son appui : nous œuvrons ensemble sur le dossier des réfugiés, et plus intensivement qu'il y a un an, surtout après la conférence de Londres », a déclaré Mme Mogherini. L'aide européenne s'orienterait de plus en plus vers « l'augmentation des opportunités de travail aussi bien aux Libanais qu'aux réfugiés syriens », a-t-elle souligné, mais en favorisant l'infrastructure de la société d'accueil. Augmenter les opportunités de travail serait suite à un partenariat économique avec le Liban, sous forme de projets d'investissements et de relance du secteur privé, notamment. En outre, « l'UE n'a adressé aucune demande au gouvernement pour intégrer les Syriens dans son marché du travail, ni pour amender les lois du travail », expliquera la responsable européenne lors d'une conférence de presse au siège de l'UE hier en fin d'après-midi.
C'est avec « grande précaution » que l'UE entendrait améliorer les conditions de vie des réfugiés : il s'agit de « renforcer la résilience de la société d'accueil », sans perdre de vue l'éventualité du retour des réfugiés en Syrie. « Nous réfléchissons sur le long terme », a-t-elle insisté.
Ainsi, Mme Mogherini a critiqué « la référence par des chiffres aux réfugiés », qui occulte leur individualité. « Nous oublions que ces réfugiés sont des hommes qui avaient une vie qu'ils aimeraient récupérer, si possible dans leur pays », a-t-elle souligné.

 

(Lire aussi : À l’ordre du jour de la visite de Ban Ki-moon au Liban : les réfugiés syriens et l’aide à l’armée)

 

Un processus long et difficile
C'est dans cet esprit que l'UE valorise également l'aide à la scolarisation des enfants syriens au Liban, dont elle aurait pris en charge 6 000 jusque-là. « Nous devons faire en sorte que le conflit en Syrie ne fasse pas perdre au pays des générations en termes d'éducation », a-t-elle relevé.
En plus d'avoir rencontré la coordinatrice spéciale des Nations unies pour le Liban, Sigrid Kaag, et le commandant de la Finul, le général Luciano Portolano, la diplomate européenne s'est rendue en journée à Bar Élias, dans la Békaa. Elle a visité un camp de réfugiés improvisé dans le village, ainsi qu'une école publique qui assure des cours du soir aux enfants syriens grâce à l'aide de l'UE.

« Plus je rencontre des réfugiés, et plus je suis convaincue qu'il est de notre responsabilité politique et de notre devoir moral, à nous tous, de concentrer nos efforts sur l'objectif de mettre un terme à la guerre en Syrie », a-t-elle constaté, en insistant sur l'impératif d'œuvrer pour la fin du conflit en Syrie. Évoquant au palais Bustros les pourparlers de Genève, la diplomate a plaidé pour « des efforts communs qui permettent aux différentes parties syriennes d'élaborer ensemble un mécanisme de résolution du conflit. Celle-ci se répercutera alors positivement sur les pays qui accueillent les réfugiés, et précisément le Liban, la Jordanie et la Turquie ». Établir ensuite « les conditions nécessaires pour le retour des réfugiés » promet toutefois d'être « un processus long et difficile », a-t-elle relevé.

Cette lecture diverge de celle du ministre Gebran Bassil. « Nous sommes convaincus que seule une solution politique au conflit préludera à la naissance d'une nouvelle Syrie unifiée et au retour des réfugiés à leur pays. Toutefois, nous considérons que les conditions nécessaires pour leur retour en sécurité pourraient se mettre en place préalablement à la résolution politique du conflit », a-t-il déclaré.
Aux yeux de l'UE, en revanche, s'il est un objectif réalisable au Liban, séparément du conflit syrien, c'est le déblocage institutionnel. Lors de sa conférence de presse au siège de l'Union européenne, Mme Mogherini a précisé que « dans un pays qui fait face à de multiples défis, il est important d'aller de l'avant ». Et « cela est un processus autonome », qui relève strictement des parties libanaises. S'il aboutissait, « il serait accueilli très favorablement par l'UE, dans l'esprit du dialogue et du compromis ». De ses interlocuteurs libanais, elle aurait réussi à recueillir « une confirmation que les municipales se tiendront dans les délais ».

En réponse à une question de L'Orient-Le Jour, Mme Mogherini a affirmé que « le dossier libanais ne fait pas partie des négociations en cours sur une solution en Syrie, quand bien même il est partie prenante à ces négociations ». Elle a écarté l'hypothèse d'un règlement fondé sur la partition qui menacerait la sécurité aux frontières du Liban. « La seule solution sera celle d'une Syrie unifiée, séculaire et plurielle », a-t-elle souligné.
Elle s'est en revanche contentée d'exprimer des vœux pieux pour ce qui est d'un déblocage prochain au Liban. « Il y a toujours un moyen de trouver une solution dans ce pays, qui est en soi un miracle, un modèle de pluralisme et de résilience unique dans le monde. Le Liban a la capacité et la force de toujours trouver une issue, c'est-à-dire une solution acceptée par tous, comme cela est de coutume ici. » Pour elle, « il existe une occasion en or pour toutes les parties (en l'occurrence libanaises) de dialoguer pour trouver des solutions aux crises et conflits auxquels nous faisons face », a-t-elle conclu.

 

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La visite officielle hier de la haute représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, et vice-présidente de la Commission européenne, Federica Mogherini, a permis de préciser la lecture européenne de la situation au Liban : en dehors du dossier des réfugiés, la crise institutionnelle au Liban pourrait et devrait être réglée...
commentaires (3)

ONT-ILS PRIS LE LIBAN POUR L,ALLEMAGNE CAR IL Y A UNE VILLE QUI S,APPELLE BAYREUTH EN BAVIERE ?

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 26, le 22 mars 2016

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • ONT-ILS PRIS LE LIBAN POUR L,ALLEMAGNE CAR IL Y A UNE VILLE QUI S,APPELLE BAYREUTH EN BAVIERE ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 26, le 22 mars 2016

  • A-t-elle demandé si on pouvait trouver du taf aux libanais , au moins ?

    FRIK-A-FRAK

    11 h 38, le 22 mars 2016

  • Une superbe vision technocratique du Staff Européen bien loin de la situation réelle sur le terrain. Et que vont faire ces pauvres exilés sans argent ? CREVER LA BOUCHE OUVERTE ?

    yves kerlidou

    09 h 28, le 22 mars 2016

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