Présidentielle, déchets, criminalité : les voyants rouges s’allument

C'est à dormir debout ! C'est avec un mélange d'indignation et de dégoût que les Libanais assistent à la farce des déchets. Pourquoi cet échec ? Que s'est-il exactement passé avec la société Chinook ? Wi'am Wahhab, qui prétend que c'est une affaire de pots-de-vin, dit-il vrai ? Pourquoi les documents reçus par fax, et dont le CDR avait déclaré qu'il attendait les originaux, ne sont-ils pas arrivés ? Comment se fait-il que l'ambassadeur de Russie ne soit au courant de rien ? Pourquoi l'avocat de la société Chinook s'est-il dessaisi du dossier ? À toutes ces questions, il n'est pas de réponses précises.

Il faut donc se poser de nouvelles questions : Pourquoi ce cafouillage ? Pourquoi des réponses aussi évasives dans ce qui est supposé être des relations entre l'État libanais et les autorités russes, dont l'accord est indispensable pour que l'exportation ait lieu ? Exemple de manque de clarté : certaines des affirmations de Tammam Salam hier soir contredisaient les allégations de l'ambassadeur russe affirmant qu'il n'était au courant de rien. M. Salam assure, lui, que l'ambassadeur lui a confirmé à deux reprises la volonté de son pays d'accueillir les déchets.

Une chose est sûre : si la société Chinook est incapable de produire les documents orignaux attestant qu'elle a l'autorisation d'acheminer vers la Russie les déchets en provenance du Liban, l'accord tombe à l'eau (avec une amende de 2,5 millions de dollars à la clé), et le pays est de nouveau obligé de songer aux décharges. Responsables au départ du blocage de la solution des décharges, des partis comme le Hezbollah préconisent aujourd'hui le retour à cette solution. Retour donc à la case départ. C'est d'autant plus grave que Beyrouth risque bientôt l'asphyxie, en raison de la saturation de la zone de stockage de La Quarantaine.

(Lire aussi  : Exit l'exportation, rebonjour les décharges ?)

Cette même confusion règne dans le domaine de l'élection présidentielle. En fait, on tourne en rond. Pourquoi ne peut-on élire d'office Michel Aoun, s'interrogent Gebran Bassil et le CPL ? Mais si l'on admet avec M. Bassil que le pays légal ne reflète pas le pays réel, qu'est-ce qui va pouvoir corriger ce décalage, sinon une nouvelle loi électorale ? Et qui donc va mettre au point cette nouvelle loi, sinon la présente Chambre, dont on conteste la représentativité ? On se retrouve donc devant cette situation difficilement imaginable, il y a quelques mois, celle d'une rivalité insurmontable entre Michel Aoun et Sleiman Frangié. C'est bien ce qui fait dire à des pythies désabusées que la présidentielle n'est toujours pas pour bientôt. Au passage, signalons que M. Aoun a fêté hier ses 81 ans. Faudra-t-il attendre son prochain anniversaire ?

Ce qui est grave, c'est qu'avec l'absence d'un président et l'affaiblissement de l'autorité centrale, c'est l'anarchie qui peu à peu s'installe. Le nouveau crime public d'Achrafieh, la facilité avec laquelle un homme a été poignardé à mort sans raison est révélatrice du sentiment d'impunité qui règne, faute de sanctions dissuasives, faute d'un appareil judiciaire indépendant et conséquent, faute d'une autorité politique véritable. Pas de doute, les voyants rouges s'allument.

C'est dans cette précarité sécuritaire et politique que baigne le Liban et qu'il continue à « faire semblant » de fonctionner normalement. C'est dans cette conscience qu'une délégation parlementaire quitte demain Beyrouth pour une visite de cinq jours (22-26 février) aux États-Unis, dont le but essentiel est de faire comprendre à l'establishment américain comment fonctionne le secteur bancaire libanais, voire comment fonctionne le Liban, et sa volonté réelle (et ses limites) de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme...

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