La Russie a procédé vendredi pour le troisième jour consécutif à des raids en Syrie, assurant avoir frappé l'Etat islamique (EI), tandis que les Occidentaux appelaient avec insistance Moscou à arrêter de bombarder d'autres groupes opposés au régime de Bachar el-Assad.
"J'ai rappelé au président (Vladimir) Poutine que les frappes devaient concerner Daech et uniquement Daech" (l'acronyme arabe de l'EI), a déclaré le président français François Hollande, qui a discuté de la Syrie avec son homologue russe en marge d'un sommet sur l'Ukraine à Paris.
"Nous avons tous les deux insisté sur le fait que l'EI est l'ennemi que nous devons vraiment combattre", a renchéri la chancelière allemande Angela Merkel, qui a également eu un entretien bilatéral avec Vladimir Poutine.
La Russie, alliée historique du président Bachar el-Assad, effectue depuis mercredi des raids sur la Syrie au nom de la lutte "contre le terrorisme". Mais l'Occident et les pays arabes la soupçonnent de concentrer ses attaques sur les autres opposants au régime syrien, à un moment où Bachar el-Assad semble fragilisé sur le terrain.
Les Russes ne prétendent pas frapper exclusivement l'EI, mais assurent qu'un certain nombre de leurs bombardements ont touché les positions jihadistes. Vendredi soir, le ministère russe de la Défense a ainsi indiqué que six nouvelles frappes avait visé l'EI dans la journée, dans les provinces d'Idlib (nord-ouest) et de Hama (centre). Une source sécuritaire sur le terrain a également signalé des frappes dans ces provinces, où est surtout présent le Front al-Nosra, branche syrienne d'el-Qaëda, qui se bat à la fois contre l'EI et contre le régime syrien.
(Lire aussi : Le chaos syrien ne cesse de s'étendre : acteurs et intérêts s'enchevêtrent)
Le gouvernement russe a en outre révélé qu'un premier raid avait eu lieu jeudi sur la province de Raqqa, fief de l'EI. Ces frappes ont provoqué la mort d'au moins 12 jihadistes, a déclaré l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). L'EI a annulé la prière du vendredi par peur des raids russes, a ajouté cette ONG. Selon une personne originaire de la ville de Raqqa, Abou Mohammad, "les habitants effrayés se terraient dans les caves ou chez eux. L'EI, pour sa part, a coupé l'électricité la nuit quand les avions russes survolaient la ville".
Les Russes, qui ont déployé plus de 50 avions et hélicoptères en Syrie, n'ont pas l'intention d'en rester là. Les raids vont durer "trois à quatre mois" et "s'intensifier", a assuré le président de la Commission des Affaires étrangères de la Douma (chambre basse du Parlement russe), Alexeï Pouchkov.
(Lire aussi : Après les frappes russes, une offensive au sol du Hezbollah et de l’Iran ?)
"Extrémisme et radicalisation"
Pourtant, les Etats-Unis et leurs alliés européens, arabes et turcs ont vivement critiqué l'intervention militaire russe en Syrie, une "nouvelle escalade" qui risque selon eux d'"attiser l'extrémisme et la radicalisation".
"Nous demandons instamment à la Fédération de Russie de mettre immédiatement fin à ses attaques contre l'opposition et la population civile syrienne et de concentrer ses efforts sur le combat contre Daech", est-il écrit dans une déclaration commune des Etats-Unis, du Royaume-Uni, d'Allemagne, de France, d'Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie.
Ce camp refuse d'inclure le président Assad dans une solution politique négociée en raison des exactions commises par son régime. Au contraire, Moscou milite pour le maintien au pouvoir de son allié historique, tout comme Téhéran.
(Lire aussi : Peut-on trouver un compromis avec l’Iran en Syrie ?)
Parallèlement à son action militaire, la Russie a distribué au Conseil de sécurité de l'Onu un projet de résolution antiterroriste qui associerait Damas à une coalition internationale élargie contre les jihadistes.
La France, qui dispose d'un siège permanent au Conseil de sécurité, cherche à "amender" ce texte. Il n'est "pas question de couvrir juridiquement une opération qui, sous couvert de lutter contre le terrorisme, chercherait en réalité le sauvetage désespéré d'un dictateur discrédité", a expliqué au journal Le Monde le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius.
De son côté, le gouvernement syrien s'est dit prêt vendredi à participer à des discussions préliminaires proposées par l'Onu afin de préparer une conférence de paix. Les précédentes conférences de Genève s'étaient soldées par un échec en 2014. Elles avaient achoppé notamment sur la question du sort du président Assad dans une transition politique. Le chef de la diplomatie, Walid Mouallem, a réaffirmé à ce propos que "la lutte contre le terrorisme est une priorité pour progresser dans les autres domaines", dont la transition politique. "La Syrie, a-t-il déclaré, ne peut pas appliquer des mesures politiques démocratiques relatives à des élections ou une constitution alors que le terrorisme frappe sur son territoire".
Depuis le début de l'insurrection en Syrie, brutalement réprimée par le régime, plus de 240.000 personnes sont mortes et quatre millions ont quitté le pays, occasionnant une crise migratoire majeure.
Face à la progression du groupe Etat islamique, les Etats-Unis et une coalition d'une soixantaine de pays ont entamé il y a un an des raids en Irak et en Syrie sur les fiefs de ces jihadistes. La Turquie puis la France ont récemment commencé à effectuer des frappes sur le sol syrien.
Lire aussi
Les atermoiements d'Obama face au chaos syrien
Quelle est exactement la position de Poutine sur la Syrie ?
Quel État syrien avec ou sans Bachar el-Assad ?
Washington dans l’obligation de « travailler » avec Moscou
Repères
Forces déployées, objectifs : décryptage des frappes russes en Syrie
Les groupes présents dans les zones visées par les frappes russes en Syrie
"J'ai rappelé au président (Vladimir) Poutine que les frappes devaient concerner Daech et uniquement...
commentaires (6)
"Les Occidentaux à Poutine : L'EI est l'ennemi que nous devons combattre." ! Ce n'est plus Monchâr le lapin aSSad ?
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
11 h 19, le 04 octobre 2015