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Liban - protestation

Aounistes, mais opposés au recours à la rue

Un grand nombre de Libanais craignent que « le mouvement pacifique » auquel a appelé Michel Aoun ne dégénère.

La place Tabaris envahie hier par le convoi des partisans aounistes. Photo RRT, OLJ

Les partisans du chef du Courant patriotique libre, Michel Aoun, ne se sont pas fait prier, faisant preuve une fois de plus de l'allégeance qu'ils vouent à leur leader. Hier, dès l'après-midi, des convois denses de voitures sillonnaient déjà plusieurs régions du pays, répondant ainsi présent à l'appel lancé il y a près d'une semaine par Michel Aoun aux « chrétiens qui doivent descendre dans la rue ».

Que pense toutefois la rue libanaise de cet appel ? Quid de la paralysie des institutions étatiques ? L'Orient-Le Jour a sondé la rue.
Dans un salon d'esthétique à Hazmieh, deux femmes sexagénaires discutent entre elles, attendant patiemment leur tour. « Si les gens descendent dans la rue, ce serait une catastrophe », dit l'une d'entre elles entre deux gorgées de café. « La violence ne mène à rien, poursuit-elle, d'un ton énervé. Tout peut être réglé à l'amiable. Mais ils ne savent pas le faire. Ils ne pensent qu'à leurs propres intérêts. Ils n'ont rien à faire du citoyen. Nous en avons marre du 8 et du 14 Mars ! Ils nous font détester notre pays ! »

« Je ne suis pas de ton avis », répond sa voisine, calmement. « Au contraire, ajoute cette cliente chiite, je suis pour que le peuple descende dans la rue, parce que jusqu'à présent rien n'a mené à un changement de la situation. À ce jour, aucun zaïm n'a tenu sa promesse. Michel Aoun peut lui aussi ne pas être honnête, mais il demande au peuple de donner la légitimité à ce mouvement. Celui qui a peur d'un tel mouvement n'a certainement aucune popularité. »
Aspirant une longue bouffée de sa énième cigarette, elle affirme que « le peuple a besoin d'une vraie révolution qui ne soit pas ordinaire ». « Je vois d'un mauvais œil la division dans les rangs chrétiens, surtout maronites, confie-t-elle. S'ils étaient intelligents, ils auraient compris que leur union fait leur force. La région et le Liban ont besoin des maronites, mais unis, à l'instar de l'union entre les minorités chrétienne et alaouite en Syrie. C'est cette union qui a consolidé le régime en Syrie. Qu'ils en tirent une leçon et qu'ils s'unissent, sinon la région va être divisée au profit d'Israël et au détriment des chrétiens. Or soyons réalistes. Ce sont les chrétiens qui forment le visage civilisé du pays. Je pense que nous sommes à une période où les compromis et l'éveil sont nécessaires. À chacun son tour. Mais il faut qu'il y ait une vraie révolution, comme celle à laquelle appelle Michel Aoun, sinon c'est un hara-kiri que subira le pays. »


(Lire aussi : « Demain, vous allez voir de quoi sont capables les aounistes »)

Au bord du gouffre...
Georges, un sexagénaire, tient un parking à la rue Monnot. « Je suis un fan de Michel Aoun, confie-t-il. Je trouve qu'il a un esprit clair. Néanmoins, étant expérimenté et ayant vécu de nombreuses guerres dans ce pays, je peux vous assurer que le conflit ne mène à rien. Je vous dis, j'aime ce type, mais vu les persécutions, les tueries de masse et le fanatisme que vit la région, le temps n'est pas opportun pour se lancer dans des confrontations, d'autant que la situation des chrétiens est très précaire. »

Même son de cloche chez Rima, une jeune maman, qui confie elle aussi « être aouniste » à fond. « Depuis quelque temps, toutefois, je désapprouve ses prises de position, insiste-t-elle. Je ne comprends pas qu'on appelle à descendre dans la rue pour un oui ou pour un non. Je ne veux pas analyser les dimensions politiques de l'appel lancé par Michel Aoun, mais je peux vous assurer que le peuple en a marre et qu'il veut vivre en paix, dans un climat civilisé. »

Salma, Lara, Mohammad et Manal sont catégoriques : les sit-in ne constituent pas une solution à tous les problèmes. Ils estiment que ce mouvement n'a pour effet que de nuire à la saison estivale, qui « a déjà mal démarré ». « L'image du pays n'est pas reluisante à l'étranger, avance Salma. Que veulent-ils ? Nous coller à jamais cette étiquette de pays terroriste ? »
« Si le Hezbollah ne sabote pas la saison estivale, c'est Michel Aoun qui veut le faire ? se demande de son côté Lara. Est-ce là la stratégie ? Empêcher les gens de travailler et créer un désordre civil ? Pourquoi ? »
Et Manal de renchérir : « Peut-être que Michel Aoun a raison et que les chrétiens sont marginalisés. Je suis sunnite et je le dis. Il n'en reste pas moins que ce n'est pas en descendant dans la rue que le problème sera résolu. Une manifestation à la base pacifique peut dégénérer et se transformer en un conflit sanglant. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé dans la région. Le pays est au bord du gouffre. Il ne faut pas l'y pousser. »

 

(Lire aussi : Chaar : Attention à la rue...)

 

« Un agenda caché »
Sara est convaincue que Michel Aoun « a un agenda caché ». « Je suis en faveur d'un mouvement pacifique, à condition qu'il soit ciblé, explique-t-elle. Quel est le vrai objectif de Michel Aoun ? Le partage du gâteau ? Il prend pour prétexte le droit des chrétiens. Ne soyons pas dupes. En réalité, Michel Aoun aspire à la présidence et il fait tout pour que Chamel Roukoz soit nommé commandant en chef de l'armée. C'est le but du sit-in de demain (aujourd'hui). »

Dans un restaurant de Beyrouth, Carla déjeune tranquillement avec sa fille. Cela ne l'empêche toutefois pas de commenter l'appel lancé par Michel Aoun aux chrétiens. « C'est un homme qui me fait peur, dit-elle. Je n'ai jamais appuyé ses positions, mais lorsque j'ai entendu ce matin (hier) Ahmad Fatfat (député du bloc du Futur) qui sous-entendait que la manifestation pourrait tourner mal, je me suis dit que peut-être Michel Aoun avait raison. Cela fait des années que des partisans du courant du Futur paralysent des régions du pays. Que chacun fasse ce qu'il peut. Tout le monde doit être en dessous de la loi. »

Jean, propriétaire d'un magasin de jouets, affirme être « dégoûté par la corruption qui ronge le pays et ses institutions ». « Ce sont les politiciens qui nous enveniment la vie, insiste-t-il. Tous les leaders ont un double agenda. Ils profitent pour remplir leurs poches. C'est triste que les chrétiens soient divisés en deux clans, saoudien et iranien. Je suis en faveur d'une troisième force chrétienne. Malheureusement, on a tué tous les bons leaders chrétiens. Il en reste très peu. Je pense qu'il faudrait descendre dans la rue pour protester contre le gouvernement. Il faut modifier la Constitution pour que le peuple élise ses députés et son président. Les appels à la manifestation sont une preuve que le système a besoin d'être réformé. Finalement, chrétien ou pas, j'aimerais voir un pays qui ne soit pas corrompu. Il n'est pas normal que le pays soit évolué sur le plan des attractions, du tourisme, etc., et qu'il soit totalement rétrograde sur le plan administratif. »

 

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"Äoûnistes!, mais opposés au recours à la rue." ! Ou, les révoltés raisonnables !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

19 h 02, le 09 juillet 2015

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Commentaires (6)

  • "Äoûnistes!, mais opposés au recours à la rue." ! Ou, les révoltés raisonnables !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    19 h 02, le 09 juillet 2015

  • Chaque communauté à sa rue dans ce pays. L'arriviste Michel Aoun risque fort de remuer d'autres rues en face de lui, c'est leur droit. Alors ce sera une nouvelle bosta de Aïn-Remmaneh et une nouvelle guerre à durée indéterminée qui finira par l'exode de tous les chrétiens. Est-ce cela ce qu'ils veulent ces fanfarons carnavalesques ?

    Un Libanais

    11 h 21, le 09 juillet 2015

  • Iznogoud-Aoun prouve de jour en jour son incompétence. Il a toujours agit comme un enfant gâté qui boude et cherche à tout casser quand il n'obtient pas ce qu'il veut. Il a commis des erreurs fatales par le passé et le voilã qu'il recommence. Rien ne compte que son ego démesuré.

    Dounia Mansour Abdelnour

    09 h 51, le 09 juillet 2015

  • REMUER LA RUE... EST UNE TACTIQUE CRIMINELLE DANS LE CONTEXTE Où EN EST LE PAYS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 33, le 09 juillet 2015

  • "ajoute-t-elle avec un fort accent chiite" Un accent chiite? Les chiites ont un accent? LES CHIITES ONT UN ACCENT? Les chiites du sud ont un accent du sud, Les chiites de la Bekaa ont un accent de la bekaa... Mais il n'existe pas d'accent chiite! Honte aux raccourcis.

    Ashjian Andreas

    05 h 57, le 09 juillet 2015

  • La meilleure phrase de lucidité et de bon sens de ce reportage, celle de cette dame Lara : "Si le Hezbollah ne sabote pas la saison estivale, c'est Michel Aoun qui veut le faire" ? وفهمكم كفاية !

    Halim Abou Chacra

    05 h 07, le 09 juillet 2015

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