Unité en Conseil des ministres, mais le Courant patriotique libre (CPL) fera cavalier seul dans la rue. C'est ainsi qu'il est possible de résumer la réunion entre les ministres du 8 Mars – à l'exception notable des ministres berrystes, qui ont affirmé « ne pas avoir été conviés ou avertis » – au palais Bustros, en présence des ministres Gebran Bassil et Élias Bou Saab (CPL), Rony Araiji (Marada), Arthur Nazarian (Tachnag), Mohammad Fneich et Hussein Hajj Hassan (Hezbollah). L'objectif de la rencontre était pour les ministres d'accorder leurs violons avant la séance d'aujourd'hui et le début du mouvement populaire aouniste, prévu dans l'après-midi.
Le chef de la diplomatie s'en est violemment pris au Premier ministre, Tammam Salam, à l'issue de la réunion, l'accusant « d'accaparer l'État » et de « spolier les prérogatives présidentielles ». « Le Hezbollah et nous sommes la moitié du pays », a ajouté M. Bassil.
Mohammad Fneich a tenu les participants au courant des résultats de sa rencontre de mardi avec Tammam Salam, dont le but était de trouver une issue à la crise. Le Premier ministre respecterait le CPL et son poids politique, mais il n'est pas disposé pour autant à paralyser le Conseil des ministres. Partant, nul ne sait ce qui pourrait se passer. L'hypothèse la plus probable est l'escalade dans la rue après que le général Aoun, qui doit s'exprimer après la séance, donne le signal de la mobilisation générale.
Le premier à quitter le palais Bustros a été Hussein Hajj Hassan, qui s'est contenté de dire que les ministres s'étaient entendus sur le fait de ne prendre aucune décision durant la séance gouvernementale. Mohammad Fneich et Rony Araiji ont ensuite quitté ensemble. M. Fneich a refusé de répondre à une question concernant la participation du Hezbollah aux manifestations organisées par le CPL. De son côté, M. Araiji a indiqué que les Marada ne prendront pas part au mouvement populaire ni aux convois de voitures. MM. Bassil et Bou Saab ont poursuivi la réunion durant près de deux heures après le départ de leurs collègues.
Prenant la parole à l'issue de la réunion, Gebran Bassil a indiqué que le CPL avait « mis en garde contre les dimensions que prenait le dossier ». « La question n'est plus celle d'un article à l'ordre du jour du Conseil des ministres, mais porte sur le cœur de l'action de ce Conseil. Il s'agit désormais d'une question existentielle. La question est celle des prérogatives du président de la République, ni plus ni moins », a indiqué le ministre des Affaires étrangères. Selon lui, l'on veut « arracher le mandat confié aux ministres pour le mettre exclusivement entre les mains du Premier ministre ».
« Nous en sommes arrivés au point où une personne veut être à la fois président et Premier ministre, c'est-à-dire tout l'État. C'est à cela que nous allons faire face après les provocations que nous avons entendues en Conseil des ministres, qui font fi de la Constitution et de l'accord conclu sur le mécanisme inspiré de la Constitution pour le fonctionnement du Conseil des ministres, a-t-il ajouté. Nous sommes face à un vol caractérisé et un rapt des prérogatives présidentielles en l'absence du chef de l'État. Or, nous sommes garants par intérim de ces responsabilités en l'absence du président de la République. Nous jouons un rôle à ce niveau à travers notre participation au Conseil des ministres. L'on ne peut donc pas nous demander si nous allons participer ou pas à la séance. Nous allons participer pour jouer deux rôles, celui du ministre et celui du président par intérim », a noté Gebran Bassil.
« L'erreur du cabinet amputé ne se répétera pas, a-t-il ajouté. Nous avons vu la fois dernière comment ils ont traité un million et demi de personnes dans la rue (en 2006). Nous et le Hezbollah sommes la moitié du pays. Nous savons avec quelle légèreté ils ont agi. Nous pensions qu'il existait des garanties morales empêchant une telle attitude, or, il semble qu'il n'en existe aucune dans le pays. Comme il n'y a pas de pays sans nous, il n'y a pas de gouvernement ou de décisions sans nous », a poursuivi le chef de la diplomatie.
« Nous ne répéterons pas l'erreur de nous retrouver marginalisés. Nous sommes à la veille d'un tournant, d'une journée charnière », a-t-il ajouté.
Excédé par le nombre de questions posées, Gebran Bassil a refusé d'y répondre, retournant dans son bureau.
Liban
Gebran Bassil accuse le Premier ministre de tenter d’accaparer l’État et les prérogatives présidentielles
OLJ / Par Khalil FLEYHANE, le 09 juillet 2015 à 00h19
Voilà le premier des accusés, transformé en seul accusateur !
18 h 37, le 09 juillet 2015