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Économie - Liban - Entretien

Hussein Hajj Hassan veut porter la part de l’industrie dans le PIB de 11 % à 18 %

Incitations fiscales, zones industrielles, limitation des importations... le ministre de l'Industrie multiplie les mesures de soutien à un secteur qu'il considère comme un vivier potentiel d'emplois.

« Le Liban doit redessiner sa politique économique en fonction de ses intérêts », affirme le ministre de l’Industrie.

Pourquoi voulez-vous développer l'industrie libanaise, alors que les services dominent l'économie ?
Le Liban a besoin de créer 35 000 à 40 000 emplois chaque année pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail. À supposer que l'expatriation est un débouché pour une grande partie d'entre eux, il reste au moins 15 000 emplois à créer par an. L'économie du Liban est dominée en effet par les services. Mais la capacité d'absorption du secteur tertiaire a montré ses limites, puisque le taux de chômage frôle aujourd'hui les 30 %. Pour moi, seules l'agriculture et l'industrie ont la capacité de créer suffisamment d'emplois. Ce n'est pas un hasard s'il n'y a pas un État membre du G8 ou du G20 qui ne soit pas un pays industriel. Aujourd'hui, près de 400 000 personnes travaillent dans ces deux secteurs. Je me suis donc fixé l'objectif d'augmenter la part de l'industrie libanaise dans le PIB de 11 % à 18 % au cours des trois à quatre prochaines années. Cet objectif me paraît d'autant plus réaliste que le secteur touristique est en berne.

L'industrie libanaise peut-elle vraiment être compétitive ?
Le secteur souffre en effet des coûts de production élevés, à cause des prix de l'énergie et des terrains. Mais ce n'est pas une fatalité. C'est la conséquence de la mauvaise gestion du secteur de l'électricité et des politiques fiscales qui ont encouragé la flambée des prix du foncier. L'État n'a pas le droit d'en faire porter la responsabilité aux industriels. Il doit assumer les conséquences de sa politique. Tous les grands pays subventionnent de manière directe ou indirecte leur industrie. Le Royaume-Uni, par exemple, a un fonds de subvention des industries intensives en énergie doté de sept milliards de livres. Le Liban n'a pas les moyens de faire pareil, mais il peut soutenir indirectement le secteur.

Quelles mesures de soutien préconisez-vous ?
Il y a d'abord un volet fiscal. Une loi exemptant d'impôt les bénéfices réalisés à l'export a été adoptée et ses décrets d'application devraient bientôt être promulgués. Un autre décret devrait suivre, pour subventionner les crédits qui visent à financer l'achat des matières premières nécessaires aux produits destinés à l'exportation. Deux projets de loi sont également à l'étude : l'un vise à exonérer les industriels de la TVA sur les équipements industriels et les matières premières. L'autre a pour objectif d'encourager les fusions entre industriels à travers des incitations fiscales. Parallèlement, le ministère planche sur un projet de trois zones industrielles sur des terrains appartenant à l'État, aux municipalités ou aux waqfs. Plus de 1 000 dounoums (NDLR : l'équivalent de 100 hectares) seront loués aux industriels à des prix inférieurs de 60 à 70 % à la moyenne du marché. Nous avons sécurisé un don international de sept millions d'euros pour développer l'infrastructure dans ces zones qui devraient être prêtes dans deux ou trois ans.

Vous avez également activé des mesures antidumping ?
Mon objectif est de protéger les industries locales menacées par la concurrence déloyale, puisque la majorité de nos fournisseurs subventionnent d'une façon ou d'une autre leur production. C'est le cas pour quatre usines d'aluminium libanaises, qui emploient plus de 2 000 personnes, et qui risquent de couler face aux importations. Nous avons donc prolongé une décision prise par mon prédécesseur d'imposer des taux de douane de 9,9 %. Nous avons également proposé 15 % de douane sur les importations de fer. Le projet est à l'étude en Conseil des ministres.
Nous avons aussi décidé de limiter l'importation de certains produits, en imposant des contingents ou en exigeant des autorisations préalables d'importation. C'est le cas pour les chips dont les importations sont passées de 200 tonnes à 3 000 tonnes environ, ce qui représente pratiquement toute la consommation locale, alors qu'il existe quatre producteurs de chips au Liban. Nous avons limité aussi les importations de fromages blancs, lait en poudre et lait UHT.
L'ampleur du déficit commercial, 17 milliards de dollars par an, est inacceptable. Évidemment, nous n'allons pas devenir excédentaires, mais je pense qu'en cinq ans, nous pouvons réduire nos importations de 21 à 18 milliards de dollars, et augmenter nos exportations de 4 à 6 milliards.

Vous ne craignez pas des mesures de rétorsion de la part de vos partenaires commerciaux ?
Nos partenaires en général comprennent notre besoin de rééquilibrer nos échanges et de limiter nos déficits structurels. Le marché libanais est trop petit pour leur poser problème, et nos exportations sont trop faibles pour que notre économie soit affectée par des mesures de rétorsion. Je n'ai pas l'intention de m'engager dans une guerre commerciale avec qui que ce soit, je considère simplement que le Liban doit redessiner sa politique économique en fonction de ses intérêts. La plupart des pays le font. Les États-Unis par exemple, qui sont pourtant très libéraux, limitent leurs importations de voitures japonaises. En fait, c'est surtout aux importateurs libanais que cela pose problème, et ce sont souvent eux qui se plaignent auprès des ambassades.

Vous assumez donc un certain retour au protectionnisme ?
On a souvent présenté l'ouverture des frontières comme un moyen de baisser les prix. Mais dans la réalité, les consommateurs n'en ont jamais profité et l'industrie locale a été lésée. Depuis les années 1990, les gouvernements successifs nous parlent de libéralisation des échanges et d'accession à l'Organisation mondiale du commerce. Mais avons-nous aboli les licences exclusives ? Pourquoi continue-t-on de protéger le secteur des ciments et des câbles ? Sommes-nous prêts à permettre aux étrangers d'exercer des professions libérales ? Personnellement je ne suis pas pour ces mesures, mais que ceux qui y sont également opposés ne viennent pas me donner des leçons de libéralisme.

 

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commentaires (2)

LES BAUDETS DE L'INDUSTRIE... EN L'OCCURENCE LES MACHINES... DEVRAIENT DOUBLER LEUR CHARGE ! C'ÉTAIT CLAIR À COMPRENDRE LE SOUS ENTENDU !!!!!!!

LA LIBRE EXPRESSION

14 h 16, le 21 mars 2015

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Commentaires (2)

  • LES BAUDETS DE L'INDUSTRIE... EN L'OCCURENCE LES MACHINES... DEVRAIENT DOUBLER LEUR CHARGE ! C'ÉTAIT CLAIR À COMPRENDRE LE SOUS ENTENDU !!!!!!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 16, le 21 mars 2015

  • Dilemme ! Que faire ? Dumping-protectionnisme or not protectionnisme-dumping ! That is the question ! Un vrai grand dilemme pour le nouveau "petit-bourgeois ex-déshérité", que cette science économique qu'il tente vainement d’appréhender ; yâ hassértéééh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 35, le 21 mars 2015

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