Le député Nawaf Moussaoui et des représentants du Hezbollah déposant une couronne de fleurs au pied de la stèle installée à la mémoire de Imad Moghnieh et d’autres cadres du parti. Photo Ani
Le secrétaire général du Hezbollah réagira-t-il aujourd'hui aux propos virulents de Saad Hariri ? Alors que tout le monde s'attend à ce que Hassan Nasrallah réponde aujourd'hui dans un discours au chef du courant du Futur qui n'a pas ménagé, samedi, le parti chiite, le sayyed pourrait, une fois de plus, surprendre le public, en occultant totalement l'épisode du Biel.
C'est ce qu'atteste en tout cas une source proche du parti chiite qui déclare à L'Orient-Le Jour que le secrétaire général « ne répondra probablement pas » à Saad Hariri.
Cette affirmation sera relayée dans les milieux du parti chiite qui ont distillé tout au long du week-end un climat relativement positif. Ce dernier s'est notamment reflété dans les discours prononcés à l'occasion de la commémoration de Imad Moghnieh, assassiné le 12 février 2008, et autres cadres du parti. Aucune position exprimée à cette occasion par les grands cadres du parti n'a évoqué directement la prestation de Saad Hariri au Biel.
Seul le député Ali Fayyad a lancé, sans le nommer, une pointe au chef du courant du Futur, affirmant que « la menace des deux projets israélien et takfiriste ne sont en aucun cas des menaces imaginaires. Celui qui ne peut pas voir cela est quelqu'un qui est clairement plongé dans le sectarisme et les calculs personnels ».
(Lire aussi : Les miraculés du Saint-Georges se souviennent de l’explosion qui a fait basculer leur vie)
Partout ailleurs, le mot d'ordre était à l'incitation à la poursuite du dialogue et de la tentative de rapprochement entre les partis chrétiens en vue de l'élection présidentielle. Une attitude qui semble traduire une orientation claire et précise au sein du parti chiite : l'apaisement des tensions et la sauvegarde d'un minimum de stabilité susceptible d'immuniser le pays contre la menace takfiriste. Ces constantes devraient en principe être confirmées aujourd'hui par le secrétaire général du Hezbollah dans son discours.
Ce n'est toutefois pas l'avis du député du Courant patriotique libre, Alain Aoun, qui croit savoir que le secrétaire général sera aujourd'hui « tout aussi virulent que Saad Hariri dans ses propos », même si les différentes positions exprimées par le chef du courant du Futur « ne sont pas nouvelles ». « Le ton utilisé pour les exprimer est toutefois plus emporté cette fois-ci et ne reflète pas le climat engendré par le dialogue en cours », dit-il dans un entretien accordé à L'Orient-Le Jour.
L'ancien ministre druze et chef du parti Tawhid, Wi'am Wahhab, résume la situation par cette formule : « Nous ne voulons afficher aucune position qui puisse obstruer le dialogue. »
C'est également sur ce thème qu'insistent les députés et ministres du Hezbollah. « Nous voulons donner toutes ses chances au dialogue non pas par complaisance ni pour des raisons tactiques, mais en vue de l'efficacité, de la productivité, et du sérieux », dira Ali Fayyad.
Car « le dialogue est le seul moyen de préserver la stabilité face aux courants takfiristes, pour leur barrer la route », répercute pour sa part le ministre d'État pour les Affaires du Parlement, Mohammad Fneich.
(Lire aussi : Dix ans après, Damas de nouveau dans le collimateur de la justice internationale)
Le dialogue est, indiscutablement, le dernier recours contre une discorde sunnito-chiite qui constitue la bête noire du Hezbollah, conscient qu'un affrontement communautaire préludera à l'effondrement total du pays et à son enlisement dans un conflit à l'irakienne. Une ligne rouge que le parti chiite ne voudrait jamais voir franchie, n'ayant pas les moyens de se mobiliser sur plus d'un front.
S'alignant sur le Hezbollah qui s'est retenu jusque-là de réagir ouvertement, le CPL s'est également muré dans un mutisme auquel il était d'autant plus contraint qu'il était présent à la commémoration du Biel.
La représentation officielle des aounistes à ce type de célébrations – une première depuis 2005 – s'explique par le simple fait que le CPL a été « invité » cette fois-ci, ce qui n'était pas le cas les années précédentes, explique M. Aoun.
« Nous avons voulu marquer une présence à la commémoration d'un martyr, Rafic Hariri, et non à un ralliement politique », tient-il à préciser. Et de rappeler que cette détente s'inscrit dans le prolongement du dialogue et de la tentative de rapprochement amorcée entre M. Hariri et Michel Aoun, en janvier 2014.
(Lire aussi : En dépit de tout, la dynamique du dialogue reste la plus forte)
Certes, le Courant ne pouvait connaître à l'avance la teneur du discours de Saad Hariri et anticiper les multiples critiques adressées à son allié, le Hezbollah, voire même indirectement, au CPL lui-même concernant le « blocage » de la présidentielle, un point sur lequel le Courant n'est vraisemblablement pas d'accord avec le courant du Futur.
« C'est une manière de ne pas reconnaître que les chrétiens ont des droits dont celui à être représentés », dit Alain Aoun. Mais quelles que soient les divergences en présence, poursuit le député, « la priorité reste au dialogue. Nous sommes dans une période d'ouverture ».
Bref autant de signes de détente qui inaugurent une semaine au cours de laquelle est en principe prévue la prochaine séance de dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah.
Lire aussi
Dix ans après, la chronique de Nagib Aoun
Rafic Hariri ou l'autre islam, l'article d’Élie Fayad
D'horreur et d'espérance, l'article de Michel Hajji Georgiou
Beyrouth, l'amnésique, a du mal à se souvenir de ses blessures
A peine arrive-t-il "à s'entretenir" lui-même, yâ hassirtihhh !
10 h 44, le 17 février 2015