« Nous luttons contre le retour du fantôme de la guerre civile. » De toutes les prises de position samedi de Saad Hariri, c'est peut-être la phrase qui résume le mieux les orientations politiques générales internes du chef du courant du Futur : la volonté de concorde, l'option en faveur du dialogue. D'évidence, les intérêts des deux courants politiques, pourtant si fortement opposés, se rejoignent sur la nécessité de préserver la stabilité et le dialogue en cours.
Cette option, le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah la confirmera très probablement aujourd'hui en évitant de répondre aux critiques adressées par Saad Hariri, samedi, à sa politique d'implication en Syrie, en particulier dans le Golan. M. Hariri l'avait qualifiée de « folie ».
Dans les cercles aounistes, on affirmait hier que le Hezbollah « comprend » que M. Hariri ne peut tenir un autre langage, aux yeux de ses partisans, et qu'en échange, M. Hariri « comprend » lui aussi très bien – trop bien ? – « l'équilibre des forces » dont le Hezbollah est l'un des facteurs irremplaçables.
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Realpolitik
Le Futur serait ainsi « condamné » à une « realpolitik » tout à fait éloignée de ses convictions intimes, que l'avalanche des témoignages devant le TSL confirme de jour en jour...
Par ailleurs, la volonté du 8 Mars de courtiser Saad Hariri – et d'ignorer son discours – se reflète aussi de nombreuses autres façons : par exemple, dans la présence à la commémoration du Biel de nombreuses personnalités du CPL et les vœux de bon retour que lui a transmis hier, par téléphone, le député Sleimane Frangié.
On ignore combien de temps le chef du Futur restera au Liban. Mais il y restera assez longtemps pour voir et remercier tous ceux qui se sont associés, politiquement, au souvenir de son père, assure-t-on. Hier, il a longuement rencontré Fouad Siniora et le mufti Abdellatif Deriane, et reçu notamment des appels de Tammam Salam, Nabih Berry et Robert Ghanem.
Du côté du Hezbollah, il y aurait en outre à la volonté d'apaisement des raisons proprement militaires. Avec plusieurs milliers de combattants engagés dans des combats cruciaux autour de Deraa et Kuneitra, en Syrie, le Hezbollah n'a pas intérêt à trop braquer sur lui les feux des projecteurs internes.
Geagea tire sur le Hezbollah
Profitant de ce profil bas, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, n'a pas hésité à décocher une flèche au parti de Dieu, assurant samedi devant ses visiteurs que le Hezbollah et Daech sont « les deux faces d'une même monnaie ».
Mais s'il garde cette liberté de parole, le chef des Forces libanaises tient lui aussi très fort au dialogue de son propre camp avec le général Michel Aoun ; un dialogue qui est complémentaire à celui que mènent les formations sunnite et chiite.
Tant et si bien que la OTV a claironné hier que certains développements dans le dossier du dialogue entre FL et CPL « pourraient surprendre les plus optimistes ».
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Sommes-nous à la veille d'une rencontre entre les deux leaders chrétiens? C'est très possible. En tout état de cause, la OTV a souligné hier d'un gros trait de marqueur orange le fait que Samir Geagea n'ait pas tardé plus de 24 heures après son retour d'Europe, pour dépêcher Melhem Riachi auprès d'Ibrahim Kanaan. Les deux hommes, apprend-on, se sont longuement retrouvés à Rabieh, samedi, et auraient apporté, en présence de Michel Aoun, la touche finale à la déclaration d'intention (souveraineté, rapports avec l'environnement régional) qu'ils préparent, comme aux étapes proprement politiques qui vont la suivre : présidence de la République, loi électorale et même gouvernement postélectoral. Il ne manquerait plus, sur ce plan, que le paraphe final de Samir Geagea. Le proche avenir dira si cet optimisme est justifié.
En tout état de cause, le climat international est favorable à une élection sans tarder d'un président de la République, comme vient de le rappeler le secrétaire d'État américain John Kerry.
Le gouvernement
Par ailleurs, la semaine politique sera marquée par les conséquences du congé forcé accordé par Tammam Salam au gouvernement, qu'il a congédié jeudi dernier sans lui donner de nouveau rendez-vous. M. Salam a consulté samedi Nabih Berry à ce propos. Va-t-on en revenir à un fonctionnement normal du Conseil des ministres, conforme à l'article 65 de la Constitution ? De toute évidence, il le faudra pour en finir avec les crocs-en-jambe que les ministres ne cessent de se poser les uns aux autres, transformant les séances du Conseil des ministres en séance de troc, puisque les décisions y sont prises à l'unanimité, à titre extraordinaire, en raison de l'absence du chef de l'État chrétien.
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Il y a lieu de noter que c'était hier le premier anniversaire de la formation de ce gouvernement « de nécessité ». La OTV, encore elle, qui rapportait l'information, y a ajouté que la mise en congé forcé du gouvernement pourrait avoir pour but de faire passer en douce la prorogation, par le ministre de la Défense, Samir Mokbel, du mandat du général Mohammad Kheir, secrétaire général du Conseil supérieur de défense, dont les fonctions venaient normalement à expiration fin février.
Le véritable but de cette façon de faire, selon la télévision, serait de paver la voie à une autre prorogation : celle du directeur général des FSI, Antoine Basbous, qui doit faire valoir ses droits à la retraite fin mai. Selon la télévision, le couplage de ces deux prorogations pourrait provoquer une grave crise gouvernementale.
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CORRECTION ! MERCI : ".... un bête bâton-bambou ou un caillou dans l'intention de poursuivre, avec d'autres moyens moins préhistoriques n’est-ce pas...."
07 h 49, le 18 février 2015