Le chef du gouvernement a eu un entretien vendredi avec le secrétaire d’État américain, John Kerry. Photo Dalati et Nohra
Alors que la délégation officielle libanaise conduite par le Premier ministre Tammam Salam, accompagné du ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, était plongée dans la préparation de la réunion du groupe international de soutien au Liban, vendredi dans l'après-midi, une nouvelle a plombé l'ambiance. La Coalition nationale syrienne avait déposé une plainte au Conseil de sécurité contre les prétendus « agissements de l'armée libanaise, aidée par les milices chiites contre les réfugiés syriens à Ersal ».
La Coalition n'étant pas un État, il fallait qu'un pays membre de l'Onu se charge de transmettre cette plainte aux membres du Conseil de sécurité. Sous le choc de cette nouvelle, la délégation libanaise a aussitôt multiplié les contacts pour en comprendre les dessous et, bien sûr, pour tenter d'en circonscrire les effets. Une discussion a eu lieu entre le Premier ministre, qui voulait demander à l'armée de « limiter les dégâts », et le ministre des AE qui estimait au contraire que l'armée se défend sur son territoire et nul n'a le droit de lui dénier ce droit.
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Les autres parties consultées ont estimé que cette plainte est injuste, d'abord parce que c'est l'armée libanaise qui est agressée à Ersal et, de plus, parce que cette armée est connue pour avoir un comportement d'une grande moralité, refusant de se défendre, comme l'aurait fait toute autre armée officielle attaquée, pour ne pas faire de victimes civiles. Les services concernés au sein du Conseil de sécurité de l'Onu ont ensuite rassuré les membres de la délégation libanaise en affirmant que cette plainte n'aura pas de suite. En principe, dans un tel cas, une copie de la plainte doit être remise à chacun des pays membres du Conseil de sécurité qui décident ensuite d'une réunion pour l'examiner. Mais, dans ce cas précis, il n'était pas question de prendre la peine de l'étudier et le Liban devrait donc l'ignorer. Cette attitude internationale avait beau être rassurante, les Libanais n'en considéraient pas moins que même si la plainte n'est pas prise au sérieux, elle est la preuve de l'existence de mauvaises intentions contre le Liban, et surtout elle a créé un précédent contre l'armée libanaise qui restera dans les archives de l'Onu.
Entretien avec Kerry
Il a fallu attendre la réunion que la délégation libanaise a tenue avec le secrétaire d'État américain, John Kerry, vendredi à midi, pour obtenir des assurances plus claires. M. Kerry a en effet exprimé au Premier ministre et au ministre des AE l'appui de son pays à l'armée libanaise, ajoutant que l'aide des États-Unis à l'armée ne va pas s'arrêter, bien au contraire. Il a aussi critiqué devant ses interlocuteurs la Coalition nationale syrienne ainsi que l'opposition syrienne, en général, qui vit dans les hôtels et ne parvient pas à s'unifier autour d'un projet concret. Bien entendu, cela ne signifie pas que les États-Unis veulent désormais appuyer les forces du régime syrien, mais ils ne se font pas beaucoup d'illusions sur l'opposition syrienne, malgré la décision d'armer et de former un nouveau groupe de combattants en Arabie saoudite. D'autres diplomates rencontrés ont même laissé entendre que cette décision américaine a été prise pour pousser l'Arabie et les pays du Golfe à intégrer la coalition anti-EI, mais sans l'espoir de changer le rapport des forces sur le terrain en Syrie.
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Tant dans les rencontres bilatérales que lors de la réunion du groupe international de soutien au Liban, la délégation libanaise a perçu un appui sincère et une compréhension réelle au sujet de la menace que représente désormais l'EI pour le pays du Cèdre. Il ne s'agit plus de scénarios fictifs et d'hypothèses, mais d'une réalité qu'il faut prendre au sérieux. D'où la volonté de la communauté internationale, via le groupe international de soutien, de renforcer le filet de sécurité qui a été instauré autour du Liban.
À quand la présidentielle ?
Le seul problème qui a joué en défaveur du Liban, pendant tous les entretiens bilatéraux et autres, c'est l'absence d'un président de la République. La plupart des responsables avec lesquels la délégation libanaise s'est entretenue ne comprenaient pas pourquoi les Libanais ne parvenaient pas à élire un président et comment ils pouvaient solliciter l'aide des étrangers sur ce plan. Pourtant, avec tous ses interlocuteurs, le Premier ministre a évoqué cette question. Même avec le président iranien Hassan Rohani, il a rappelé l'aide de l'Iran pour la formation du gouvernement, souhaitant pouvoir de nouveau bénéficier de cette aide pour l'élection d'un président. Mais, de l'avis de certains diplomates européens, cette attitude affaiblit la position du Liban et sa crédibilité devant la communauté internationale. C'est pourquoi d'ailleurs, la réunion du groupe international de soutien a suscité cette année moins d'enthousiasme que l'an dernier.
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Le secrétaire d'État américain n'y a pas participé, par exemple, ainsi que le ministre russe des AE. Ils étaient tout de même représentés et leurs représentants ont prononcé des discours dans lesquels ils ont déclaré leur appui à l'armée libanaise dans sa lutte contre le terrorisme. De même, dans la plupart des discours prononcés, notamment celui du ministre français des AE Laurent Fabius (que le ministre Bassil doit d'ailleurs rencontrer de nouveau mardi à Paris), celui du ministre allemand des AE ou encore celui de la ministre italienne des AE, il y a désormais la conviction qu'il ne suffit plus d'aider les réfugiés syriens au Liban. Il faut aussi aider le Liban et son économie pour qu'il puisse continuer à supporter le fardeau de la présence massive de réfugiés. Le représentant britannique a même eu cette phrase-choc : « Le Liban ne doit pas être la prochaine victime de l'EI dans la région. »
Des propositions concrètes ont été ainsi faites pour la sécurisation des frontières et, selon les organisateurs, « un message fort d'appui au Liban » a été adressé et un hommage appuyé à la politique de distanciation et à la déclaration de Baabda a été formulé. Une réunion est d'ailleurs prévue en octobre en Allemagne pour le fonds créé en faveur du Liban.
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Mais la vraie question qui a hanté les coulisses des réunions en marge de l'Assemblée générale des Nations unies tourne essentiellement autour de la Syrie et des frappes lancées par la communauté internationale sur les positions de l'EI en territoire syrien. Le ministre syrien des AE Walid al-Moallem a répété à qui veut l'entendre que le régime syrien a été informé des frappes avant qu'elles se produisent par trois canaux différents, par le contact direct, par le biais des Irakiens et par le biais des Iraniens qui ont toutefois refusé de transmettre l'information. Malgré ces affirmations, la situation reste floue et complexe et il est difficile de prévoir les contours de la prochaine étape dans la région. Une petite question en apparence anodine a ainsi résonné dans certains couloirs de l'Onu qui demandait quelle serait la position du Liban si les forces du Hezbollah étaient frappées en Syrie ? Simple ballon d'essai ou projet réel, il est impossible de le dire pour l'instant.
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SURTOUT... ÉRADIQUER ET NON DÉLOGER ! CAR, SINON, NOUS RISQUONS DE LES VOIR À NOS FRONTIÈRES DU NORD...
16 h 56, le 30 septembre 2014