Ce n'est nullement une manifestation de pessimisme, mais le constat d'une noire réalité ouverte sur tous les possibles et impossibles : la région du Proche-Orient est désormais au cœur de bouleversements dont on ne connaît encore ni les véritables tenants ni les inévitables aboutissants, et l'Occident, qu'il s'agisse de l'Europe ou des États-Unis, se retrouve, aujourd'hui, aux premières loges de la tragédie en cours, entraîné dans un maelström qu'il a, lui-même, contribué à provoquer.
Frilosité et hésitation chronique au départ, alors que les nuages menaçants s'accumulaient déjà au-dessus de la région, étalage de muscles ensuite et recours à des frappes militaires dont on ignore encore l'efficacité réelle et la durée envisagée, le résultat est là : un climat général d'angoisse, une appréhension légitime, et la conviction unanime que dans le contexte actuel aucun résultat n'est garanti, qu'il s'agisse de l'éradication de l'État islamique et des terroristes de tout acabit ou de l'enlisement éventuel des nouveaux « redresseurs de torts » dans un conflit sans fin aux tentacules transnationales.
L'histoire nous a déjà appris, au fil des décennies et des siècles, qu'il ne faut jurer de rien : on sait toujours comment commencent les guerres, on ne sait jamais comment elles vont finir. Et bien souvent ce sont les pires des djinns qui sortent de la boîte de Pandore.
La guerre véritablement mondiale déclenchée contre les terroristes de l'État islamique était inévitable, elle était surtout nécessaire en raison de l'ampleur exceptionnelle du mouvement initié par le calife autoproclamé Abou Bakr el-Baghdadi, un mouvement sorti des ténèbres, usant de la technologie occidentale pour parvenir à ses buts, et qui entend, à partir de ses bases syriennes et irakiennes, propager la « bonne parole » jusqu'en Occident, en passant par les monarchies du Golfe... Lesquelles, pourtant, s'étaient laissées séduire à un moment donné par un message islamiste qui leur semblait en adéquation avec leur politique dans la région, notamment vis-à-vis du régime assadiste honni.
Une seule certitude aujourd'hui : la détermination de la coalition internationale d'en finir avec les « fous de Dieu » sur le sol syro-irakien et d'empêcher l'extension de « l'islamisme conquérant » à un Occident effaré qui vient de découvrir qu'il réchauffe un serpent dans son sein, des hommes et des femmes qui le honnissent et qui voient dans l'action terroriste le cheminement évident menant à l'accomplissement de leurs desseins.
Mais après ? Combien de temps va prendre l'expédition militaire dirigée par les États-Unis ? Réussira-t-elle à éradiquer le monstre islamiste ou se contentera-t-elle de le contenir dans les régions qu'il occupe ? Et si au fil des opérations survenaient des « dégâts collatéraux » et que les populations civiles se retrouvaient prises dans un piège meurtrier, les États de la coalition poursuivraient-ils alors leur action au risque de s'embourber dans les marécages syro-irakiens ? Quelle serait, dans ce cas-là, la réaction des opinions publiques dans les pays concernés, opinions généralement hostiles à tout interventionnisme militaire à l'étranger ?
Autre interrogation : les Kurdes profiteront-ils de la situation pour proclamer l'État si longtemps fantasmé, un État qui s'étendrait de la Syrie à l'Irak et qui constituerait le premier des faits accomplis ? Et qu'en sera-t-il du sort de Bachar el-Assad alors que l'opposition modérée se voit promise une assistance plus substantielle? Continuera-t-il de trôner sur un pays dévasté, tirera-t-il les conséquences de la faillite totale de son régime ou se retrouvera-t-il à la tête d'un « Alaouistan » famélique dont la capitale serait Lattaquié ?
Plus longtemps se prolongera la « guerre mondiale » menée contre l'État islamique, plus certaine sera la dislocation des frontières nées des accords Sykes-Picot. Entre-temps, ce sont les portes de l'enfer qui viennent de s'ouvrir au Proche-Orient, et nul ne peut prédire quand elles se refermeront...
Une dernière question : la tempête, la grosse tempête en développement épargnera-t-elle le Liban ?
Les portes de l’enfer
OLJ / Par Nagib AOUN, le 29 septembre 2014 à 00h00
La grosse tempête en développement épargnera-t-elle le Liban ?Prions au nom de la foi en un seul Dieu et pour tous pour la paix .
22 h 41, le 29 septembre 2014