Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole - Youssef RIZKALLAH

Le passeport libanais, objet de honte ou de fierté ?

Je devais acheter un billet pour Athènes, et soudain la jeune femme à l'agence de voyages me demanda, les yeux écarquillés : « Vous avez un passeport européen ? Vous plaisantez ? Vous avez de la chance monsieur ! »
L'homme qui y était juste avant moi venait de sortir de l'agence déprimé, une déprime due à une liste apocalyptique de documents qu'il devrait présenter afin d'obtenir le visa Schengen. En réalité, cela ne m'a pas choqué, en sachant que les ambassades européennes deviennent de plus en plus exigeantes, en dressant une liste de documents interminable avant d'accorder le visa aux voyageurs libanais.
Au moment où je suis sorti de l'avion à Athènes, je me suis rendu compte que la queue devant le guichet de contrôle des passeports des voyageurs non européens était longue alors que les ressortissants européens traversaient le leur sans complication. « Vous êtes bien chanceux d'avoir un passeport européen ! » m'a lancé un des Libanais qui attendait depuis déjà 15 minutes devant le guichet.
Évidemment, j'ai eu le temps de récupérer ma valise, de sortir de l'aéroport et même d'acheter le billet de l'autobus qui allait me conduire au centre-ville, alors que tous les autres se trouvaient encore à l'intérieur de l'aérogare.
L'histoire ne s'arrête pas là, puisque les scènes les plus troublantes se sont déroulées lors de mon retour au Liban. Tout a commencé à mon arrivée à l'aéroport international d'Athènes, où j'entendis soudain un couple parler libanais, en train de prier Dieu pour que toutes les formalités soient en règle afin de pouvoir passer sans problème. Malheureusement, ce couple s'est fait traiter de manière agressive par les employés de l'aéroport, ce qui m'a brisé le cœur. Mais dans le même temps, je remerciais le ciel d'être titulaire d'un passeport non libanais, ce qui facilite énormément ma vie.
Pour toutes ces raisons et bien d'autres, je me pose souvent des questions sur le sentiment des Libanais vis-à-vis de leur patrie. En tant que libanais, je me demande souvent si je devrais être fier ou plutôt avoir honte de mon pays, ce pays que j'aime et que je déteste en même temps. Georges Corm a bien décrit cette situation, qualifiant le peuple libanais de bizarre : bizarre d'éprouver un sentiment de fierté et d'amour, de haine et d'humiliation envers ce petit pays phénicien/arabe/occidental à la fois, et qui fait parler tant de lui.
Un Libanais résidant à l'étranger a la nostalgie de son pays. C'est là un fait. Et l'ironie veut qu'il l'apprécie en acceptant tous ses problèmes et ses défauts. Toutefois, ce Libanais ne rentrera jamais au Liban avant d'obtenir la citoyenneté du pays d'accueil. Il vit loin de sa famille et supporte la solitude dans l'espoir d'acquérir un nouveau passeport qui facilitera considérablement sa vie.
J'affirme que ma patrie est unique au monde, chose que chaque personne dira de son pays natal. Cependant, il faut bien appeler un chat un chat et admettre que notre passeport est très mal vu, que son utilisation peut rendre assommants et fastidieux les préparatifs du voyage. D'ailleurs, il faut rappeler que les formalités du visa sont devenues tellement pénibles que le Libanais devra réfléchir par deux et trois fois avant de prendre la décision de voyager.
Je ne dirai jamais que notre passeport est un sujet honte, mais il n'est pas non plus une source de fierté. Chanceux est le titulaire d'un passeport étranger !

 

Je devais acheter un billet pour Athènes, et soudain la jeune femme à l'agence de voyages me demanda, les yeux écarquillés : « Vous avez un passeport européen ? Vous plaisantez ? Vous avez de la chance monsieur ! »L'homme qui y était juste avant moi venait de sortir de l'agence déprimé, une déprime due à une liste apocalyptique de documents qu'il devrait présenter afin d'obtenir...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut