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Nos Lecteurs ont la Parole

Notre voyage chez les Yézidis


Nous avons été tous les deux au Kurdistan irakien pour aider les populations yézidies qui fêtent cette année une triste date, le dixième anniversaire du génocide dont elles ont été victimes par Daech. C’était un maudit 3 août 2014.

La grande majorité de ce peuple, déplacé au Kurdistan en Irak, n’a pas réintégré ses villes ancestrales, Sinjar en tête, malgré la fin officielle de Daech vaincu par l’État irakien aidé par une coalition internationale americano-européenne.

Dix ans déjà que les Yézidis sont toujours entassés dans des camps au Kurdistan irakien où ils se sont repliés pour fuir la furie de Daech. Dix ans qu’ils se remettent du 74e génocide de leur histoire. Oui, 74 fois, ce peuple séculaire a été la cible d’une extermination ciblée !

Le dernier génocide en date vient des musulmans extrémistes qui accusaient les Yézidis d’être des adorateurs du diable.

De multiples ONG leur viennent en aide, à la tête desquelles le service des réfugiés jésuites (JRS ou « Jesuit Refugee Service ») qui, depuis 2014, avec un travail de fourmi, essaie de colmater les souffrances de ce peuple. C’est sous la bannière du JRS que nous avons été donner un peu de notre temps et beaucoup de notre expertise, l’un en psychiatrie, l’autre en mindfulness.

Entamée depuis 2015, notre mission se poursuit toujours afin d’asseoir un service de santé mentale et de support psychosocial, de connivence avec les professionnels yézidis sur place. Le besoin est énorme et l’aide demeure parcellaire. Malgré une résilience à toute épreuve, les traumatismes sont légion. Angoisse, dépression, stress post-traumatique, somatisation à tous égards, troubles du sommeil ou autres sont monnaie courante. Et le peuple tient toujours. Avec une dignité inégalable.

Le yézidisme, né en Iran il y a plus de 4 000 ans, est un monothéisme non prosélyte, dépourvu de livre sacré et endogame. Ses fidèles, kurdophones, prient en direction du soleil et vénèrent, outre Dieu, sept anges, dont le principal est « Melek Taous » ou l’Ange-Paon.

Quelle religion pacifique ! Durant notre mission, on n’a pas entendu un mot de haine, aucune rancœur ni rancune. Malgré un passé très lourd, un présent douloureux et un avenir incertain, toutes les personnes yézidies rencontrées affichent des sourires, une luminosité sur le visage, une reconnaissance immense pour ceux qui les aident. Il faut dire qu’on est partis en avril, mois sacré pour eux car c’est le début du printemps et, dans leurs croyances, le printemps est source de vie. La nouvelle année commence pour eux au printemps. L’eau, le soleil, la lune et toute la nature se mettent en fête pendant cette période, car c’est exactement cela qu’ils venèrent, la vie. La vie sous toutes ses formes. Être yézidi, c’est être passionné de vie ! Dire qu’ils ont été pris naguère pour des adorateurs de diable par Daech ! Les yézidis sont plutôt des adorateurs de vie dans sa forme la plus sublime, à savoir les éléments de la nature.

Le JRS accomplit un travail monumental auprès des réfugiés dans le monde. Les déplacements forcés n’ayant cessé d’augmenter dans les années 1980, le JRS, qui a été créé à cette époque, a réaffirmé plusieurs fois depuis son engagement en faveur des réfugiés. Il œuvre pour accompagner, servir et défendre les droits des réfugiés et des personnes déplacées de force.

Inutile de rappeler que les besoins sont énormes dans cette région du monde, tant la misère est totale.

Pour les déplacés yézidis, le JRS est une manne en or. Parce que non seulement il leur assure les besoins élémentaires, mais surtout parce qu’il les respecte dans leur dignité d’êtres humains.

C’est de cela qu’ils ont surtout besoin, une reconnaissance de leur souffrance collective et un respect de la dignité inhérente à tout être humain, encore plus s’il est fragilisé dans son existence.

Tout au long de notre périple, un excédent d’émotions positives générées par cette mission humanitaire nous envahissait. On se demandait tous les deux ce qui pouvait nous amener à épouser cette cause et vouloir la défendre, nous qui venons d’un pays polytraumatisé, en proie à une déliquescence totale, ayant connu nous-mêmes les affres de la guerre. Comme on a vécu aussi le déplacement dans notre propre pays, on peut peut-être mieux s’épancher sur le sort des yézidis et comprendre leurs effrois. Leur statut de minorité et surtout de minorité menacée a dû certainement nous interpeller aussi. Par ailleurs, le spectre du génocide qui les hante sans cesse a été sans conteste le catalyseur de notre engagement. Finalement, si on a été les aider un peu, c’est parce qu’à bien connaître ce peuple, ses croyances et ses valeurs, on a fini par croire que la disparition des yézidis sera inéluctablement un des remords du monde.

Charbel NASSER, spécialiste en mindfluness

Sami RICHA, psychiatre

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Nous avons été tous les deux au Kurdistan irakien pour aider les populations yézidies qui fêtent cette année une triste date, le dixième anniversaire du génocide dont elles ont été victimes par Daech. C’était un maudit 3 août 2014.La grande majorité de ce peuple, déplacé au Kurdistan en Irak, n’a pas réintégré ses villes ancestrales, Sinjar en tête, malgré la fin officielle de Daech vaincu par l’État irakien aidé par une coalition internationale americano-européenne.Dix ans déjà que les Yézidis sont toujours entassés dans des camps au Kurdistan irakien où ils se sont repliés pour fuir la furie de Daech. Dix ans qu’ils se remettent du 74e génocide de leur histoire. Oui, 74 fois, ce peuple séculaire a été la cible d’une extermination ciblée ! Le dernier génocide en date vient des musulmans...
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Daesh est adorateur du diable

Eleni Caridopoulou

17 h 37, le 18 mai 2024

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Commentaires (1)

  • Daesh est adorateur du diable

    Eleni Caridopoulou

    17 h 37, le 18 mai 2024

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