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Liban - Place de l’Étoile

Malgré l’inévitable tapage, traversée calme pour la déclaration ministérielle au Parlement

Ce ne sont pas les marches du Palais des festivals à Cannes. Il n'y a ni tapis rouge ni stars non plus, mais la montée des marches du perron du siège du Parlement par les députés et les ministres sous les flashs des photographes a quelque chose de solennel... et de rassurant. C'est qu'il s'agit de la première réunion plénière depuis la séance destinée à proroger le mandat de la Chambre, il y a dix mois.

Une séance plutôt calme, en dépit de quelques escarmouches, hier, place de l’Étoile. Photo Sami Ayad

Chaque arrivée est une histoire – surtout à l'ombre des mesures de sécurité exceptionnelles autour du Parlement –, mais la plus remarquée est celle du ministre de l'Énergie et de l'Eau, Arthur Nazarian, dans une Porsche ultrasport. Le Premier ministre Tammam Salam conduit lui aussi sa voiture, avec à ses côtés le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk. Souriant et courtois comme à son habitude, il salue les journalistes, laissant Machnouk le devancer à l'intérieur. Le ministre de la Justice Achraf Rifi, lui, fait une entrée sobre et raide, regardant droit devant lui. Simon Abiramia, par contre, arrive décontracté à pied, au moment où les gardes du corps à la mine patibulaire de Khaled Daher ouvrent la portière de la grosse voiture noire. Waël Abou Faour est très courtisé par les journalistes, lui qui n'a pas ménagé ses efforts pendant la période de formation du gouvernement. Quant à Antoine Zahra, il multiplie les déclarations virulentes contre « ceux qui occupent le territoire syrien », au moment où Hussein Moussaoui arrive avec un mystérieux cartable noir visiblement assez lourd... et ainsi de suite jusqu'à ce que le quorum soit atteint.


Après les événements de la veille sous couvert de solidarité avec Ersal, les journalistes ne cachent pas leur inquiétude et se demandent si le président de la Chambre parviendra à gérer les positions contradictoires des deux camps et réussira à terminer cette journée en évitant l'implosion du gouvernement. Car, pour tout le monde, ce cabinet est né en raison des pressions étrangères, mais il n'est pas encore le fruit d'une conviction interne sur la nécessité de s'entendre.

 

« Une erreur d'impression »...
D'ailleurs, le début de la séance, ouverte par Nabih Berry à 10h30, est houleux. C'est Nicolas Fattouche qui ouvre le débat en demandant des précisions sur la position des Kataëb et sur la manière dont a été réglée la question de leur exigence de corriger la déclaration ministérielle. Le président de la Chambre réussit à le faire taire une première fois et demande au Premier ministre de commencer par lire la déclaration ministérielle. Mais grande surprise, un paragraphe entier a été ajouté au texte distribué aux ministres samedi. Et il porte sur l'appui au TSL !

Fattouche crie au scandale et veut savoir comment une déclaration ministérielle peut être modifiée discrètement sans une réunion du Conseil des ministres. La réponse de Salam est qu'il y a eu « un oubli au moment de l'impression ». Pour Fattouche, la ficelle est un peu grosse et il s'étonne de cet oubli qui porte sur un paragraphe entier ! Salam s'empresse de préciser que c'est la formule qui figurait dans la déclaration ministérielle du gouvernement Mikati qui a été reprise. Et Fattouche s'écrie : « Et alors ? Cette formule a été reprise en catimini et d'autres ont été enlevées ouvertement. Qu'est-ce que cela signifie ? » Pendant tout cet échange, le silence des députés du Hezbollah, que l'on sent prêts à riposter si les discours les mettant en cause sont violents, est remarquable. Il donne une idée de la volonté quasi générale de ne pas causer de remous et de maintenir le plafond des débats assez bas. Berry parvient à faire taire Fattouche en lui demandant de soulever ce point dans son intervention et ce qui aurait suffi, en d'autres temps, à faire sauter le gouvernement, passe comme une lettre à la poste (pas libanaise bien sûr).


Le ton est ainsi pratiquement donné, au moins dans la séance de la journée où près de quatorze députés prennent la parole. Les phrases qui reviennent le plus souvent sont un hommage au Premier ministre « issu d'une famille politique respectée » et l'idée que ce gouvernement est « le meilleur possible dans les circonstances actuelles ». Seul le député de la Jamaa islamiya (branche libanaise des Frères musulmans) Imad el-Hout est sorti de ce cadre en se montrant très virulent à l'égard du Hezbollah. Mais Imad el-Hout est pratiquement resté seul tout au long de la journée, sans être entouré comme d'habitude par ses collègues du courant du Futur. Sans doute un des effets de la guerre saoudienne contre les Frères musulmans.


En tout cas, au cours de la séance du matin, les journalistes perçoivent plusieurs petits changements qui en disent long sur la situation politique générale. Par exemple, les discussions amicales entre Alain Aoun et Fouad Siniora, les salutations chaleureuses entre Georges Adwan et Ali Fayad, les apartés du ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur Élias Bou Saab (lorsqu'il ne feuilletait pas un livre qu'il a apporté avec lui) avec plusieurs députés du 14 Mars, et ainsi de suite. Seul Serge Torsarkissian ne change pas, lançant des boutades qui lui valent des remarques sévères du président de la Chambre qui va même jusqu'à le menacer d'un avertissement. Mais Torsarkissian réussit une gageure : faire sortir l'ancien Premier ministre Nagib Mikati de ses gonds en lui disant que « son centrisme a échoué et que son gouvernement a pris des décisions partiales et nuisibles ». Mikati ne peut pas laisser passer cela et défend son action, tout en mettant l'accent sur le fait que ceux qui l'ont férocement combattu, lui reprochant de parler avec le Hezbollah, s'assoient aujourd'hui à côté de ses représentants...

 

Le « discours-événement » de Sethrida Geagea
Toutefois, la grande surprise de la journée est venue du discours de Sethrida Geagea qui a concrétisé en quelque sorte la déclaration de Samir Geagea dans laquelle il se prononce en faveur d'un dialogue sérieux avec le Hezbollah. Mme Geagea commence son allocution par la phrase suivante : « Si l'Iran a pu ouvrir un dialogue avec son Satan, les États-Unis, nous devrions à plus forte raison pouvoir le faire avec nos partenaires au sein de la patrie... » Elle établit ensuite un parallèle entre le Hezbollah et les Forces libanaises, tous deux, selon elle, des partis ayant une solide base populaire, un programme politique clair (même s'il est contradictoire) et un commandement proche de la base. Elle compare ensuite les parcours du secrétaire général du Hezbollah, qui a eu un fils martyr et a été contraint de rester plusieurs années sous terre, et celui du chef des FL qui a passé onze ans en prison. Elle invite enfin le Hezbollah à une décision courageuse, similaire à celle des FL lorsqu'elles ont remis leurs armes à l'État en 1991, assurant que le Hezbollah, comme l'ont fait les FL, parviendra à être un parti politique puissant et influent. Sethrida Geagea lance aussi une pointe « aux alliés », en leur disant que l'expérience qu'ils affirment vouloir tenter aujourd'hui dans le gouvernement a déjà été essayée et a échoué...

 

(Lire aussi : Geagea : Le 14 Mars devrait faire accéder l’un des siens à la présidence de la République)


L'autre surprise est venue de Mouïne Merhebi, un des faucons du 14 Mars, qui s'est contenté d'un vague discours dans lequel il a appelé au déploiement de l'armée aux frontières. Au nom du bloc du Changement et de la Réforme, Ibrahim Kanaan définit à son tour les trois missions attendues du gouvernement : assurer la sécurité, poursuivre le lancement de l'exploitation du secteur pétrolier et préparer le terrain à l'élection présidentielle. Ammar Houri, qui parle aussi au nom du bloc du Futur, rappelle que ce gouvernement n'a pas pour vocation de régler les problèmes en suspens, mais d'encadrer le conflit pour le maintenir dans des limites acceptables. Selon lui, les trois points conflictuels sont les suivants : l'implication dans la guerre en Syrie, les armes à l'intérieur du pays et la coopération avec le TSL. Tout en se gardant bien de prononcer le mot Hezbollah, il précise que la résistance est reconnue parce qu'elle est validée dans l'article 51 de la Charte des Nations unies. Berry s'empresse de dire qu'elle l'est surtout « à cause des sacrifices de nos fils et des vôtres »... Houri poursuit en affirmant que la formule « armée-peuple-résistance » a été trouvée par l'ancien Premier ministre Fouad Siniora dans son second gouvernement. Et Berry, toujours prêt à égratigner ce dernier, lance : « Tous les maux viennent de là. »


Mohammad Kabbani dresse un long programme de travail pour le gouvernement. Ce qui pousse Serge Torsarkissian à lui demander : « Tout cela doit-il être fait en deux mois ? », et Nehmetallah Abi Nasr évoque la question des émigrés libanais, d'autant plus importante aujourd'hui, puisqu'il y a un million et demi d'étrangers sur le sol libanais. Le thème des réfugiés syriens est aussi évoqué avec véhémence par le député de Zahlé Assem Araji qui incite le gouvernement à réagir, car les Syriens sont en train de prendre les emplois à la place des Libanais et que la situation est devenue intenable dans la Békaa... Alaëddine Terro espère que le compromis autour du gouvernement soit le premier pas vers un grand accord, et les discours se succèdent dans un climat plutôt calme et bon enfant qui pousse les députés du Hezbollah venus en rangs serrés et en état d'alerte à baisser la garde. Tout le monde est désormais convaincu que le vote se fera sans problèmes avec une large confiance, car le bloc du Futur a promis de donner une leçon à Mikati, dont le gouvernement n'avait obtenu qu'une confiance étroite...

 

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Chaque arrivée est une histoire – surtout à l'ombre des mesures de sécurité exceptionnelles autour du Parlement –, mais la plus remarquée est celle du ministre de l'Énergie et de l'Eau, Arthur Nazarian, dans une Porsche ultrasport. Le Premier ministre Tammam Salam conduit lui aussi sa voiture, avec à ses côtés le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk. Souriant et courtois comme à...

commentaires (2)

"Après les événements de la veille sous couvert de solidarité avec Ersal." ! Pourquoi donc, "sous couvert", äaïynéh ?

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

15 h 53, le 20 mars 2014

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Commentaires (2)

  • "Après les événements de la veille sous couvert de solidarité avec Ersal." ! Pourquoi donc, "sous couvert", äaïynéh ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 53, le 20 mars 2014

  • ET MAINTENANT "TOUS" AU DIALOGUE ET À L'ENTENTE ! PLUS D'ABRUTISSEMENT ACCEPTABLE. LE PEUPLE EN A MARRE DE VOUS TOUS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 03, le 20 mars 2014

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