Sacha Dahdouh, une actrice qui s'impose de plus en plus. Photo DR
Interpréter un personnage de super vilaine, voilà bien une première pour l’actrice Sacha Dahdouh, qui incarne sur le petit écran la très exécrable et non moins charismatique Cyrine, alias « Cyrine la vipère », dans le nouveau feuilleton de Shahid, Loobat Hob, aux côtés de Nour Ali, Moatasem Annahar, Chukran Mourtaja, Joe Trad et bien d’autres. Dans ce « jeu amoureux », une adaptation de la série turque à succès Kiralik Ask, une comédie romantique, cette redoutable manageuse est prête à tout pour arriver à ses fins et conquérir le cœur de Malek, en usant de ses artifices, de ses regards manipulateurs, de ses belles tenues et de sa gestuelle névrosée.
L'affiche de la série qui connaît un grand succès, de gauche à droite et de haut en bas : Moatasem Annahar et Nour Ali, Ayman Reda, Ayman Abdel Salam, Choukran Mourtaja, Sacha Dahdouh et Joe Trad. Photo DR
Si le personnage ne ressemble en rien à l’actrice, naturelle et avenante dans la vraie vie, Sacha Dahdouh semble avoir convaincu par son interprétation. Si bien qu’on l’arrête dans la rue en la qualifiant de « vipère », et qu’elle reçoit au quotidien des messages des fans de la série qui lui reprochent tous les mauvais tours qu’elle joue à Sama, la protagoniste qui, dans l’histoire, est contrainte d’accepter une offre inouïe en échange d'argent. Celle de faire en sorte que Malek, un riche créateur de chaussures, tombe amoureux d'elle et l'épouse. Mais c’est sans compter les manigances de Cyrine !
« Après le succès du feuilleton Ennar Bennar en 2023, où j’avais le rôle de Amar qui m’avait fait gagner la confiance du public, j’avais besoin d’un changement, explique Sacha Dahdouh à L’Orient-Le Jour. Quand on m’a proposé d’interpréter le personnage de Cyrine, on m’a demandé de regarder deux épisodes de la série turque originale, pour comprendre qui était cette femme. Honnêtement, je n’ai pas pu m’arrêter avant d’avoir terminé la saison… J’ai aimé le feuilleton, son bel esprit, ses personnages, et surtout Cyrine qui m’a beaucoup interpellée. C’est un personnage aux mille couleurs qui m’a vraiment intéressée en tant qu’actrice, puisqu’elle évolue et se transforme au fil des épisodes. J’avais besoin de ce changement dans ma carrière, de franchir un cap. »
Dépaysement
À l’heure où les adaptations de séries turques connaissent un grand succès dans l’ensemble du monde arabe, au dam de certains acteurs qui préfèrent les scénarios originaux, Sacha Dahdouh affirme qu’elle ne prend pas parti, assurant toutefois que ce genre de tournage n’est pas une partie de plaisir. « Il a duré neuf mois, en Turquie, raconte-t-elle. C’est quand même hyper long et cela requiert énormément de travail et de sérieux. Au départ, j’appréhendais l’expérience et je me demandais comment j’allais cohabiter avec un seul et même personnage pendant neuf mois. Je me demandais si j’allais m’ennuyer, si j’allais arriver à un point où mon jeu d’actrice allait tomber dans une routine. J’ai d’ailleurs eu besoin de temps pour sortir de la peau de Cyrine, une fois le tournage terminé. »
Par ailleurs, il était difficile pour l’actrice de s’adapter au tournage en Turquie. « C’est un nouvel environnement où on rentre chaque soir à l’hôtel, explique-t-elle. On y perd ses repères. De plus, l’équipe de tournage parlait exclusivement le turc. Heureusement, mes enfants ont pu venir passer deux mois avec moi, et la production de MBC et O3 était là pour nous, dans une véritable ambiance de famille. Un mois de préparations et de lecture nous a aidés à rentrer dans le bain et à dessiner nos personnages. Car même si nous nous inspirons d’une série déjà existante, nous voulions absolument apporter notre touche personnelle. Nous avions la liberté de jouer avec nos propres outils, notre gestuelle, notre vision. Et si le réalisateur ne parlait qu’un peu d’arabe, nous avons commencé à nous comprendre, après quelque temps, lui en arabe, nous en turc ! »
Sacha Dahdouh, une belle devenue vipère le temps d'une série. Photo DR
Persévérance
Amoureuse de son métier, Sacha Dahdouh y est investie au quotidien et continue d’explorer les facettes de son talent avec des professionnels, et des cours qui lui permettent d’élargir ses horizons et de laisser libre cours à son imagination. Pour elle, c’est un moyen de rattraper un rêve, elle qui n’avait pas été encouragée par ses parents à suivre des études de théâtre, qui craignaient un « milieu difficile ».
Au Liban et dans le monde arabe, nombreux sont ceux qui se souviennent d’elle en tant que présentatrice d’émissions matinales sur des chaînes différentes, de la NBN à al-Aan Dubaï en passant par LBC SAT, Rotana, et al-Jadeed. Une page qu’elle a tournée, du moins pour le moment. « Je crois que j’ai fait ce que je devais faire dans le monde du journalisme, dit-elle. Le plus important pour moi, c’est que j’ai toujours été moi-même. Aujourd’hui, le tournage est un plaisir qui fait ressortir toutes mes émotions et qui m’épanouit. » « Oui, la chance a tardé à se présenter, souligne-t-elle. Pendant longtemps, on ne me voyait pas en tant qu’actrice, mais chaque chose vient en son temps. J’ai tenu bon et dans la vie tout est persévérance. »
La chance pour Sacha Dahdouh s’est présentée en 2018 avec le réalisateur Serge Oryan, qui avait collaboré avec elle sur des publicités, et qui lui propose le rôle principal dans la série Beirut City. « Il voulait des jeunes filles sans expérience qui ressemblent aux femmes de Beyrouth, se rappelle Sacha. Je revois ces images et je me dis que c’était top pour une première fois, même si j'ai évolué depuis et que j’aurais joué différemment ce personnage aujourd’hui. »
Après Beirut City, les feuilletons se suivent et ne se ressemblent pas : al-Aawda, Dahab Bent el-Hotel, al-Bari’a, Awlad Adam. L’actrice a la chance de collaborer avec de grands réalisateurs comme Rami Hanna, Allaith Hajjo et Mohammad Abdel Aziz. « Ils ont cru en moi et m’ont beaucoup donné, dit-elle. J’ai pour eux une grande affection. »
Mais c’est le feuilleton Ennar Bennar qui marque un tournant dans la carrière naissante de la jeune femme, et pour lequel elle est récompensée par un Murex d’or. « Le personnage de Amar, cette femme libanaise qui défend son foyer face à toutes sortes de défis, et qui doit supporter un mari qu’elle aime mais qui a une addiction aux jeux, a touché le public, assure Sacha. Sans oublier le sujet du feuilleton qui explore les relations entre Libanais et réfugiés syriens. L’alchimie entre l’acteur Tarek Tamim et moi a beaucoup aidé. Nous avons vécu une connexion intense. »
« Ce sont ces rôles intenses qui me touchent, me provoquent, et que j’aimerais présenter au public dans les années à venir », ajoute la jeune maman, qui révèle que son plus gros défaut est de sans cesse réfléchir et de trop planifier. « Cela me fatigue, mais j’essaie tant bien que mal de vivre l’instant présent sans trop m’inquiéter. C’est un effort qu’il faut faire au quotidien, surtout dans ce Liban qu’on aime sans savoir de quoi sera fait demain. »
