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Campus - DÉBAT

Le cri d’alarme des étudiants en sciences infirmières

Des étudiants issus de différentes universités libanaises ont dressé un état des lieux des difficultés auxquelles ils sont confrontés lors de la troisième conférence de la LNSA.

Le cri d’alarme des étudiants en sciences infirmières

Plus de 600 jeunes étudiants en sciences infirmières, en provenance de toutes les facultés du Liban, se sont inscrits pour faire entendre leur voix. Photo Micheline Abi Khalil


Ce samedi 27 avril, le hall d’entrée du palais de l’Unesco à Beyrouth bruissait de va-et-vient, alors que devait se tenir un panel de discussion organisé par l’Association libanaise des étudiants en sciences infirmières (Lebanese Nursing Student Association ou LNSA) dans le cadre de sa 3e conférence. Répondant à l’appel de l’association étudiante fondée au sein de l’ordre des infirmières et infirmiers du Liban (OIL), plus de 600 étudiants en sciences infirmières, issus de toutes les facultés du Liban, se sont inscrits pour faire entendre leur voix. Devant la présidente de l’OIL, Rima Sassine-Kazan, et un large auditoire d’étudiants, huit universitaires ont été invités à prendre place sur le podium pour débattre de trois axes majeurs : la formation universitaire en sciences infirmières, les sciences infirmières à l’ère de l’intelligence artificielle et l’avenir de la profession. Modéré par notre collègue Roula Azar Douglas, récemment nommée coordinatrice de l’Observatoire national des femmes dans la recherche, le panel se veut une plateforme d’expression pour les étudiants afin d’explorer les différents aspects de la profession et de faire entendre leurs inquiétudes et difficultés. Il a donné la parole à Nada Atiyeh, en première année de sciences infirmières à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), Leyla Elleik, en 3e année à l’Université de Balamand (UOB), Ola Itani, en 3e année à Makassed, Fadia Shamieh, en 2e année à l’Université Jinan à Saïda, Rana al-Kassem, en 3e année à l’Université islamique du Liban (IUL) à Tyr, Karen Njeim, en 2e année à l’Université Antonine (UA), Jad Ali Hassan, en 2e année à l’Université arabe de Beyrouth (BAU), et Élias Bader, en 3e année à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ). Les panelistes ont été rejoints par Léa Fleihan, représentant l’Université libanaise (UL). D’emblée, la jeune infirmière résume le calvaire enduré depuis des années déjà par ses camarades étudiants à l’UL : grèves répétitives, enseignement en ligne, pénurie de papiers et d’encre, bâtiments, labos et salles non équipés, etc. « Souvent, nous devons quémander une chaise pour assister à un cours, sachant que certains étudiants de deuxième année, par exemple, ont dû reprendre des matières de la première année en raison du manque d’enseignants », lance-t-elle avec une amertume empreinte de souffrance sarcastique.Les témoignages se sont enchaînés, abordant pêle-mêle de nombreux aspects : la nécessité de repenser les cursus et les stages, d’assurer un tutorat de qualité et un meilleur encadrement, d’adopter des pratiques de simulation en laboratoire plus efficaces et de fournir un soutien psychologique essentiel pour aider les étudiants à faire face à la charge physique et émotionnelle, notamment lors des stages, afin de préserver leur santé mentale. Apparaissent aussi l’urgence d’améliorer les conditions de stage et de travail pour les soignants, le manque de personnel dans les hôpitaux, l’épuisement professionnel et les difficultés rencontrées par les étudiants palestiniens pour trouver un emploi au Liban. Malgré quelques ajustements salariaux proposés par quelques hôpitaux, en réponse aux revendications de l’OIL, les rémunérations demeurent insuffisantes, et de nombreux étudiants sont contraints d’accepter des emplois supplémentaires pour financer leurs études. En outre, la migration interne des zones rurales vers la capitale en raison des disparités entre les structures hospitalières, ainsi que l’exode des infirmières et infirmiers à la recherche d’un avenir meilleur, ont été évoqués. Les conséquences de la guerre au Liban-Sud ont été mentionnées, ainsi que la proposition de fournir des aides universitaires et scolaires aux enfants des infirmiers et infirmières, et le besoin de mieux faire reconnaître la valeur de la profession. Tout a été dit. De manière franche, directe et sans détour. Le ressenti des étudiants est clair et ils considèrent que les autorités ne prennent pas pleinement la mesure de la situation : s’ils sont fiers du métier qu’ils ont choisi, ils estiment ne pas recevoir la reconnaissance qu’ils méritent, notamment sur le plan salarial. Ils se plaignent aussi de devoir exercer sous pression et de jongler avec des horaires atypiques éreintants fragilisant l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, alors que la plupart d’entre eux sont obligés d’avoir un boulot parallèle pour pouvoir payer leurs études.

Avec l’IA, pas de contact humain

En ce qui concerne le deuxième axe sur lequel a porté la discussion, les étudiants reconnaissent les limites de l’intelligence artificielle (IA) qui n’est « autre qu’une machine » qui peut être biaisée. Bien que l’IA procure des outils, des conseils et du soutien aux professionnels de la santé, les étudiants ne se sentent pas « menacés » par l’IA, car elle ne pourra en aucun cas remplacer le « contact humain », « la touche humaine », ni simuler « l’intelligence émotionnelle, la bienveillance et l’empathie ». Plus d’une heure et demie de discussions n’auront pas suffi pour permettre aux étudiants de vider leur sac et d’exprimer toutes leurs préoccupations. Vers la fin de la rencontre, des dizaines d’étudiants du public ont pris la parole à la tribune, exprimant leurs défis au Liban et appelant directement la présidente de l’OIL à poursuivre ses efforts pour améliorer les conditions de travail du corps infirmier afin de l’inciter à rester dans le pays. Pour beaucoup d’entre eux, vivre au Liban n’est plus une option envisageable. Parmi les problématiques soulevées, on retrouve le laxisme de l’État et l’absence d’une politique nationale de recrutement et de rétention du personnel infirmier au Liban. Précarisés et démoralisés, leur cri d’alarme intervient à un moment où les progrès tangibles tardent encore à se concrétiser. À travers ces questions, c’est bien l’enjeu de tout le système de santé qui est mis en question.

Ce samedi 27 avril, le hall d’entrée du palais de l’Unesco à Beyrouth bruissait de va-et-vient, alors que devait se tenir un panel de discussion organisé par l’Association libanaise des étudiants en sciences infirmières (Lebanese Nursing Student Association ou LNSA) dans le cadre de sa 3e conférence. Répondant à l’appel de l’association étudiante fondée au sein de l’ordre...
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