Après la "mort" de la loi dite orthodoxe, les FL et le CPL règlent leurs comptes

Le ton avait été donné dès hier. Alors que la séance parlementaire qui était prévue hier pour trancher le débat sur la loi électorale était reportée à vendredi, ce qui a sonné le glas du projet dit "orthodoxe", surtout après l’accord 14 Mars-PSP sur une formule mixte, Michel Aoun et Samir Geagea s'étaient déjà interpelés par conférences de presse interposées. Le premier accusant le second de ne pas avoir tenu ses engagements initiaux en faveur de la proposition Ferzli, le second appelant à vite faire le deuil de la proposition de loi orthodoxe et de soutenir la formule mixte obtenue par l’accord avec le Courant du Futur et le Parti socialiste progressiste (PSP).

Aujourd'hui, les deux camps ont développé leur argumentaire à charge l'un contre l'autre.

Lors d'une conférence de presse tenue à Meerab, Samir Geagea, s'en est violemment pris au Courant patriotique libre  (CPL) et Michel Aoun, dénonçant une campagne médiatique mensongère le visant, au lendemain de l'accord conclu entre des membres du 14 Mars et le PSP sur une formule de loi électorale mixte.

A l'origine, les Forces Libanaises (FL), à l'instar des Kataëb et du CPL, soutenaient la proposition de loi du rassemblement orthodoxe, rejetée par le Courant du Futur, le PSP, le président Michel Sleiman et les indépendants du 14 Mars.

"Dans tous leurs médias et sur les réseaux sociaux, ils accusent les FL d'avoir trahi les chrétiens (en se détachant de la loi orthodoxe) et d'avoir pris une décision qui n'est pas sage, a dénoncé M. Geagea. La seule décision pas sage que j'ai prise, c'est d'avoir discuté avec le CPL pendant des semaines sur une loi électorale." Accusant le CPL de faire assumer son échec aux FL, Samir Geaega l'a qualifié de Courant "ni patriotique, ni libre."

M. Geagea a estimé que la campagne médiatique du CPL va plus loin que la loi électorale et vise l'essence de son parti. "Les FL sont victimes d'une nouvelle guerre d'élimination, après celle de 1989 (menée par Michel Aoun, alors chef de gouvernement, contre les FL, ndlr)", a-t-il martelé. Et de poursuivre : "Cette campagne, dont Michel Aoun est seulement la vitrine, est orchestrée par la Syrie et l'Iran en réaction aux positions des FL à l'égard du Hezbollah et de la crise syrienne."

Evoquant le dossier de la loi électorale, le chef des FL a assuré lors de sa conférence de presse que le véritable but de Michel Aoun est de revenir à la loi de 1960 (actuellement en vigueur), parce que "selon les récentes statistiques, son parti a perdu de son poids politique sur la scène chrétienne et qu'il avait été détrôné par les FL". "S'il tenait vraiment à la loi orthodoxe, pourquoi les ministres de son parti ont-ils participé à la séance au cours de laquelle le gouvernement a transmis un projet de loi basé sur la proportionnelle?", a-t-il demandé. Le chef des FL a assuré qu'il n'y aura pas de retour à la loi de 1960 et appelé les députés à soutenir le projet de loi mixte demain à l'Assemblée.

Trahison

A peine Samir Geagea avait-il fini sa conférence de presse, que le ministre démissionnaire de l'Energie et de l'Eau, Gebran Bassil, CPL, prenait la parole.

Pour M. Bassil, l'accord de Taëf s'est effondré de la même manière que la proposition de loi électorale dite du rassemblement orthodoxe. "Vingt-quatre ans après l'accord de Taëf nous avons eu une opportunité de l'appliquer et d'améliorer la loi électorale, mais nos confrères (Forces libanaises) l'ont fait chuter", a lancé M. Bassil lors de sa conférence de presse. "La loi électorale dit du Rassemblement orthodoxe aurait pu préserver la vie commune et renforcer le rôle des chrétiens dans le pays, tout en assurant un équilibre des pouvoirs", a-t-il ajouté.

"Nous avons expliqué à nos alliés que s'ils refusaient cette loi, nous serions prêts à laisser tomber notre alliance avec eux", a assuré M. Bassil. Le projet de loi orthodoxe est celui "qui respecte le plus la Constitution et les conventions signées par le Liban", a-t-il ajouté. "Nous avons tout fait pour préserver cette opportunité et ce rêve de donner aux chrétiens libanais 64 députés élus par les chrétiens eux-même", a-t-il encore dit, tout en assurant que son parti a refusé de discuter avec ses alliés de quelque autre projet de loi que ce soit.

"Il n'y a même pas eu de discussion au sein du CPL au sujet d'un projet de loi électorale autre que celui du Rassemblement orthodoxe, a-t-il insisté. Cette loi assure une protection aux chrétiens grâce à l'unité interchrétienne".

Pour finir, le ministre démissionnaire a accusé les Forces libanaises d'avoir trahi les chrétiens libanais en renonçant au projet de loi électorale dit du Rassemblement orthodoxe. "Nous ne sommes pas surpris par ce qu'ils ont fait en mettant leurs intérêts personnels avant ceux des chrétiens, en donnant la priorité aux intérêts du 14 Mars sur ceux du Liban", a indiqué M. Bassil, qui a ajouté que les FL ont aussi trahi Bkerké, siège du patriarcat maronite ainsi que le parti Kataëb. 

"Ils ont choisi (de soutenir) le Courant du futur (sunnite) au lieu des chrétiens", a-t-il martelé.

La proposition de Berry

La séance parlementaire, qui était prévue hier mercredi et dont l’ordre du jour avait été limité par le chef du Législatif, Nabih Berry, à la seule proposition orthodoxe, a été reportée à "probablement" vendredi afin de permettre davantage de concertations entre les blocs parlementaires à la lumière de l'accord conclu entre le 14 Mars et le PSP.

Parallèlement, la sous-commission électorale ad hoc, qui avait été chargée de plancher sur un projet de loi électorale, a repris mercredi ses réunions sous la présidence de M. Berry.

Jeudi, le président du Parlement a présenté à la sous-commission parlementaire une nouvelle proposition de loi "mixte". Cette proposition stipule l’élection de la moitié des députés au scrutin majoritaire sur base d'un découpage de 26 circonscriptions et l’autre moitié sur la base de la proposition orthodoxe (scrutin proportionnel), le Liban étant considéré comme une circonscription unique.

Les réunions de cette sous-commission, qui avait suspendu ses travaux le 23 avril après un énième échec des pourparlers, resteront ouvertes d'ici à vendredi.

Premier à réagir à la nouvelle proposition de M. Berry, le président des Kataëb Amine Gemayel a estimé qu'elle pourrait être un début de solution à la crise. A l'issue d'une rencontre avec le Premier ministre désigné Tammam Salam, M. Gemayel a assuré que son parti soutient toute solution consensuelle qui préserve l'intérêt national à travers une loi juste et équitable. Contrairement à leurs alliés du 14 Mars, les Kataëb ont continué de soutenir, hier, le projet de loi dit du Rassemblement orthodoxe.

 
M. Berry a retiré jeudi soir le projet de loi électorale "mixte" qu'il avait proposé après que le Courant du futur l'a rejeté, a rapporté l'Agence nationale d'information (ANI, officielle).

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