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À La Une - La situation

Funérailles nationales pour la proposition orthodoxe

Accouchement difficile pour la loi mixte...

Les « funérailles » de la proposition Ferzli, hier, au Parlement, n’ont pas terni la bonne humeur de Sethrida Geagea, Farid Makary et Fouad Siniora. Photo Sami Ayad

Le Liban est officiellement entré hier dans sa phase « post-orthodoxe ». Les funérailles ont été organisées au Parlement, où le chef du Courant patriotique libre (CPL), le député Michel Aoun, a prononcé une eulogie en faveur du disparu, vouant aux gémonies les Forces libanaises (FL) de Samir Geagea qui, selon lui, n’ont pas tenu leur engagement initial en faveur de la proposition Ferzli. Mais c’est certainement le président des FL lui-même qui a prononcé l’absoute à partir de Meerab, louant certes les vertus de la défunte proposition, mais appelant à en faire bien vite le deuil en faveur de l’exploit national consensuel obtenu par l’accord avec le courant du Futur et le Parti socialiste progressiste (PSP) sur la proposition mixte.


Ces obsèques éphémères, pour un projet qui aura pourtant alimenté les débats les plus passionnés deux ans durant, ont ainsi marqué la fin de la trêve chrétienne entre le CPL et les FL, les partisans du premier ayant initié hier, avant même le discours tonitruant de leur chef au Parlement, une campagne sur les réseaux sociaux visant à présenter Samir Geagea comme étant « le valet des sunnites », dans un processus aouniste classique de stigmatisation qui est le même depuis 2005. Le schème est le suivant : il s’agit de diaboliser l’adversaire comme un traître pour la cause chrétienne, afin d’exciter les instincts sectaires et démagogiques les plus bas et de lancer contre lui, par suite, une campagne populiste en bonne et due forme afin de l’abattre aux prochaines législatives. Il faut parier que la confrontation frontale entre les deux partis chrétiens, pourtant évitée et reportée par les deux chefs à plusieurs reprises durant les dernières années, aura bel et bien lieu cette fois dans les semaines à venir si ce climat d’accusations de « trahison » se maintient. Gebran Bassil, qui doit prendre cet après-midi la parole, devrait rapidement donner le ton de l’étape à venir.


En marge des deux poids lourds de la rue chrétienne, le parti Kataëb, lui, a préféré se démarquer. Aussi a-t-il exprimé ses réserves hier vis-à-vis de la proposition mixte, quand bien même, selon plusieurs sources convergentes au sein du 14 Mars, il avait dans un premier temps donné son accord de principe, mardi soir, à la nouvelle formule.

 

Deux raisons pourraient expliquer l’attitude des Kataëb, avec lesquels les contacts intensifs se poursuivaient hier pour tenter de les gagner à la cause du nouveau projet de loi électorale.
Une première serait une question de principe liée au découpage même introduit par la loi. L’on se demande ainsi, côté Kataëb, quel critère objectif a bien pu être adopté pour procéder à un découpage qui adjoindrait la région de Baabda au Metn, au Kesrouan et à Jbeil (alors que la région de Baabda a toujours été historiquement adjointe à Aley et au Chouf), ce qui crée un réservoir non négligeable de voix appartenant à la communauté chiite, donc à grande majorité pro-Hezbollah et donc pro-Aoun, qui, à la proportionnelle, ne seront pas sans peser sur les résultats et garantir un nouveau tsunami orange dans ces régions. De même, pourquoi le législateur a-t-il décidé de scinder les différentes régions entre des sièges attribués à la proportionnelle et d’autres au scrutin majoritaire (comme au Metn ou à Baabda), alors que, par exemple, les deux sièges de chacune des régions de Bécharré (prédominance FL), de Batroun (à l’avantage des FL et de Boutros Harb) ou de Saïda (en faveur du courant du Futur), sont attribués au scrutin majoritaire...? Deux poids, deux mesures et découpage politique sans critère objectif, donc... et satisfaisant surtout Walid Joumblatt, mais pas les Kataëb.


Une deuxième raison du refus Kataëb, non avouée celle-là, serait, de l’avis de certains observateurs, une volonté manifeste de se démarquer du rival FL, en refusant d’adhérer aussi facilement à la proposition mixte après avoir aussi longtemps défendu les vertus du projet Ferzli. À voir la réaction aouniste au positionnement de Samir Geagea sur la loi mixte, cette impression ne peut que se confirmer. C’est pourquoi l’on pense, au niveau du 14 Mars, que le parti Kataëb rejoindrait, au final, la majorité qui s’est dessinée autour du nouveau projet.


Cependant, il ne suffira pas de convaincre ses alliés seulement. Le projet dit orthodoxe est tombé d’abord parce qu’il n’avait pas réussi à dégager une majorité multicommunautaire, car totalement rejeté par les principales formations sunnite – le courant du Futur – et druze – le PSP. Le même problème risque de se poser avec le projet mixte, mais cette fois avec la communauté chiite. Le Hezbollah a ainsi déjà donné hier les premiers signes, au Parlement, de froideur parfaite vis-à-vis de cette loi. Le 14 Mars et le PSP comptent, eux, sur le président de la Chambre, Nabih Berry, qui avait été le premier à lancer l’idée d’une loi mixte. Mais la partie n’est pas gagnée pour autant. Et il s’agira de savoir, dans les jours à venir, si Nabih Berry peut se démarquer de son puissant allié, le Hezbollah.


En attendant, les travaux de la commission de suivi ont repris hier sous la présidence de M. Berry pour tenter de parvenir à un accord avant la nouvelle séance de l’Assemblée fixée pour vendredi, mais, encore une fois, rien n’est gagné. Ce qui fait dire à certains observateurs neutres qu’en fin de compte, le projet mixte ne verra pas le jour, mais qu’il aura servi, en fin de compte, à annihiler la proposition orthodoxe... Si cela s’avère vrai et que l’accord sur la loi mixte est impossible du fait de l’incapacité de Berry à suivre en raison d’un éventuel veto du Hezbollah, ce sera, pour tous, un triste et sinistre recommencement, avec le retour à la loi de 1960, toujours en vigueur... À moins, une fois de plus, que, compromis oblige, une sorte de loi hybride adoptant des éléments des deux propositions, ou encore un remaniement de la fameuse loi de 1960, ne vienne sortir tout le monde de l’impasse. Avec toujours la possibilité, en cas d’échec, d’une prorogation « technique » du mandat de la Chambre de six mois, sinon même, dit-on, d’un an...


C’est dans ce climat de confusion que le Premier ministre désigné Tammam Salam souhaite provoquer l’accouchement de son cabinet de « sympathisants », au début de la semaine prochaine, selon la formule dite de « 3 x 8 ». Mais le vice-secrétaire général du Hezbollah, Naïm Kassem, a rejeté cette proposition hier, s’en prenant aux garanties données par M. Salam au 8 Mars de « démissionner lui-même » en cas de problème au sein du cabinet. « Ce ne sont là que des paroles. Nous voulons la capacité concrète de faire face nous-mêmes aux pressions auxquelles vous ne pourrez pas faire face. Nous voulons être représentés en fonction de notre poids au Parlement », a lancé Naïm Kassem à l’adresse du Premier ministre désigné... avec, en tête, une diminution du quota de ministères accordé aux « centristes »... Un moyen comme un autre de réclamer, une fois de plus, le tiers de blocage – ce que Tammam Salam continue de refuser par principe. N’est-ce d’ailleurs pas dans cet esprit, celui du tiers de blocage, et surtout du « blocage », que Nabih Berry avait parlé lundi d’une volonté de concocter un « Doha » libanais ?

 

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