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Nos Lecteurs ont la Parole

Touche pas à ma neutralité

Par Peter GERMANOS
Futile est la personne ou le pays qui aliène sa liberté à un parti ou à un axe. Il faut que le pays du Cèdre adopte la seule et unique cause qui est la sienne, puisqu’en gardant jalousement son indépendance, il deviendra le maître de tous ceux qui le maltraitent et le traitent en État tampon. Si un homme ou un pays a l’impression qu’il vous tient, qu’il soit frère, cousin ou ami, à quelque degré que ce soit, vous perdez toute influence sur lui. Par contre, quiconque qui ne reçoit pas votre appui essaiera de vous gagner à sa cause. Le Liban a tout intérêt à garder ses distances avec les uns et les autres, aiguisant les espoirs mais ne satisfaisant jamais. Le but de cette politique de neutralité adoptée par maints partis et hommes politiques et religieux n’est pas de repousser les pays, ni les axes, ni de paraître incapable d’engagement. Comme la reine Élisabeth I, dite la Reine vierge, il faut exciter, stimuler l’intérêt, attirer, en insinuant que l’on est ouvert à toutes sortes de propositions, flirter à l’occasion, mais ne jamais conclure. En fait, le Liban ne devrait pas être le laquais d’aucune cause sauf la sienne, puisque, selon une ancienne fable indienne, le faible profite des querelles des puissants et qu’un engagement en tire après soi un autre plus grand, et d’ordinaire le précipice est à côté. Celui qui a la raison pour guider ce bon peuple trouvera sûrement plus d’avantage à ne point s’engager qu’à vaincre, et ce malgré les vociférations de quelques étourdis. Il faut admettre que le jeu proposé ici est délicat, mais il demeure l’unique voie de salut pour un pays déchiré par un nombre incalculable de communautés, de partis et de tendances et ceci sans armes ou ressources ni appui réel.
Or la neutralité voulue pour le Liban relève du droit international public. Elle est à distinguer de la politique de neutralité adoptée par l’actuel gouvernement, laquelle comprend l’ensemble des mesures qu’un État neutre prend de son plein gré, en temps de guerre voire déjà en temps de paix, pour garantir l’efficacité et la crédibilité de sa neutralité, qu’elle soit temporaire ou permanente. Pour que cette neutralité de droit international public prenne toute son ampleur juridique et diplomatique, il faut qu’elle soit proclamée dans la Constitution et que cette proclamation soit communiquée aux Nations unies pour qu’elles prennent note. Plusieurs pays ont déjà choisi la voix de la neutralité légale, dont l’Autriche (depuis 1955), le Costa Rica (proclamée en 1986), la Finlande (depuis 1955), l’Irlande, Malte, la Moldavie (art. 11 de la Constitution de 1994), la Suède, la Suisse (neutralité perpétuelle de la Suisse depuis le congrès de Vienne de 1815) et enfin le Turkménistan, dont la neutralité fut reconnue par l’ONU en décembre 1995. Pourquoi pas le Liban?
Le monde arabe a tout à gagner de la neutralité du pays du Cèdre et absolument rien à perdre. Dans un Levant en pleine tourmente, les havres de paix profitent à tous. De même, la communauté internationale devrait appuyer, malgré ces intérêts précaires, la neutralité du Liban pour un monde plus coopératif et une chance, quelque minime qu’elle soit, à la symbiose et à la complémentarité des religions et des cultures. En effet, la paix requiert un engagement aussi important que la guerre, sinon plus. Mais il revient avant tout aux descendants d’Ahiram d’œuvrer pour le salut de leur nation, loin des égoïsmes ancestraux et des chicanes de petites boulangères.
Futile est la personne ou le pays qui aliène sa liberté à un parti ou à un axe. Il faut que le pays du Cèdre adopte la seule et unique cause qui est la sienne, puisqu’en gardant jalousement son indépendance, il deviendra le maître de tous ceux qui le maltraitent et le traitent en État tampon. Si un homme ou un pays a l’impression qu’il vous tient, qu’il soit frère,...
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