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Nos Lecteurs ont la Parole

Pour que cessent les crimes environnementaux au Liban

En 1996, le biologiste Arthur Galston inventa le mot « écocide », face aux crimes environnementaux causés par les États-Unis lors de la guerre du Vietnam. Par la suite, les juristes se sont accordés sur la définition suivante des crimes environnementaux : tout dommage grave d’origine anthropique porté aux communs naturels que sont les écosystèmes et leurs sous-ensemble écologiques. Dans le contexte global actuel, les gouvernements commencent à agir contre le réchauffement climatique mais pas assez efficacement, considérant que les politiques vertes sont secondaires et incompatibles avec leurs politiques de marché. Toutefois, il convient dans ce cas de citer Louis Schweitzer : « Le développement durable n’est ni une utopie ni même une contestation, mais la condition de survie de l’économie de marché, donc, pour les climatosceptiques et négateurs de la question environnementale qui prônent souvent des politiques économiques conservatrices et des intérêts industriels, leur négation ne peut être que réfutée considérant que l’absence de ressources naturelles n’engendrera que la paralysie de l’économie du marché. » La protection de l’environnement transfrontalier, principe du droit international public, caractérise la souveraineté des États dans la protection de leur environnement, mais également l’obligation de ne pas porter atteinte à l’environnement d’un autre État. Ces principes protecteurs sont cristallisés dans la Convention de Rio de 1992 dont le Liban a signé plusieurs conventions.

Dans notre pays, la situation environnementale ne peut être qualifiée autrement que de funeste, dans la mesure où les crimes environnementaux au niveau interne ne cessent de s’accroître malgré des dispositions légales qui servent à limiter cela. Il en va de même pour les nombreux crimes environnementaux commis par Israël depuis le début de la guerre de 2023. Face à ces violations, qu’elles proviennent de sources internes ou externes, nous nous poserons la question suivante : l’état de la crise environnementale au Liban est-il aussi cataclysmique que la crise politique ?

Au niveau interne, la loi numéro 444 publiée en 2002 précise le cadre juridique général de mise en œuvre de la politique nationale de protection de l’environnement dans le but de prévenir et de freiner toutes les formes de dégradation, de pollution et de dommages, de promouvoir l’utilisation durable des ressources naturelles et d’assurer un cadre de vie écologiquement rationnel et stable. Dans ces 68 articles, cette loi détaille rigoureusement un plan élaboré afin de protéger l’environnement et renvoie au code pénal libanais en cas de violation d’une de ses dispositions. Toutefois, cet arsenal juridique théoriquement rigoureux demeure infructueux contre la lutte pratique des crimes environnementaux.

Cela est d’abord reflété à travers les abattages massifs des arbres, agissements condamnés par le code pénal. Aujourd’hui, l’abattage des arbres devient incoercible et exercé non pas par des citoyens de façon modique dans un but domestique, mais par des trafiquants de bois qui poursuivent leurs activités illicites impunément. Une telle activité constitue un délit, puisque cela équivaut à voler les ressources de l’État et le droit de propriété des citoyens, mais ces trafiquants ne redoutent pas de sanction sévère. Tel est le cas au Akkar où la région sera bientôt dépouillée de ses zones vertes. Face à cette situation alarmante, il demeure impératif d’aggraver les sanctions afin de lutter plus efficacement contre l’abattage massif des arbres.

À l’échelle de l’eau, le Liban en est l’un des pays les plus riches dans la région, vu qu’il compte plus de 2 000 rivières et 40 fleuves, dont 17 pérennes et 23 saisonniers. Cependant, le Liban est en pénurie, et la disponibilité en eau pour ses habitants est de l’ordre de 1 000 m3/habitant/an, ce qui est inférieur au stress hydrique. Le gouvernement libanais sortant peine à mettre en place un plan afin de gérer les ressources hydrauliques. Les Libanais ont aujourd’hui accès au minimum acceptable d’eau par jour, mais il y a des régions où l’eau est inexistante vu la répartition inégale des précipitations. L’Office des eaux, un service public d’approvisionnement d’eau potable non opérant dont l’abonnement jusqu’à l’année dernière dérisoire ne permet pas de couvrir ses dépenses, est également une des causes de cette répartition inégale. En outre, selon des études, l’eau au Liban est polluée et présente des résidus de métaux lourds entraînant une contamination bactérienne. Les projets de réforme sont nombreux et bien identifiés mais tardent à être mis en œuvre.

« Vous puez ». Tel est le slogan de la crise des ordures qui commença en 2015 quand les rues de la capitale furent ravagées par les déchets, et plus d’une décennie plus tard, cette crise demeure insolvable. Ce scénario assez fréquent devient routinier dans la vie des Libanais et l’amoncellement des déchets dans les rues n’est que le reflet d’un plan de gestion défectueux. En effet, l’État libanais, même au niveau des ordures, a confié à chaque communauté la tâche de se préoccuper de ses déchets dans sa région sans mettre en place un plan de gestion national.

Enfin, en juin 2023, le taux de particules fines sur le territoire libanais était 3,5 fois supérieur à celui autorisé par l’OMS. L’absence de transports en commun causant un trafic routier important, les moteurs de quartier et l’activité des usines non supervisées ne font qu’augmenter la pollution de l’air. L’inactivité du gouvernement à trouver une solution n’est pas motivée uniquement par la crise économique, mais également par le clientélisme politique.

Les citoyens et le gouvernement libanais ne sont pas les seuls bourreaux de l’environnement. En effet, le sud du Liban est victime de la guerre du 7 octobre 2023, que ce soit au niveau humain ou biotique. D’abord, plus de 462 hectares ont déjà été brûlés ; dont 27 hectares de terres agricoles. Les incendies se propagent et 40 000 oliviers ont été ravagés par les flammes, selon le ministre sortant de l’Environnement. Israël a utilisé le phosphore blanc interdit par la Convention des armes classiques de 1980. En contact avec l’oxygène, cette substance se met à brûler à des températures comprises entre 800 et 900 degrés. Donc, elle peut réduire tout organisme vivant en cendre, mettant ainsi en danger la faune et la flore. Touchant les terrains, le phosphore blanc s’infiltre dans le sol, pouvant causer très facilement des incendies ravageurs et rendre un terrain infertile pour une certaine durée. Il est également une source polluante pour les eaux marines, vu qu’il favorise la prolifération des algues, menaçant ainsi la survie des poissons.

Donc, nous nous demanderons bien si le droit de l’environnement a vocation à être effectif seulement en temps de paix.

Face à tous ces facteurs et ces événements catastrophiques, la crise environnementale ne cesse de s’aviver.

Richard Buckminster Fuller disait : « Il n’existe pas de crise énergétique, de famine ou de crise environnementale. Il existe seulement une crise de l’ignorance. »


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

En 1996, le biologiste Arthur Galston inventa le mot « écocide », face aux crimes environnementaux causés par les États-Unis lors de la guerre du Vietnam. Par la suite, les juristes se sont accordés sur la définition suivante des crimes environnementaux : tout dommage grave d’origine anthropique porté aux communs naturels que sont les écosystèmes et leurs sous-ensemble...
commentaires (1)

Ou va le Liban ?

Eleni Caridopoulou

20 h 09, le 15 mai 2024

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Commentaires (1)

  • Ou va le Liban ?

    Eleni Caridopoulou

    20 h 09, le 15 mai 2024

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