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Nos Lecteurs ont la Parole

L’égocentrisme

Maintenant qu'on a intronisé M. Obama, glosé jusqu'à plus soif sur les massacres de Gaza, versé des larmes de crocodile pour les enfants innocents assassinés aux produits chimiques prohibés dans les ruelles de cette ville dévastée, nous reprenons sagement nos vieilles habitudes avec une nouvelle pomme de discorde qui, je présume, va meubler pour un temps les soirées des salonnards, le centrisme.
Pour ou contre le centrisme ? Bien que les tenants du « pour » s'en défendent, ils tentent, sous d'innocentes apparences, d'y attirer subrepticement la présidence de la République qui, jusqu'à présent et de l'avis des observateurs, a effectué un parcours sans faute.
Je ne me ferais pas l'avocat de cette institution ; ses services abritent des personnes mieux placées pour défendre ses intérêts et partant ceux de la nation qu'elle est censée gérer non en bon père de famille, ce qui serait une utopie, mais en devenant le catalyseur des diverses tendances de façon à ce que le débat ne dégénère et ne déborde sur la rue.
Déjà avec deux enfants, il est difficile à un père de réfréner ses sentiments pour l'un ou pour l'autre, de ne pas favoriser le premier au détriment du second. Comment donc ferait-il s'il devait aussi donner de la tête à un troisième ou un quatrième qui ne seraient pas en aussi bonne santé que les autres ou encore qui voudraient les supplanter, parce qu'ils pensent faire de leur faiblesse une force ?
Passe encore si cette progéniture, dans son désir d'émancipation, avait un passé reluisant, si elle n'avait pas mangé, bu et festoyé à tous les râteliers de cette république que nous voulons voir édifier en véritable État, avec des lois applicables à tous, et non qu'elle soit morcelée en zones d'influence sur lesquelles trôneraient quelques coqs et leurs fiers à bras.
Cette tentative de créer une troisième force aurait donc été la bienvenue si la cartographie politique était plus claire. Il faut regarder la vérité en face : seul le champ chrétien connaîtra le 7 juin prochain des batailles électorales et ira comme il se doit divisé à ce combat, car pour les autres composantes du patchwork libanais, les marrons sont déjà tirés du feu et même dégustés.
Certainement qu'elle aurait été mieux accueillie, l'idée d'un courant centriste ou d'une troisième force, appelez-la comme vous voudrez, si ceux qui portent cette idée sur les fonts baptismaux étaient tout autres, non de vieux routiers de la politique qui nous ont menés où nous sommes, tablant une fois de plus sur le crétinisme latent de leurs congénères dont ils ont meublé l'horizon culturel et intellectuel avec des problèmes d'électricité qu'on ne voit plus, d'eau dispensée par nos robinets au compte-gouttes, de justice quand elle n'est pas inégale, d'inextricables embouteillages... Je passe sur les autres petits problèmes sciemment créés de toutes pièces pour détourner notre attention des réels dangers qui guettent le devenir de toute une nation.
Et quels dangers, dont le moindre serait de ne plus avoir d'appartenance à une patrie, mais à une religion ou une ethnie. La fibre sociale s'étiolant, on assiste désormais à la disparition de ce qui fait la richesse d'un pays, sa colonne vertébrale, son ossature : les classes moyennes. Deviendrons-nous un pays partagé entre nantis et dépourvus ?
Quel plan directeur a-t-on prévu pour garder cette jeunesse au Liban ? Il est vrai que l'exode vers les pays arabes est pour l'heure endigué, marasme économique planétaire oblige, mais le dicton dit qu'après une descente, il y a toujours une montée. Allons-nous faire du Liban un jardin d'enfants et un asile de vieillards ?
La liste des dangers qui nous guettent serait très longue. Je passerai sur l'économie, la médecine, la justice, la liberté, l'école et l'université pour tous, l'égalité des chances, l'eau, les espaces verts, chaque sujet en lui-même étant un problème à discuter et à résoudre.
Les hérauts de cette troisième voie ont-ils appréhendé ces difficultés ou se cantonnent-ils dans le ni pour ni contre ? Et auront-ils les moyens de cette politique ?
Le centrisme dans un pays comme le nôtre, divisé entre deux pôles d'influence, est certes une nécessité, mais encore faut-il que les tenants de cette approche aient un programme bien défini, de façon à attirer vers eux non seulement les déçus des deux camps, mais encore une frange non négligeable de la population qui ne se reconnaît pas, ou plus, dans le thèses en présence et a beaucoup de mal à accepter d'être représentée à l'Assemblée par ces candidats qu'on ne leur propose même pas, mais qu'on leur impose sous le fallacieux prétexte de faire barrage à un hypothétique retour des Syriens au Liban ou à l'hégémonie persane sur notre pays.
Ces thèses peuvent être débattues des semaines durant, mais je n'arrive pas à croire qu'elles peuvent constituer un cheval de bataille électoralement crédible. Il suffit d'un petit communiqué contraire pour mettre tout à plat. Je l'ai écrit il y a quelques semaines dans ces mêmes colonnes : la politique de la peur n'est pas payante.
Toujours est-il qu'il est inamissible d'accepter une nouvelle hypothèque sur notre pays et notre jeunesse en faveur de tiers, qui, somme toute, ont été, rappelons-le, à l'origine de tous nos maux. Nous avons compati au malheur de la population de Gaza, pleuré les enfants assassinés au phosphore, mais il ne saurait être question de nous lancer dans une nouvelle aventure comme en 1975 et faire la guerre des autres chez nous.
Tout comme il serait aberrant d'accepter qu'une partie de la population soit surarmée, même si elle assure que ces armes ne seront jamais tournées contre les Libanais ; toutefois, le souvenir du tragique dérapage de l'année passée reste vif dans nos mémoires.
Ce volet, nous dit-on, sera traité une fois retirées les armes palestiniennes hors et dans les camps. Il faut agir maintenant puisqu'un accord à ce sujet a été entériné entre les parties au dialogue national. Comment ces décideurs, qui prétendent incarner l'État, acceptent-ils d'avoir sur le sol de leur patrie des forces qui ne relèvent pas d'elle ? Il faut cesser d'atermoyer.
Alors une troisième voie, une alternative réelle pour le changement, pourquoi ne pas tenter l'expérience, sachant, et c'est vraiment dommage, que seul le camp chrétien, et dans quelques rares circonscriptions, serait en mesure d'offrir aux électeurs ce choix qui ne serait viable qu'à la condition que les candidats, à défaut d'être blanc-bleu - ce qui est impensable peut-être, car en politique c'est comme demander la lune - auraient commis des péchés tout au plus véniels, afin que cette tentative puisse faire boule de neige et contaminer les autres partenaires du tissu social de notre pays, de sorte qu'aux législatives de 2013, les prétendants à la députation viendraient de tous bords sans crainte, ayant comme vision la création d'une nation véritable et d'un État moderne avec tout ce que cela comporte comme devoirs et obligations.
Adopter le slogan de ce grand homme que fut le président John Kennedy : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez et devez faire pour votre pays » est inéluctable, à condition de l'appliquer en commençant par balayer devant notre propre porte.
Ainsi, l'égocentrisme ne sera plus qu'un mauvais souvenir.

Georges TYAN
Conseiller municipalde Beyrouth

Maintenant qu'on a intronisé M. Obama, glosé jusqu'à plus soif sur les massacres de Gaza, versé des larmes de crocodile pour les enfants innocents assassinés aux produits chimiques prohibés dans les ruelles de cette ville dévastée, nous reprenons sagement nos vieilles habitudes avec une nouvelle pomme de discorde qui, je présume, va...
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