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Nos Lecteurs ont la Parole

L’accord de cessez-le-feu : une guillotine de la souveraineté de la loi libanaise et du droit international

L’horreur de la guerre, qui se confirme comme la guerre des autres sur le territoire du Liban pour le compte des autres, a fait pression pour la conclusion d’un accord de cessez-le-feu entre les parties au conflit. Malgré sa nécessité pour le peuple libanais victime de cette guerre destructrice, il n’est pas permis d’accepter des solutions politiques qui contredisent à la fois la Constitution libanaise et le droit international, ni de conclure des trocs même de bonne foi aux dépens de la nation, suivant la logique que la fin justifie les moyens. Quelle que soit l’identité de l’accord – politique, sécuritaire ou de défense –, sa conclusion doit suivre les mécanismes légaux ; alors nos observations se limiteront à deux problématiques d’ordre juridique.

I- Le statut des auteurs de la conclusion de l’accord

Conformément à l’article 52 de la Constitution libanaise, le président de la République est l’auteur de la négociation et de la ratification des traités en accord avec le Premier ministre, qui sont conclus après accord du Conseil des ministres. Le gouvernement en informe le Parlement lorsque l’intérêt du pays et la sûreté de l’État le permettent. Les traités qui ne peuvent être dénoncés à l’expiration de chaque année ne peuvent être ratifiés qu’après l’accord du Parlement.

En outre, et conformément à l’article 7 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, les chefs d’État, chefs de gouvernement, ministres des Affaires étrangères et chefs de mission diplomatique auprès de l’État accréditaire sont uniquement considérés comme représentants d’office de leur État pour accomplir les fonctions liées à la conclusion du traité. Aucune autre personnalité officielle ne sera considérée comme représentant l’État auxdites fins à moins qu’elle présente les pleins pouvoirs, ou s’il ressort de la pratique des États intéressés ou d’autres circonstances qu’ils avaient l’intention de considérer cette personne comme représentant l’État à ces fins.

Pourtant, le chef du pouvoir législatif ne figure pas sur ladite liste ; l’article 8 de cette convention affirme qu’un acte relatif à la conclusion d’un traité accompli par une personne qui ne peut être considérée comme autorisée à représenter un État à cette fin est sans effet juridique.

Cependant, rien dans la Constitution libanaise ne permet au chef du législatif d’exercer les pouvoirs du président de la République en matière de négociation de traités ni de remplacer le chef de l’exécutif, même en l’absence du président de la République. L’article 62 de la Constitution attribue les pouvoirs du président de la République au Conseil des ministres en cas de vacance de la présidence pour quelque raison que ce soit.

Invoquer le problème de la démission du gouvernement actuel n’autorise pas le speaker du législatif à exercer les fonctions du pouvoir exécutif, mais doit l’inciter plutôt à assumer ses responsabilités afin de combler les lacunes constitutionnelles et à affronter cette situation inhabituelle à travers l’élection d’un nouveau président de la République, suivie de la formation du gouvernement pour sauver le pays et l’État.

Il n’est pas permis que l’accord soit non conforme à la Constitution, selon le principe de la hiérarchie des normes qui assure la suprématie de la Constitution sur les traités. La détention du speaker des pleins pouvoirs pour assumer les fonctions de négociation exige un amendement constitutionnel de l’article 52, surtout que l’autorité actuelle considère le speaker comme le représentant de l’État à cet effet. Personne ne doute de l’effort exceptionnel déployé par la personne du speaker ni de son rôle pour aboutir à un accord freinant les hostilités.

Le rôle de négociateur du speaker viole le principe de la séparation des pouvoirs et le pacte national sur lequel repose l’accord de Taëf, surtout si l’autorisation implicite du speaker émane de sa qualité de représentant d’une communauté religieuse ou de délégué d’un groupe armé en tant que partie du conflit armé.

La communication d’un État étranger avec une autorité officielle non compétente, mais plutôt pour sa qualité de représentant d’une communauté nationale spécifique, est considérée comme une ingérence dans les affaires intérieures de l’État libanais, ainsi qu’une violation de l’un des principes cardinaux du droit international ancré à l’article 2§7 de la Charte de l’ONU. L’audacieux, c’est que l’État étranger s’efforce pour aboutir à un accord entre un groupe armé et Israël – entité non reconnue par l’État libanais. Une problématique juridique supplémentaire : même si le speaker est dûment habilité, est-ce qu’il est légal que l’État libanais négocie au nom d’un groupe armé pour conclure un accord avec un État qui ne le reconnaît pas ? Cette situation juridique contre nature exige que l’accord soit conclu entre les véritables parties au conflit, à savoir un cessez-le-feu entre le groupe armé et l’entité occupante, conformément au droit international humanitaire (art. 15 de la 1re Convention de Genève, 1949), sans impliquer l’État libanais, même en cas d’incapacité constitutionnelle ou s’il n’est pas en mesure d’exercer ses fonctions et d’étendre son autorité sur l’ensemble du territoire national conformément à la Constitution et protéger ses frontières.

Toutefois, le cessez-le-feu est un accord militaire qui répond à des objectifs politiques ou stratégiques (regroupement des forces, évaluation de l’autorité adverse…) et ne signifie pas la fin des hostilités mais une trêve temporaire. Il ne met pas fin juridiquement à l’état de guerre et ne doit pas être confondu avec les accords de paix, qui signifient la fin du conflit.

Pourtant, selon le droit international des traités, est nul tout traité dont la conclusion a été obtenue par la menace ou l’emploi de la force en violation des principes du droit international incorporés dans la Charte de l’ONU. Subséquemment, négocier « sous le feu » constitue un usage excessif de la force en violation flagrante du droit international.

II- La liberté d’action israélienne versus droit de légitime défense en droit international

L’exigence de l’ennemi israélien d’une liberté d’action militaire sur le territoire libanais illustre sa non-reconnaissance de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, sans évoquer les défaillances liées à son implémentation. À travers cette clause, Israël cherche à imposer un nouveau règlement comme la loi du plus fort au lieu de respecter la légitimité internationale.

Cette clause constitue une violation des principes du droit international établis par la Charte de l’ONU tels que l’égalité souveraine des États, le non-recours à l’usage de la force dans les relations entre États et l’interdiction du recours à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique des États, la résolution pacifique des différends et la responsabilité exclusive du Conseil de sécurité du maintien de la paix et de la sécurité internationales.

En conséquence, lesdits principes font de la demande israélienne de la liberté d’action une exigence contredisant non seulement le droit international, mais aussi une violation des règles impératives du droit international, des règles générales du droit international acceptées et reconnues par l’ensemble de la communauté internationale et qui ne peuvent être ni violées ni modifiées.

Ainsi, l’incorporation implicite de cette clause susvisée sous le titre de la légitime défense, et dans la prétendue lettre annexe de promesse signée par l’État médiateur, rend l’accord de cessez-le-feu nul, du fait qu’il est contraire à une norme impérative de l’ordre public international, conformément à l’article 53 de la Convention de Vienne susmentionnée, et au principe de l’exécution de bonne foi des traités qu’elle consacre à travers le « Pacta sunt servanda ».

Quant à la clause de légitime défense, il s’agit d’un droit naturel et évident accordé par la Charte de l’ONU à tout État sans discrimination. Toutefois, l’exercice de ce droit ne peut être arbitraire ou discrétionnaire et n’autorise aucun État à l’invoquer pour recourir à la force armée contre un autre État. L’article 51 de la Charte de l’ONU précise deux conditions pour l’exercice de ce droit. En premier lieu, il s’applique uniquement en cas d’agression armée d’un État contre un (des)

autre(s) État(s). Ainsi, une violation certaine de la souveraineté – autre qu’une agression armée – n’autorise aucunement l’État lésé à recourir à la force. Quant à la seconde condition, les États doivent informer immédiatement le Conseil de sécurité des mesures qu’ils ont prises dans l’exercice du droit de légitime défense. Il convient de noter que l’État défenseur est tenu de cesser de recourir à la force armée dans le cadre de l’exercice dudit droit, dès que le Conseil de sécurité a pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Alors il est prohibé d’abuser de ce droit au moment où le Conseil de sécurité met sa main sur la question. Par conséquent, la mention du droit de légitime défense dans l’accord ne peut s’appliquer à un État sans un autre, car il s’agit d’un droit naturel pour chaque État, qu’il soit mentionné ou non dans l’accord.

L’accord subit d’autres problématiques majeures, entre autres son champ d’application territorial et son statut juridique vis-à-vis de l’accord d’armistice de 1949 ratifié par le Conseil de sécurité et confirmé par ses résolutions concernant le Liban.

Avocat international et professeur de droit international

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L’horreur de la guerre, qui se confirme comme la guerre des autres sur le territoire du Liban pour le compte des autres, a fait pression pour la conclusion d’un accord de cessez-le-feu entre les parties au conflit. Malgré sa nécessité pour le peuple libanais victime de cette guerre destructrice, il n’est pas permis d’accepter des solutions politiques qui contredisent à la fois la...
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