Rechercher
Rechercher

Parler - Lorient-Le Siecle

L’adieu à Édouard Saab : « la voix du témoin s’est tue »

La mort l’a frappé comme elle a emporté des centaines de milliers d’innocents durant la guerre du Liban. Avec lui, c’est aussi un symbole qui est touché. Le dimanche 16 mai 1976, Édouard Saab, rédacteur en chef de « L’Orient-Le Jour », tombe sous les balles d’un franc-tireur au passage du Musée à Beyrouth. Il n’a pas été victime d’un assassinat prémédité, comme des centaines d’intellectuels, avant et après lui. Mais la tragédie marque l’époque. Elle est le signe d’un journalisme empêché, victime collatérale d’une violence qui ne fait plus de distinction entre civils et combattants. « La voix du témoin s’est tue, brisée par un temps où le fracas des armes couvre le grondement des rotatives », écrit alors « L’OLJ ». Arrêt sur un dernier hommage.

L’adieu à Édouard Saab : « la voix du témoin s’est tue »

Illustration Jaimee Haddad

Édouard Saab, c’est – c’était – le journalisme dans ce qu’il a de plus actif, de plus bouillonnant, de plus impétueux. C’était l’anti-rond-de-cuir. Ce soldat de la plume étouffait littéralement derrière son bureau. L’événement, il lui fallait le vivre. Au risque d’en mourir.

Il est des êtres que l’on n’arrive tout simplement pas à imaginer absents ; ou changés. Ou bien vieillis. Édouard Saab est de ceux-là. Peut-être, ces dernières années, une ou deux rides de plus. Mais rien, absolument rien d’entamé dans cette extraordinaire alerte des sens, cette fébrilité créatrice, cet enthousiasme débordant face à l’information, à la nouvelle.

C’était alors la tornade qui déferlait à travers la porte de la salle de rédaction, balayant tout sur son passage ; c’étaient les grands souffles d’exubérance toujours tempérés d’humour : les volts en cascades qui se communiquaient irrésistiblement même aux plus blasés de ses cadets.

Pour tous ceux qui ont travaillé aux côtés d’Édouard Saab, qui ont partagé avec lui tant d’heures volées à sa famille, c’est surtout un cœur grand comme ça qui s’est arrêté de battre. En leur chef, ils perdent un ami, un ami sûr, qui était toujours là au bon moment.

Ce « dur » de la presse qui, de révolution en coup d’État, a couvert plus d’un quart de siècle de l’histoire du Proche-Orient, se refusait obstinément à quitter le rang, à se carrer dans la profession.

Un « gars » du métier, formé sur le marbre. Un analyste pertinent, et souvent un prodigieux visionnaire. Mais aussi un spiritualiste qui souffrait au plus profond de lui-même du naufrage de son pays. Il n’a ménagé aucun effort, dépassant les limites de la profession, pour aider à dégager quelque élément de solution. Malgré ses nombreuses activités, il s’était attelé tout récemment à la rédaction d’un ouvrage – son troisième – sur la crise libanaise.

Mais le destin en a décidé autrement : la voix du témoin s’est tue, brisée par un temps où le fracas des armes couvre le grondement des rotatives.


Édouard Saab, c’est – c’était – le journalisme dans ce qu’il a de plus actif, de plus bouillonnant, de plus impétueux. C’était l’anti-rond-de-cuir. Ce soldat de la plume étouffait littéralement derrière son bureau. L’événement, il lui fallait le vivre. Au risque d’en mourir.Il est des êtres que l’on n’arrive tout simplement pas à imaginer absents ; ou changés....
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut