
Construction sur une plage de Thoum, au Liban-Nord. Photo publiée par l'ONG NAHNOO
Dernier en date d'une série d'empiètements sur le littoral au Liban, un projet de construction de l'entreprise Azure Blue sur le rivage à Thoum, au Liban-Nord, qui ouvre la voie à une nouvelle atteinte à l'environnement.
Des images et des vidéos postées sur la page Instagram de NAHNOO, une plateforme de plaidoyer pour l'élaboration de politiques publiques, montrent des engins d'excavation à l'œuvre, de jour comme de nuit, sur le site de Thoum.
Le directeur de NAHNOO, Mohammad Ayoub, affirme à L'Orient Today que l'entreprise construisait un nouveau complexe hôtelier qui empiétera sur le littoral, malgré la décision du ministère des Travaux publics de « démolir » les empiètements d'Azure Blue.
Un terrain contesté
M. Ayoub a déclaré que la société en question avait acheté des terrains contestés à Thoum qui portaient la notice « chantiers suspendus » délivrée par la justice. Cela signifie que ce terrain était bon marché car il présentait de nombreuses violations et limitations empêchant les propriétaires d'y construire des projets, explique le responsable.
« Ce type de terrain attire généralement les investisseurs », en particulier ceux qui ont des connexions puissantes et qui peuvent « outrepasser les interdictions » et « faire ce qu'ils veulent », ajoute-t-il.
En utilisant un « permis de maintenance », prétendument obtenu par le propriétaire de la société pour effectuer des travaux sur une tente qu'il avait installée et qui, selon lui, était là depuis 1994, l'investisseur a commencé à construire « un centre de villégiature, un chalet et un restaurant », assure Mohammad Ayoub.
« Le permis d'entretien a été accordé sous deux conditions : il est interdit d'utiliser du béton et il est interdit d'empiéter sur le domaine public ; il est certain qu'il n'a respecté aucune de ces conditions », ajoute-t-il.
Contacté par L'Orient Today, l'un des propriétaires d'Azure Blue a refusé de répondre à nos questions.
Cette situation n'est pas nouvelle sur le littoral libanais. Les violations de la loi sur la propriété publique maritime sont un problème récurrent, les promoteurs utilisant leurs relations politiques pour contourner les réglementations afin d'obtenir les permis nécessaires pour construire et faire des profits à partir de l'espace public.
Selon une étude de l'Institut de l'environnement de l'Université de Balamand, au moins 80 % des 220 kilomètres de littoral libanais sont privatisés.
Démolition « théorique »
Les travaux de construction à Thoum sont également contraires à la loi libanaise 444 de 2002 sur la protection de l'environnement, puisqu'ils masquent la vue et bloquent l'accès à la plage. En vertu d'un décret juridiquement contraignant publié en 1925, toute construction permanente sur le domaine public et le découpage de la côte libanaise sont interdits.
Le projet contrevient également au Protocole de Madrid pour la gestion intégrée des zones côtières en Méditerranée, que le Liban a ratifié en 2017 et qui interdit la construction sur la bande côtière sur une largeur de 100 mètres.
Le 8 juin, le ministère des Travaux publics a pris une décision, que L'Orient Today a consultée, de « démolir et d'éliminer (...) les biens immobiliers 177 et 202 dans la région de Thoum », faisant référence aux empiètements d'Azure Blue et citant le protocole susmentionné.
Le projet a démarré au début de l'été, suivi d'une campagne de NAHNOO pour demander son arrêt.
Lancée en 2021, la campagne « Côte pour tous », menée par un groupe d'organisations, dont NAHNOO, des militants et des experts, exige la modification de la loi 2017/64 afin de « limiter exclusivement à l'Etat les droits d'occupation des biens publics » et d'empêcher les investisseurs (particuliers et entreprises privées) de posséder et d'exploiter les plages publiques aux dépens de l'intérêt public.
Elle exige la fin du vandalisme environnemental sur les eaux régionales et les habitats des organismes marins. La campagne réclame aussi l'éradication de toutes les violations de la propriété publique maritime et la préservation des 20 % de terres restantes du front de mer public.
« Mais ce projet n'a pas encore été démoli », malgré la décision du ministère des Travaux publics, rappelle Mohammad Ayoub. « Aujourd'hui, le ministre n'a pas pris de décision de démolition. Il a donné une décision de démolition théorique ».
« De nombreux projets ont été construits sur le littoral libanais. La question est de savoir pourquoi certaines personnes ont été autorisées à poursuivre leurs projets et d'autres non, pourquoi certaines personnes se sont vu retirer leur permis et d'autres non », explique le responsable. « Nous ne comprenons pas cette politique des deux poids deux mesures, et nous ne comprenons pas comment les décisions sont prises. »
Contacté, un porte-parole du ministère des Travaux publics a déclaré qu'il n'avait aucune information à ce sujet, ajoutant qu'une fois que le ministère a pris une décision, il n'est pas responsable du suivi de son exécution.
Centre de surveillance environnementale
En juin, une campagne lancée par une association environnementale, Green Southerners, a interrompu des travaux de construction dont on craignait qu'ils ne concernent un nouveau projet immobilier sur la côte de Naqoura, dans le Sud. M. Ayoub nous avait déclaré en juin qu'un propriétaire privé, qui avait décidé de remblayer son terrain érodé par les vagues, était à l'origine du projet à Naqoura.
Hicham Younès, directeur de Green Southerners, avait affirmé à l'époque à notre publication que l'association a découvert ces activités après avoir mis en place un centre de surveillance environnementale visant à détecter les actions susceptibles de nuire aux écosystèmes locaux et à la faune. Elle a également appris que le ministère des Travaux publics avait initialement accordé aux propriétaires du projet un permis de remblayage.
Après que Green Southerners et d'autres activistes ont exercé des pressions et lancé une campagne en ligne contre le projet, le ministre sortant des Travaux publics, Ali Hamiyé, a pris la décision d'interrompre les travaux et de retirer le permis.
Mohammad Ayoub fait remarquer que la récente mobilisation de la coalition « La Côte est à nous » pour sauver la plage d'Abou Ali à Kfaraabida dans le Nord, et contre un projet similaire à Damour a changé l'équilibre des forces.
Le 5 juin, cette campagne a réussi, grâce à une décision de justice, à obtenir la démolition définitive d'une maison qui bloquait depuis des années l'accès public à la plage de Kfaraabida par des escaliers en fer. La construction d'un mur le long de la route de la localité et la rénovation des escaliers ont également été définitivement interrompues.
Cependant, à Kfaraabida et dans la ville voisine de Thoum, ce n'est pas le seul cas d'empiètement sur le domaine public maritime. Entre les deux villes, une demi-douzaine de projets de construction ont été réalisés ces dernières années sans permis.
Dernier en date d'une série d'empiètements sur le littoral au Liban, un projet de construction de l'entreprise Azure Blue sur le rivage à Thoum, au Liban-Nord, qui ouvre la voie à une nouvelle atteinte à l'environnement.Des images et des vidéos postées sur la page Instagram de NAHNOO, une plateforme de plaidoyer pour l'élaboration de politiques publiques, montrent des engins d'excavation...
commentaires (10)
REMLET EL BEYDA EN REPETITION. TOUT PASSE DANS CE BORDEL.
PARTISAN(E) EN PLACE. LA CENSURE BAT SON PLEIN
13 h 16, le 04 septembre 2023