Les larmes arrosent mes joues pourpres en écrivant ce poème malléable.
Au Liban,
La guerre a changé de nature mais pas de dimension.
Le Liban est toujours en guerre, en dissension.
On ramasse les cendres du Phénix,
On subit les méfaits de « nos » dirigeants,
On est bouleversé, détruit, maudit,
On baigne dans l’irréparable.
« L’exil est plus qu’un concept géographique », écrivait Mahmoud Darwish.
Je suis exilée dans ma propre chambre, asphyxiée
Dans mon propre pays hiérarchique.
Rien n’est plus aigre
Que le baume de nos rêves
Qui se dissipe dans les nuées de Beyrouth,
Les mains nouées, les pensées coalescentes.
Quand je déambule à travers les rues sanglantes
Et que je vois un humain sous l’emprise de ses pensées,
Je me dis : préfère-t-il le café au lait ou bien le thé chaud ?
Je n’appréhende ni sa confession ni sa religion.
Je pense à ses rêves, ses ambitions et dérisions.
On est sur la même page, dans la même condition.
Je me dis curieusement : est-ce qu’il préfère « mloukhiyé » ou bien « bemyé » ?
Est-ce qu’il aime lire, écrire, courir?
Quel est son plat préféré, le livre qu’il est en train de dévorer ?
Quelle est sa passion, son ambition, sa plus grande crainte ?
Quelle histoire se cache derrière cette ombre passante ?
Comment a-t-il subi les émeutes de son peuple ?
En fin de compte,
On est des rescapés.
Inflation monétaire, guerre, conflits politiques et socio-économiques, explosion, pandémie meurtrière,
Des jeunes rescapés n’ayant pour caveau
Que la promesse d’un futur
Plus révolté, plus radieux et plus libre.
En fin de compte,
On aborde chaque aurore
Comme on rentre dans un coupe-gorge,
Ne sachant pas ce qui nous est écrit :
Coup de feu, explosion, guerre ou révolution ?
Nos histoires se résument ainsi :
« Votre grand-père traversait Beyrouth tragique et bombardé
Pour porter à sa sœur une poupée empourprée.
Votre père état un bonhomme clément.
Il traversait les barrages, apeuré de perdre son cahier d’écolier.
Votre grand-mère voulait quitter
Mais elle était contrainte à vivre sous l’air fastidieux des mitraillades »
Les Libanais, ce sont des exilés, des rescapés,
Mais finalement, il est rassurant
Qu’ils ont gardé la faculté d’espérer
Et que même au bord de l’agonie,
Ils ont appris à vivre, à résister somme toute.
La guerre est un fléau que les Libanais héritent.
Exilée que je suis,
Que tout ce qui me reste dans ce monde,
c’est ces quelques phrases en prose
D’une écriture hachée
Qui n’ont guère plus de sens
Que des silhouettes fanées et ébouriffées
Ou possiblement éternelles…
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La guerre a changé de nature mais pas de dimension.
Le Liban est toujours en guerre, en dissension.
On ramasse les cendres du Phénix,
On subit les méfaits de « nos » dirigeants,
On est bouleversé, détruit, maudit,
On baigne dans l’irréparable.« L’exil est plus qu’un concept...