
Le chef de l'Eglise maronite Béchara Raï. Photo ANI
Le patriarche maronite Béchara Raï, plusieurs responsables politiques ainsi qu'un groupe de la société civile ont appelé de concert jeudi à ce que justice soit faite sur la double explosion du 4 août 2020 dans le port de Beyrouth, à la veille du troisième anniversaire de la tragédie.
Plus de 220 personnes ont été tuées par la déflagration ou dans les mois, voire les années qui ont suivi, plus de 6.500 autres blessées et des quartiers entiers de la capitale ont été ravagés. L'explosion est survenue suite à l'incendie de milliers de tonnes de nitrate d’ammonium stockées dans le port depuis 2013 sans mesure de sécurité, de l'aveu même des autorités.
Lors d'une messe commémorative dans la capitale libanaise, le patriarche maronite a ainsi pointé du doigt les responsables poursuivis dans le cadre de l'instruction actuellement en suspens du juge Tarek Bitar, en charge de l'enquête : "Si vous êtes réellement innocents, pourquoi chercher alors à échapper à l'enquête et à entraver son déroulement ?", les a-t-il pris à partie. L'instruction est gelée en raison de nombreuses interférences politiques, alors que des dirigeants politiques, notamment des anciens ministres, sécuritaires ou encore des juges sont dans le collimateur de Tarek Bitar. "Face à une telle catastrophe, il est inacceptable de rester silencieux. Des individus, qu'ils soient directement ou indirectement impliqués, semblent se soustraire à la justice grâce à des manœuvres politiques", a-t-il lancé.
De son côté, le chef des Marada et candidat à la présidence Sleimane Frangié a twitté : "Trois ans après la catastrophe qu'était l'explosion au port de Beyrouth, notre revendication est unique : la vérité totale, entière et non-politisée, afin de rendre justice aux martyrs, à leurs proches et au Liban". L'ancien ministre des Travaux publics, Youssef Fenianos, un proche de M. Frangié, fait partie des responsables politiques qui se soustraient à la justice dans l'affaire.
"Le Liban ne peut rester une terre de corruption"
Pour sa part, le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, a déploré dans un tweet que "depuis 20 mois, l'enquête sur l'explosion au port de Beyrouth est au point mort". "Il est impératif que justice soit rendue, que les responsables rendent des comptes, afin de consoler les âmes et les familles des victimes, d'innocenter les innocents, de protéger la réputation du pouvoir judiciaire et de restaurer la confiance dans la nation, tant au niveau national qu'international", a-t-il écrit. "Si une enquête internationale est nécessaire, qu'il en soit ainsi. Le Liban ne peut pas rester une terre de corruption, de détournement de fonds publics, ni une terre de crimes. En fin de compte, les criminels et les malfaiteurs ne doivent pas échapper à la punition", a conclu M. Bassil.
Après la double explosion, Michel Aoun, fondateur du CPL et alors président de la République, avait rejeté l'éventualité d'une enquête internationale, estimant qu'elle risquait de "diluer" la vérité.
L'ex-chef du Courant du Futur et ancien Premier ministre Saad Hariri, désormais en retrait de la politique, a pour sa part écrit sur Twitter que le 4 août est "une marque noire dans l'histoire du Liban". "La blessure de Beyrouth ne guérira pas, mais justice sera faite, peu importe le temps que cela prendra".
Plus tôt dans la journée, le Groupe international de soutien (GIS) au Liban avait affirmé que "lutter contre l'impunité est essentiel pour rétablir la crédibilité des institutions" dans le pays.
Du côté de la société civile, de nombreuses organisations, activistes et proches de victimes ont réitéré leur appel au Conseil de sécurité de l'ONU à l'établissement d'une mission internationale d'établissement des faits, tandis que le réseau Mada a organisé une action au Palais de Justice, où des photos de responsables poursuivis ont été étalées sur le sol.
Mardi, quinze ambassadeurs de pays signataires de la déclaration commune sur l'explosion au port de Beyrouth au Conseil des droits de l'homme des Nations unies avaient exhorté les autorités libanaises à accélérer l'enquête sur ce drame, et exprimé leur inquiétude face à son "obstruction permanente". Plusieurs hauts fonctionnaires et politiques poursuivis par le magistrat Bitar ont refusé de se présenter devant le tribunal.
A l'occasion de la commémoration du 3e anniversaire du drame, des familles de victimes ont prévu un rassemblement à 16h à la caserne de pompiers à la Quarantaine, située à quelques centaines de mètres du port. La marche se dirigera ensuite vers la statue de l'Emigré, qui fait face au lieu du drame. Un rassemblement sur la place du Trocadéro, à Paris, est également prévu.
commentaires (7)
Des commentaires que je lis condamnant les pourritures sont assez éloquents. Je ne voudrais pas m’abaisser à être plus insolent. Je partage ce qu’ils ont commenté.
Mohamed Melhem
12 h 58, le 05 août 2023