Deux eurodéputés français, Thierry Mariani et François-Xavier Bellamy, se sont livrés mercredi à une bataille par vidéos interposées, au sujet du vote d'une résolution sur le Liban, et notamment d'un paragraphe du texte concernant la présence des réfugiés syriens au Liban. Si le premier a dénoncé une "trahison" des Libanais avec le vote du texte, en accusant notamment le groupe de députés auquel appartient M. Bellamy, le second a critiqué son collègue, l'accusant de "manipulation affligeante" et dénonçant ses liens avec le régime de Damas. Cet échange acerbe s'est produit alors même que les deux membres du Parlement européen font partie de groupes ayant voté contre la résolution et réclamant le rapatriement des réfugiés.
Le texte de la résolution adoptée mercredi n'appelle pas de manière explicite à garder les réfugiés syriens au Liban mais il estime que "les conditions requises pour un retour volontaire et digne des réfugiés ne sont pas présentes". Une position en adéquation avec le point de vue observé par la communauté internationale depuis des années. Le texte demande en outre au Liban "en cas d'action sur les migrations, de s'abstenir d'expulser, d'imposer des mesures discriminatoires et d'inciter à la haine contre les réfugiés syriens".
Thierry Mariani, un député d'extrême droite membre du Rassemblement national de Marine Le Pen et proche de Vladimir Poutine et de Bachar el-Assad, s'en est pris, dans une première vidéo diffusée avant le vote sur Twitter, au texte de la résolution qui, selon lui, "soutient le maintien des réfugiés syriens au Liban", et au Parti Populaire Européen (démocrates-chrétiens), qui a selon lui soutenu ce texte. "De nombreuses délégations d’élus et de représentants libanais étaient venues demander ces dernières semaines aux députés européens d'intervenir pour soutenir le rapatriement des deux millions de réfugiés syriens présents au Liban. Elles étaient reparties pleines de promesses par les groupes majoritaires du Parlement européen, dont celui du PPE dans lequel se trouvent les Républicains français", a déclaré M. Mariani, mais le PPE a "trahi ses interlocuteurs libanais". "Cette résolution acte l'opposition du Parlement européen au départ des réfugiés syriens dans leur pays, alors que la guerre est absente de l'immense majorité de la Syrie désormais", a-t-il ajouté.
"Insulte aux Libanais"
Dans un second tweet, publié peu après le vote, M. Mariani a déploré que "le Parlement européen vient de voter à une écrasante majorité une résolution qui soutient le maintien des réfugiés syriens au Liban". "Parmi les élus français, seuls ceux du Rassemblement national ont voté contre cette insulte aux Libanais et à leur avenir", a ajouté l'élu.
En réaction, François-Xavier Bellamy, qui appartient au groupe du Parti Populaire Européen (démocrates-chrétiens), s'est défendu dans une vidéo adressée à ses "chers amis libanais et français", s'en prenant à une "manipulation affligeante" de M. Mariani. "La résolution que nous avons votée ne demande pas en effet que les réfugiés syriens puissent revenir dans leur pays et c'est une catastrophe pour le Liban. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle notre groupe n'a pas soutenu ce texte", a-t-il souligné. Il a ajouté que le PPE s'est "battu de toutes ses forces pour exiger, comme nos alliés libanais, que les Nations unies cessent de financer le maintien des réfugiés au Liban, encouragent leur retour voire l'imposent lorsqu'il est avéré que le retour en Syrie se fait sans risque". Il souligne que cette position n'a jamais été soutenue par le Rassemblement national. "M. Mariani vous parle avec émotion du soutien aux chrétiens d'orient, mais qu'est-ce qu'il fait pour eux ?", a lancé François-Xavier Bellamy. "Il est quand même sidérant qu'il (M. Mariani) prétende libérer le Liban des ingérences étrangères, lui qui a écrit être l'ami de Bachar el-Assad, auquel il a si souvent rendu visite". "Qui a occupé si longtemps le Liban et qui empêche le retour des réfugiés syriens, sinon le régime de Damas ?", a-t-il critiqué, fustigeant les "liens inavouables" de Thierry Mariani avec le régime syrien.
"Manipulation de l'information", "démagogue corrompu"
Au Liban, les propos de Thierry Mariani ont également fait réagir.
Ayman Mhanna, directeur exécutif du centre SKeyes pour la liberté des médias, a dénoncé une "manipulation de l'information", après que plusieurs médias ont repris les propos du député d'extrême-droite pour évoquer la résolution, sans en consulter le texte. "Le député français d'extrême droite et pro-Assad, Thierry Mariani, a fait tomber tout le récit de la résolution d'hier (mercredi) dans le piège de la focalisation sur une seule phrase concernant les réfugiés syriens", a dénoncé M. Mhanna sur Twitter. "Je suis surpris que plusieurs médias (libanais) n'ont pas lu le texte entier (de la résolution) par souci d'aller plus vite, ou pour servir certains agendas et sans se documenter sur l'affiliation de Thierry Mariani", a ajouté le directeur de SKeyes.
De son côté, le politologue Karim Bitar a dénoncé les déclarations d'un "démagogue corrompu qui essaie de capter les votes de quelques aounistes en France en prétendant défendre le Liban contre les réfugiés syriens". "Certains Libanais naïfs le remercient, tout en ignorant qu'il est un ami et fervent partisan de Bachar el-Assad", a-t-il écrit sur Twitter. "S'il veut que les réfugiés syriens quittent le Liban, qu'il commence par demander à son ami Bachar de les reprendre", a ajouté M. Bitar qui souligne que Thierry Mariani est "également un défenseur de Vladimir Poutine".
Il n’y a plus aucune politique qui se respecte; c’est chacun pour soi ! À nous de jouer en protégeant nos intérêts et que personne ne puisse nous culpabiliser dorénavant mais pour cela, l’union fera notre force.
13 h 47, le 14 juillet 2023